CESNUR - center for studies on new religions

Anti-Cult Law in France

MISSION INTERMINISTERIELLE DE LUTTE CONTRE LES SECTES

RAPPORT 2000

LES SECTES EN FRANCE

RAPPORTS AVEC LES PRINCIPAUX MINISTERES

MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES

Les conséquences internationales de l'action des mouvements sectaires, leur volonté d'étendre leur influence non seulement dans la plupart des pays mais aussi auprès des organisations internationales ou lors de grandes conférences, n'ont pas échappé au ministère des Affaires étrangères.

Grâce au vaste réseau que constituent ses missions diplomatiques et consulaires et ses représentations permanentes auprès des institutions multilatérales, le ministère des Affaires étrangères opère une veille mondiale sur les développements sectaires importants ou significatifs, dans un pays particulier aussi bien qu'à l'échelle régionale ou internationale.

Il peut ainsi entretenir avec les autorités locales de toute nature, de fructueux échanges de réflexions et enregistrer, dans de nombreux cas, une convergence des vigilantes préoccupations des autorités face aux menaces que font peser certaines graves dérives sur les individus aussi bien que sur le bon fonctionnement des institutions.

La coopération entre le ministère des Affaires étrangères et la Mission est excellente aussi bien à l'étranger qu'en France où ses nombreux services lui procurent toute l'aide qu'elle peut souhaiter. De son côté, la Mission apporte bien volontiers son concours à nos missions diplomatiques, notamment dans certaines enceintes internationales en les faisant bénéficier de son expertise, de ses analyses et de ses avis.

En ce qui concerne les grandes lignes de l'action conduite par la Mission en liaison étroite avec le ministère des Affaires étrangères, il convient de se reporter au chapitre consacré aux relations internationales.

MINISTERE DE LA JUSTICE

Les relations de la Mission avec les services du Garde des Sceaux n'ont pas cessé au cours de l'année 2000.

Des affaires dont la Mission a été saisie et qui lui ont paru d'une certaine gravité ont fait l'objet d'un signalement à l'autorité judiciaire.

Celle-ci a communiqué à la Mission différentes statistiques d'un grand intérêt qui montrent qu'à présence sectaire à peu près étale en France, la Justice a eu, plus que par le passé, à connaître d'affaires touchant au sectarisme. Actuellement, environ 260 affaires sont soumises à son attention. Parmi elles, un certain nombre concernent des infractions ou des crimes commis à l'encontre de mineurs victimes d'abus sexuels dans le cadre de mouvements à caractère sectaire (viol, agression sexuelle, faits de proxénétisme ou de corruption).

Au plan législatif, la Mission a été interrogée par les services de la Chancellerie à propos des propositions de loi parlementaires tendant à réprimer plus fermement les infractions commises par des personnes morales et à décider, le cas échéant, de leur dissolution.

La Mission a noté avec satisfaction la présence régulière de l'autorité judiciaire aux réunions des cellules départementales de vigilance prévues par la circulaire de 1997.

MINISTERE DE L'INTERIEUR

La Mission a établi, depuis son institution, des relations constantes avec le ministère de l'Intérieur qui lui apporte un appui appréciable.

Elle participe fréquemment aux réunions des cellules de vigilance préfectorales qui permettent une observation approfondie de la situation du sectarisme dans chaque département, d'en suivre l'évolution et, le cas échéant, de prendre les mesures appropriées en mobilisant l'ensemble des fonctionnaires de l'Etat.

Les relations avec la préfecture de police de Paris, indispensables en raison du grand nombre de mouvements sectaires présents dans la capitale, se sont développées à la satisfaction générale pendant l'année 2000. Quelques abus sectaires qui constituaient autant d'"irritants" pour la population parisienne ont heureusement disparu.

MINISTERE DE L'EDUCATION NATIONALE

La Mission est fréquemment sollicitée par les cadres de l'Education nationale, les enseignants et les parents d'élèves, signe d'une vigilance de plus en plus déterminée à l'égard des tentatives d'investissement sectaire dans ce secteur particulièrement sensible et exposé.

Aussi conviendrait-il que les futurs professeurs, notamment les étudiants des Instituts Universitaires de Formation des Maîtres (IUFM), puissent recevoir systématiquement une formation approfondie touchant aux valeurs républicaines et une sensibilisation particulière aux principes de la laïcité, fondements communs à tous les citoyens qui composent la nation.

Une circulaire en ce sens serait sur le point d'être adressée aux directeurs des IUFM. La Mission se tient prête à apporter son concours aux conférences de sensibilisation qui pourraient être organisées.

En liaison avec la direction des affaires juridiques du ministère, un opuscule destiné plus particulièrement à l'information des cadres administratifs sur le sectarisme est en cours de préparation. Il serait souhaitable que sa rédaction soit achevée dans le courant de l'année 2001.

La Mission a répondu à d'innombrables sollicitations de classes et d'établissements d'enseignement, publics et privés (conférences, demandes de documentation), tant en France métropolitaine que dans les départements d'outremer.

La question de quelques (rares) enseignants, membres déclarés et actifs de sectes, qui ne professent pas leur conviction pendant les heures de cours mais exercent en périphérie de l'école un "rayonnement" particulièrement nocif, n'est toujours pas administrativement résolue.

Pour la première fois, la Mission a participé au Salon de l'Education (22-26 novembre 2000) où elle a tenu un stand d'information fort visité. Une plaquette d'information a été largement diffusée. Sous la présidence de la Mission, une conférence-débat a été organisée avec le concours des principaux ministères concernés et des deux principales associations de lutte contre le sectarisme.

MINISTERE DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS

Les relations traditionnellement excellentes entre ce département ministériel et la Mission se sont poursuivies tout au long de l'année.

La Mission participe régulièrement, à la demande du ministère de la Jeunesse et des Sports, aux séminaires de formation de ses cadres.

Des contacts particuliers ont été établis à propos de dérives éducatives observées dans certaines associations non reconnues par la Fédération du scoutisme français mais pouvant, à l'occasion de vacances organisées, solliciter l'agrément des instances compétentes. La vigilance du ministère, dans le respect des libertés associatives, a été appréciée.

La Mission souligne toutefois une certaine insuffisance législative ou réglementaire s'agissant des centres de vacances ouverts en France par des associations étrangères et accueillant parfois de jeunes Français parmi une majorité de non-nationaux. Il serait souhaitable que le contrôle de la Jeunesse et des Sports soit habilité à s'exercer sur ces centres dont le nombre semble se multiplier, notamment dans plusieurs départements du sud de la France, et que ce contrôle s'étende au-delà de la compétence technique des personnels d'accompagnement et de la conformité des locaux aux règles d'hygiène et de sécurité.

La politique d'agrément du ministère de la Jeunesse et des Sports rencontre l'assentiment de la Mission qui apprécie les réflexions actuellement en cours, dans cette optique, pour améliorer encore les garanties offertes. L'expertise du ministère en la matière pourrait être étudiée avec fruit par d'autres départements ministériels.

La Mission souligne enfin avec satisfaction les nombreuses initiatives ministérielles et décentralisées de la Jeunesse et des Sports en matière d'information et de prévention au bénéfice de la jeunesse.

MINISTERE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE

Des relations positives de travail et de réflexions se sont poursuivies pendant l'année 2000.

Des contacts directs ont été pris avec le ministre ainsi qu'avec les ministres délégués et les secrétaires d'Etat.

Des liaisons constantes ont été entretenues avec le chargé de mission auprès du sous-directeur du Développement social, de la Famille et de l'Enfance et la chargée de mission compétente de la Mission, nommée en octobre 2000.

La publication en octobre de la première circulaire de ce département concerné par de multiples problèmes a constitué une appréciable avancée en raison de l'ampleur du champ de compétence concerné et des méthodes suggérées en annexe pour répondre, administration par administration, aux défis multiples du sectarisme.

S'agissant de la formation professionnelle, d'une part, et des psychothérapies, d'autre part, se reporter aux chapitres qui leur sont consacrés.

L'OUTRE-MER

L'attention de la Mission au problème du sectarisme dans les départements d'outre-mer a été prolongée pendant l'année 2000 sur un double plan :

Trois missions de la M.I.L.S. ont été effectuées, en Guyane en février, en Martinique et en Guadeloupe en mai. Une mission aura lieu à la Réunion au début de l'année 2001, avec les mêmes objectifs.

LES CELLULES DE VIGILANCE

Comme dans les départements métropolitains, le suivi du sectarisme est généralement confié par les préfets à un collaborateur proche, le directeur de cabinet le plus souvent.

Les réunions se tiennent en préfecture, selon un rythme variable, en fonction de l'actualité du sectarisme. Le passage régulier du président ou d'un membre de la MILS favorise la tenue de réunions plénières auxquelles assiste, sur invitation, l'autorité judiciaire et notamment le magistrat de la cour d'appel chargé du suivi des problèmes sectaires. Les associations agréées sont, aussi bien en France métropolitaine que dans les départements d'outremer, invitées à ces plénières. Leur présence semble particulièrement précieuse. Ainsi en Guadeloupe, des informations ont pu être prises en considération alors que le service qui aurait dû les signaler paraissait les ignorer.

Les réunions plénières permettent un échange approfondi de données et de réflexions entre services accoutumés auparavant à fonctionner en interne. L'action des préfets et de leurs collaborateurs directs facilite d'autant mieux le suivi du sectarisme et l'élaboration de stratégies pertinentes qu'ils s'impliquent eux-mêmes et prennent la juste dimension des menaces que l'expansion contemporaine des sectes fait peser sur des institutions parfois fragilisées par une situation socio-économique délicate et une localisation géographique particulière.

Allant au-delà des réunions de la cellule de vigilance, des initiatives ont été prises en Martinique pour apporter le concours des services de l'Etat à des initiatives d'origine variée : conférence du Centre régional d'information jeunesse (CRIJ) dans les locaux mêmes de la préfecture de Fort-de-France (environ 250 participants), présentation d'une documentation élaborée sur place à destination des élèves du secondaire et des étudiants (édition d'un prospectus d'alerte et d'une affichette avec le concours de la mairie de Fort-de-France), initiative d'élèves de BTS au sein d'un lycée privé (AMEP) etc…

La Mission souhaite que ce type d'initiative déconcentrée et appuyée sur le tissu associatif se multiplie et que les pouvoirs publics contribuent activement à leur succès.

Le concours des élus départementaux et régionaux a été sollicité. En Guyane, une réunion d'information a été tenue devant les élus et les fonctionnaires de responsabilité de l'une et de l'autre assemblée. En Martinique, des élus ont participé à la réunion de la cellule de vigilance élargie. En Guadeloupe, des entretiens avec les présidents des deux assemblées ont été tenus.

La Mission, en raison des responsabilités particulières des élus territoriaux souhaite que des réunions d'élus soient organisées à la Réunion, en Martinique et en Guadeloupe à l'instar de ce qui a été programmé en Guyane, dès lors que les échéances municipales prochaines permettront de les organiser.

A l'occasion des rencontres qui ont d'ores et déjà eu lieu, la Mission ne peut que confirmer l'impression qui prévaut dans les DOM en ce qui concerne la forte prégnance du sectarisme. Rares, en effet, sont les familles dont au moins un membre n'adhère pas à une secte ou n'en subit pas les méfaits. La convivialité traditionnelle de la société ultra-marine et le pluralisme traditionnel de sa composition, en atténuant souvent le caractère agressif du sectarisme tel qu'il s'observe dans les départements métropolitains, constituent un facteur supplémentaire de moindre résistance qui appelle à une vigilance accrue de la part de tous les élus locaux ainsi que des fonctionnaires des trois fonctions publiques.

LE PROSELYTISME SECTAIRE EN MILIEU EDUCATIF ET SCOLAIRE

La Mission a constaté combien le domaine de l'éducation intéresse le sectarisme qui use à son égard d'une palette fort étendue de moyens et d'instruments.

En dépit de la circulaire du 14 mai 1999 du ministre de l'Education nationale sur le renforcement du contrôle de l'obligation scolaire, quelques enseignants ou cadres administratifs continuent à exciper d'une prétendue immunité convictionnelle pour s'abstraire régulièrement de leurs fonctions un jour par semaine [8] . Les rectorats, instruits de ces cas heureusement peu nombreux, devraient pouvoir régler ces difficultés qui se reportent fâcheusement sur l'emploi du temps des enseignants respectueux des normes de l'Education nationale, sous le contrôle de la direction des affaires juridiques du ministère.

Les mêmes principes doivent être rappelés aux parents d'élèves, en ce qui concerne la fréquentation scolaire, dès lors qu'ils ont choisi d'inscrire leurs enfants dans un établissement public.

S'agissant des établissements privés sans contrat et de l'enseignement délivré dans les familles, le vote de la loi du 18 décembre 1998 et la parution rapide des décrets d'application confèrent depuis la rentrée 1999-2000 aux services de l'Education nationale des pouvoirs de contrôle étendus.

L'INFORMATION DES PROFESSEURS

La Mission a organisé, avec le concours des recteurs, des réunions de travail ouvertes aux enseignants et aux cadres administratifs de l'Education nationale ainsi qu'à certains futurs professeurs des écoles en formation dans les IUFM. Ces réunions ont connu un grand succès d'affluence en Guyane et en Guadeloupe (plus de deux cents participants actifs). En raison d'une invitation moins large, seule une trentaine de participants ont été réunis en Martinique. Toutefois, le recteur, qui a assisté comme ses collègues à la conférence a souhaité que la Mission s'exprime dans un prochain numéro d'une revue pédagogique afin d'étendre l'information à l'ensemble des personnels concernés. La Mission répondra à cette invite lorsqu'elle en sera saisie.

Chacune des conférences a fait l'objet d'un suivi médiatique par la presse, les radios et les télévisions.

Il semble désormais que la situation qui prévaut dans les DFA est mieux connue de l'intérieur et mieux prise en considération par les pouvoirs publics. Il restera à entretenir cette vigilance. La présence d'une personnalité venant de l'Outre-Mer au sein du Conseil d'Orientation de la Mission lui est, à cet égard, particulièrement précieuse.

Le ministère de l'Education nationale, en ce qui le concerne, a envoyé une mission en Guyane, consécutivement au rapport de la Mission de 1999. Des initiatives analogues ont été prises ou sont sur le point de l'être par d'autres départements ministériels.

Sur place, les réactions apparentes des sectes ont été peu nombreuses pendant les missions de la MILS (distribution de quelques tracts obsolètes à Fort-de-France, visites habituelles de quelques adeptes de sectes venus à la fin des réunions publiques récuser comme à l'accoutumée cette appellation pour eux-mêmes et dénoncer d'autres mouvements comme réellement sectaires).

La Mission a souhaité connaître l'avis du Conseil d'Orientation sur la question de savoir si, compte-tenu de la modicité de ses moyens mais aussi du développement du sectarisme dans les TOM et à Mayotte, il pourrait être envisagé d'y étendre ses investigations.

Le Conseil d'Orientation s'étant prononcé favorablement, la Mission en retient le principe pour l'année 2001.

AU SENAT ET A L'ASSEMBLEE NATIONALE

LA LOI ABOUT-PICARD

Récuser toute législation spécifique mais favoriser l’adaptation de nos lois et règlements aux nouveaux défis du sectarisme et prévenir les difficultés ultérieures en veillant à ce que les textes à venir n’ouvrent pas d'imprévus boulevards au développement du prosélytisme sectaire : tels étaient les principes d’action de la Mission affirmés dans son premier rapport. Ils continuent de la guider dans ses relations avec le législateur dont elle accompagne avec attention les travaux.

LA PROPOSITION DE LOI ABOUT-PICARD

Le consensus politique a continué de prévaloir dans les assemblées parlementaires lorsqu’il s'est agi de légiférer. Après le vote au Conseil de l’Europe le 22 juin 1999 de recommandations préconisées par le rapport de M. Adrian Nastase, parlementaire (Roumanie), sur " les activités illégales des sectes ", l'Assemblée nationale et le Sénat français se sont prononcés à l’unanimité, en première lecture, sur des propositions de loi destinées à renforcer la prévention et la répression à l’encontre de groupements sectaires en complétant le dispositif légal existant.

1) La proposition de loi du sénateur M. Nicolas About (D.L.) " tendant à renforcer le dispositif pénal à l’encontre des associations ou groupements constituant par leurs agissements délictueux un trouble à l’ordre public ou un péril majeur pour la personne humaine " a été adoptée le 16 décembre 1999.

Elle s’appuyait sur le décret-loi du 10 janvier 1936 qui permet la dissolution des groupes de combat et des milices privées. Elle élargissait le champ des infractions entraînant la responsabilité des personnes morales et aggravait les peines encourues en cas de reconstitution d’une association dissoute.

2) La proposition de loi tendant à renforcer la prévention et la répression à l’encontre des groupements à caractère sectaire, soumise au vote de l’Assemblée nationale en première lecture par la présidente du groupe d’étude sur les sectes, Mme Catherine Picard (P.S.), synthèse de plusieurs propositions émanant de personnalités de divers courants politiques -notamment de MM. Pierre Albertini (UDF), Jean-Pierre Brard (app.PC), Eric Doligé (RPR) et Jean Tibéri (RPR) - reprend l'esprit de la proposition de loi About sans se référer toutefois au décret-loi de 1936.

Elle tend à faciliter la dissolution, par l'autorité judiciaire seule, de groupements définitivement condamnés par la Justice à plusieurs reprises, tout en élargissant le champ des infractions entraînant la responsabilité de la personne morale pour mieux l’adapter aux nouvelles réalités du sectarisme : exercice illégal de la médecine et de la pharmacie, publicité mensongère, fraudes ou falsifications prévues et punies par le Code de la consommation, mises en péril de mineurs, atteintes aux biens, atteintes à l’intégrité physique ou psychique de la personne, atteintes à la liberté et à la vie.

La proposition de loi comporte également des dispositions quant à la limitation de l’installation de groupements sectaires à proximité d’établissements sensibles (hôpitaux, écoles, maisons de retraite, centres sociaux) et à la publicité de ces organisations dans les publications destinées à la jeunesse.

Enfin, il est instauré un délit de manipulation mentale ainsi défini : " activités ayant pour but ou effet de créer ou d’exploiter la dépendance psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités et portant atteinte aux droits de l’Homme ou aux libertés fondamentales, d’exercer sur une personne des pressions graves et réitérées afin de créer ou d’exploiter un tel état de dépendance et de la conduire, contre son gré ou non, à un acte ou à une abstention qui lui est gravement préjudiciable ".

Il n'a pas paru inutile à la Mission, alors que de nombreux colloques orientés dans un sens favorable au sectarisme tentent de mobiliser l'opinion publique, de rappeler le droit qui prévaut en France en matière de dissolution et de marquer en quoi il ne suffit pas à répondre aujourd'hui aux défis nouveaux.

Les dispositions de l'article 3, par leur imprécision, se sont révélées largement inopérantes. En 1936, devant les menaces des ligues fascisantes, un décret-loi a créé la possibilité pour l'autorité gouvernementale de dissoudre (en conseil des ministres) des mouvements menaçant les institutions de la République. Cette dissolution, dite administrative, est susceptible d'appel devant le Conseil d'Etat. Elle ne peut guère être utilisée contre les sectes, sauf dans le cas où certaines d'entre elles entretiendraient des forces armées [9] .

C'est pourquoi la Mission, à la majorité de son Conseil d'Orientation, a nettement marqué sa préférence pour un recours à l'autorité judiciaire afin que soient mises hors d'état de nuire des personnes morales portant atteinte aux droits de l'Homme et à l'équilibre social [10] . Cette position a été, paradoxalement, critiquée par une personnalité religieuse apparemment mal instruite des aspects délicats du droit associatif.

Par ailleurs, la proposition de loi About-Picard introduit dans le droit français une infraction nouvelle, celle de manipulation mentale, définie comme il suit :

"Le fait, au sein d'un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer ou d'exploiter la dépendance psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités, d'exercer sur l'une d'entre elles des pressions graves et réitérées ou d'utiliser des techniques propres à altérer son jugement afin de la conduire, contre son gré ou non, à un acte ou à une abstention qui lui est gravement préjudiciable, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 300.000 F. d'amende."

Cet article a suscité de nombreux commentaires, bien qu'il n'ait pas un caractère de nouveauté.

L'article 31 de la loi de 1905, réprime depuis un siècle les pressions abusives exercées sur un tiers pour l'amener à changer ses convictions.

"Sont punis de la peine d’amende prévue pour les contraventions de la 5 ème classe et d’un emprisonnement de six jours à deux mois ou de l’une de ces deux peines seulement ceux qui, soit par voies de fait, violences ou menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d’exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, l’auront déterminé à exercer ou à s’abstenir d’exercer un culte, à faire partie ou à cesser de faire partie d’une association cultuelle, à contribuer ou à s’abstenir de contribuer aux frais d’un culte."

Ces dispositions remarquables par leur concision et leur caractère "alternatif" ne concernent cependant que la manipulation mentale exercée dans les limites du religieux. Or, les sectes contemporaines ne limitent pas leurs activités à la sphère religieuse (certaines, même, exercent un prosélytisme athée).

Il existe, plus récents que ces dispositions séculaires, deux articles du Code pénal de 1994 qui répriment à peu près les mêmes infractions mais en les limitant au cas des personnes "en état de faiblesse". L'un sanctionne les personnes physiques (313-4), l'autre les personnes morales (313-9). Or, les pressions mentales exercées par les groupements sectaires ne se pratiquent pas la plupart du temps à l'encontre de personnes en état de faiblesse. Le processus d'emprise commence le plus souvent à partir d'une acceptation de type implicitement contractuel, consentie par une personne saine d'esprit. L'asservissement du nouvel adepte ne sera perceptible qu'au cours d'une période plus ou moins longue de captation. La Mission a recueilli un grand nombre de témoignages qui confirment cette démarche, lieu commun du prosélytisme de toutes les sectes (et, de ce point de vue, marquant la différence avec les mouvements confessionnels ou philosophiques qui respectent la liberté d'autrui).

Il paraît donc indispensable d'améliorer les dispositions pénales pour tenir compte de cette réalité jusqu'alors peu appréhendée.

Tel qu'il a été défini plus haut, le délit de manipulation mentale a été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale. Soucieuse de garantir les libertés fondamentales et la conformité de cet aspect de la proposition de loi avec les dispositions de la Convention européenne des Droits de l'Homme, le Garde des Sceaux a souhaité, le 24 juillet 2000, qu'avant la seconde lecture devant le Parlement, la Commission nationale consultative des Droits de l'Homme soit saisie. Cette dernière a rendu son avis le 21 septembre [11] .

Elle confirme le caractère non liberticide de la loi en constatant que "la simple appartenance à un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer ou d’exploiter la dépendance psychologique et physique des personnes qui participent à ces activités n’est pas punie par l’article 9 de la proposition de loi, ce qui respecte la liberté fondamentale de pensée, de conscience et de religion ".

Elle estime en revanche que " la création d’un délit spécifique de manipulation mentale ne (lui) paraît pas opportune " dès lors qu'un amendement à l’article 313-4 est possible, article qu’elle suggère de déplacer dans le Code pénal " pour ne pas concerner uniquement les actes préjudiciables concernant les biens ".

La Mission prend acte de cet important avis, soulignant qu'il concerne aussi, implicitement, l'article 313-9, parallèle au 313-4. L'examen de la proposition de loi inscrite en principe à l'ordre du jour du Sénat et de l'Assemblée nationale au premier trimestre 2001, concernera nécessairement les problèmes posés par la mise en état de dépendance de personnes entrées "en secte" sans être en état de faiblesse et qui ont découvert, après leur adhésion, la réalité de la stratégie d'emprise dont elles ont été victimes.

LES PROPOSITIONS DE LOI RELATIVES AU TITRE DE PSYCHOTHERAPEUTE

Dès son rapport de 1999, la Mission avait souligné avec regret l’absence d’encadrement des activités de psychothérapeute. Ce vide juridique et réglementaire ne pouvait manquer d'attirer l'attention de nombreux mouvements sectaires intéressés à la fois par une manne financière probable et une facilité accrue d'emprise sur les individus.

Deux propositions de loi ont été déposées à l’Assemblée nationale au cours de l’année 2000, destinées à réglementer les conditions d’exercice de l'activité de psychothérapeute.

Il n'est pas possible de préjuger la suite parlementaire de ces initiatives. Pour l'analyse du problème, voir le chapitre consacré à la régulation administrative et déontologique des activités de psychothérapeute.

Au-delà des conditions d’exercice des psychothérapeutes, la Mission a attiré l’attention des parlementaires sur d’autres questions qui pourraient faire l’objet d'examens approfondis : la démocratisation de la gestion associative ; la réglementation de la profession de formateur et les conditions de remboursement des frais de certaines propagandes électorales.

LA LOYAUTE DANS LE CONTRAT

L'analyse des risques découlant de comportements exercés ou d'actes accomplis par les organismes à caractéristiques sectaires ou par leurs membres révèle un grand nombre de traits communs à la plupart des situations rencontrées en matière de mise en relation et de confirmation de la relation initiale entre l'organisme et la personne "ciblée".

Cette observation vaut tout autant pour le risque encouru par une "personne physique" que pour celui qui concerne une "personne morale". La remarque a son importance lorsque l'on observe le phénomène de la mise en relation et ses prolongements induits.

En réponse aux besoins de décodage des rapports établis et entendus entre organisme à caractéristiques sectaires et personne cible, il paraît désormais possible de définir deux grilles d'analyse parallèles. L'une et l'autre sont de nature à faciliter la détermination des domaines à surveiller et des mesures à prendre en rapport avec le risque estimé.

Le but final est la caractérisation du type de "relation contractuelle" établi et la description de l'évolution et des mutations que cette relation implique.

Il convient d'entendre par organisation à caractéristiques sectaires une ou plusieurs entités concourrant ensemble ou séparément à atteindre un objectif centré sur une personne ciblée.

Pour la personne physique, le schéma de déroulement des étapes successives peut êtredécrit de la manière suivante :

La phase d'"attirance-séduction" se met en place en prenant appui sur un besoin de réponses à des questionnements plus ou moins étendus de personnes en manque de repères, aspirant à un autre mode de vie ou cherchant une sortie à une impasse temporaire, au plan personnel, professionnel ou social.

Les "réponses" apportées par l'organisme sont de fournir du "prêt à penser" ou du "prêt à agir".

L'objet de cette première mise en contact est d'apporter d'abord un sentiment de sécurité, d'instaurer un climat de confiance et de susciter une impression apparente de maîtrise du destin personnel.

Les formes de liens initiales s'apparentent ainsi réellement à un contrat, un accord, une entente car la personne sollicitée ou solliciteuse est généralement saine d'esprit et non en état de faiblesse. Le lien est bien souvent formalisé par un achat de produit ou de service, ou un premier engagement à accomplir un travail ou une action au nom de l'organisme apparaissant sous l'aspect d'une entité juridique assurant la fourniture d'une prestation, d'un bien ou garantissant un bénéfice hypothétique ultérieur.

Du point de vue de la personne morale, la phase d'"attirance-séduction" peut se dérouler notamment dans le cadre de préoccupations partagées au sein de l'entreprise ou de l'institution par les dirigeants cadres et salariés autour de la notion de "quête de sens" voire dans le cadre de réflexions sur la "spiritualité en entreprise" ou encore au travers d'approches d'apparence novatrice des notions de développement personnel et d'acquisition de compétences managériales.

L'intervention des prestataires de service, d'animateurs, d'experts extérieurs permet la plupart du temps la mise en oeuvre de cette étape.

La deuxième phase, consistant en une "accoutumance-intégration" vise à confirmer et à consolider le lien établi par un changement d'attitude, d'abord imperceptible, délibérément programmé par l'organisme à caractère sectaire grâce à des techniques de communication sophistiquées ayant pour effet de rendre indispensables de la part de la personne physique ou morale cible, la participation à des formations d'exigence croissante, un engagement personnel ou collectif plus important, une acceptation d'un plan d'évolution contraignant.
L'éloignement progressif des repères privés et sociaux antérieurs constitue un signe révélateur, quoique déjà tardif, de l'emprise du mouvement sectaire sur la personne physique.
Au plan des personnes morales, la mise en dépendance du groupe visé, entreprise ou institution, commence à paraître au regard de ses partenaires, clients ou usagers. L'objet social de l'entreprise ou la finalité de l'institution sont peu à peu perdus de vue : la recherche de l'expansion économique est détournée peu à peu au bénéfice du mouvement sectaire dont l'incompétence ne peut que conduire à l'échec (faillite, liquidation judiciaire, etc…).
S'agissant des institutions, des signes non équivoques commencent à paraître. Certains de ses salariés acceptent de faire passer les injonctions du groupe auquel ils adhèrent avant le cahier des charges de leur emploi : dossiers perdus, correspondances restées sans réponse, tous faits justifiés par une argumentation banale : excès de travail, complexité de la tâche, etc…

L'étape de mise en situation de "dépendance-coercition" parachève la stratégie de l'organisme.

Cette progression dans les étapes fait très fréquemment l'objet de contrats, d'accords successifs.

Or, l'observation des nombreux cas concrets examinés par la Mission le montre. Le contrat passé implique au départ un consentement soit explicite, soit implicite. L'important est donc d'apprécier les conditions dans lesquelles l'organisme sectaire va influencer les consentements successifs en fondant son action sur une progression maîtrisée par lui de la dépendance de la cible.

Cette progression de la dépendance, maîtrisée par un seul des co-contractants, crée un déséquilibre croissant au fur et à mesure que se construit la chaîne continue des contrats.

Ce schéma s'entend dans de multiples domaines d'action dont la liste ci-dessous est nécessairement non exclusive :

Du premier contrat passé librement aux "accords" ultérieurs conclus entre "partenaires" deux facteurs principaux caractérisent l'évolution de la relation contractuelle au seul bénéfice de l'organisme à caractéristiques sectaires :

Ce processus manipulatoire qui se déroule dans le temps peut être défini comme un mécanisme d'exploitation progressive d'une situation personnelle d'ignorance des termes d'un contrat passé entre un organisme et une personne, ayant pour but ou pour effet de réduire la liberté d'appréciation ou de décision de cette dernière à partir de la mise en oeuvre d'un contrat initial prolongé par un renouvellement ou une extension ultérieure de celui-ci.

Ce processus s'inscrit en opposition aux principes d'autonomie de la volonté et de loyauté des clauses contenues dans les contrats établis.

FORMATION PROFESSIONNELLE : D'UTILES AVANCEES

Le Ministère de l’emploi et de la solidarité est l’un des plus concernés par la lutte contre les sectes. Sa compétence variée touche en effet à des domaines particulièrement perméables à ces phénomènes :

Sur les questions relatives à la formation professionnelle qui constituait (cf. rapport 1999) l’un des " gisements " privilégiés d’influence et de ressources des organisations à caractère sectaire, des efforts considérables ont été entrepris au cours de l'année 2000, à l’initiative des administrations et services concernés du ministère et, en tout premier lieu, de la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle.

Une circulaire relative aux pratiques sectaires dans le domaine de la formation professionnelle a été très largement diffusée.

Elle incite les directions départementales et régionales de l’emploi, du travail et de la formation professionnelle et notamment les services régionaux de contrôle de la formation à "être particulièrement vigilants lorsqu’ils ont à connaître du fonctionnement des organismes de formation et de rechercher tous comportements et modes de gestion susceptibles de constituer des indices de pratiques illégales".

Il leur appartient de vérifier que les objectifs affichés sont conformes à ceux voulus par le législateur et que les types d’action de formation proposés entrent expressément dans le champ d’application des dispositions de l’article L 900-2 du Code de travail.

Les directions départementales sont particulièrement appelées à exercer leur vigilance sur les stages de développement personnel qui sont très souvent un moyen privilégié de pénétration du milieu de la formation par les organismes sectaires et ne sont pas susceptibles d’être considérés comme relevant du champ de la formation professionnelle.

En cas d’indices sérieux ou de preuves indiscutables de l’influence sectaire, les sanctions prévues par le droit de la formation professionnelle ou le droit commun doivent être mises en oeuvre :

Complémentairement à la circulaire de la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, la ministre de l'Emploi et de la Solidarité a diffusé une importante circulaire consacrée aux dérives sectaires [12] .

Cette circulaire détermine l'action administrative. Elle en présente les trois volets : prévention, coercition, réparation. Elle concerne l'ensemble du ministère, tant en matière de travail, d'emploi et de formation professionnelle qu'en matière sanitaire et sociale.

Elle demande aux services :

Une attention particulière doit être portée au comportement des organismes de formation, notamment en ce qui concerne les publics "fragilisés", insérés ou non dans le monde du travail (publics en situation d'illettrisme, publics sans qualification, demandeurs d'emploi, handicapés, bénéficiaires du RMI, etc…). Un suivi des actions de développement personnel ou de remobilisation (qui constituent souvent un moyen privilégié pour les mouvements sectaires de pénétrer le milieu de la formation) est désormais considéré comme indispensable.

En cas de doute sur la conformité des actions de formation de tel ou tel organisme avec les finalités qui lui sont assignées et les principes déontologiques qui s'imposent à tout organisme de ce type, les services sont invités à la plus grande circonspection.

LA QUALITE : UN REMPART CONTRE LES SECTES

La Mission mise sur une mobilisation des professionnels de la formation et sur un développement significatif des actions visant au renforcement de la qualité (normes, labels, certification, qualification). C'est, à ses yeux, l'un des meilleurs moyens de lutter contre l'influence des sectes.

Des efforts significatifs ont été entrepris par les différentes instances concernées.

L'offre de formation a fait l'objet ces dernières années de nombreuses publications exprimant les regards croisés des différents acteurs du système de formation professionnelle et des responsables politiques et administratifs.

Ces publications mettent en lumière au-delà des analyses critiques de grands dysfonctionnements.

L'incapacité des acteurs du système de formation professionnelle à parvenir à trouver un équilibre entre l' absence quasi totale de réglementation (la simple déclaration d'existence dont les effets pervers sont assez unanimement reconnus) et des tentatives, probablement trop ambitieuses compte-tenu des moyens qui auraient été nécessaires, pour organiser l'accès au marché (procédures d'habilitation et d'agrément).

Il en résulte une difficulté pour les grands commanditaires de formation -services de l'Etat, conseils régionaux, branches, voire grandes entreprises et organismes collecteurs paritaires- d'avoir une vision précise de l'appareil de formation et notamment des segments de l'offre de formation qui les concernent directement. Cette difficulté est d'autant plus grande que le marché ne cesse de s'atomiser et de s'opacifier avec la croissance non maîtrisée des "dispenseurs de formation".

Tous les commanditaires, face à cette difficulté, ont essayé de mettre en place des procédures d'évaluation qu'il s'agisse de l'Etat (habilitation et agrément des organismes de formation), des conseils régionaux ("démarches qualité"), des grandes entreprises ou organismes collecteurs paritaires (procédures d'achat, référencement ou homologation des fournisseurs). L'existence de cette difficulté est reconnue pour partie par la profession (mise en place de l'Office professionnel de qualification des organismes de formation -OPQF) mais la tendance générale reste le renvoi de ce problème au marché censé être lui-même éclairé par les "démarches qualité" institutionnelles (certification ISO 9000, marque NF, etc…).

Un des volets du processus de réforme du système de formation professionnelle engagé par la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle doit apporter une réponse à ces dysfonctionnements. En effet, il paraît indispensable de rétablir l'image positive de ce secteur, gage de son efficacité, et de donner aux organismes de formation et aux personnes qui y travaillent les moyens de faire face aux défis de la modernisation du système.

Les groupes de travail chargés de formuler les propositions concrètes qui viendront nourrir la démarche de réforme engagée ont remis leurs conclusions le 12 octobre 2000.

toutes les propositions tendent à aller vers un contrôle social de la qualité globale du processus de formation.

Le contrôle par les pouvoirs publics de la participation des employeurs est aujourd'hui largement inopérant sans que des relais soient effectivement assurés. On sait que l'inscription de la formation dans la stratégie de développement de l'entreprise est bien souvent pour l'organisation et ses salariés, un gage de la pertinence des plans de formation comme de la qualité des formations elles-mêmes. Aussi est-il indispensable de bâtir une politique de formation assurant la convergence sinon la cohérence des besoins des individus et de ceux de l'entreprise.

Trente ans après les négociations préalables à la loi de 1971, les pouvoirs publics devraient aujourd'hui prendre les initiatives nécessaires pour que les légitimes représentations plurielles des partenaires sociaux sur la qualité de la formation concourent aussi à son développement. Cette demande novatrice devrait permettre que, dans un avenir aussi proche que possible, la Mission ne soit plus saisie des plaintes formulées par des salariés choqués des conditions dans lesquelles ils ont été conduits à suivre de soi-disant stages de formation dirigés, ouvertement ou clandestinement, par des organismes sectaires.

UNE COLLABORATION EXEMPLAIRE

La Fédération des chambres syndicales de formateurs consultants (FCSFC) avait manifesté son intention d'établir des relations de travail avec la MILS pouvant aller jusqu'à la conclusion d'un partenariat.

Il convient de rappeler que ladite fédération a mis en place, fin 1998, un titre de formateur consultant inscrit au registre professionnel, dans le but d'assurer une meilleure reconnaissance de la profession sur le marché de la formation.

Ce titre s'adresse aux personnes physiques, professionnelles de la formation continue, qui allient les deux fonctions de formateur et de consultant. Ces personnes doivent justifier des compétences nécessaires pour analyser une demande de formation et la problématique exposée par le demandeur, concevoir le projet formatif, réaliser le face à face pédagogique ou en contrôler la mise en oeuvre, évaluer l'action et en assurer le suivi.

Elles doivent, en outre, attester d'une expérience reconnue d'au moins cinq années pleines, ou de deux ans si elles possèdent un diplôme de niveau III de formation de formateur, ou encore d'une certification ICPF (Institut de certification des professionnels de la formation), niveau "qualifié" ou "expert". Elles ont en outre à s'engager au respect d'un code de déontologie.

La Fédération des chambres syndicales de formateurs consultants (FCSFC) assure la tenue du registre professionnel des formateurs consultants. Une liste des formateurs consultants inscrits au registre professionnel sera publiée à l'usage des acheteurs.

Afin de faciliter la lisibilité des compétences des formateurs la fédération des chambres syndicales de formateurs consultants a également favorisé la mise en place d'un institut de certification des professionnels de la formation (ICPF) indépendant. Celui-ci délivre aux professionnels (personnes physiques) qui en font la demande une certification, après examen du dossier et des entretiens réalisés par des auditeurs qualifiés.

Le certificat est attribué, à titre individuel, à toute personne exerçant une activité entrant dans le champ de la formation professionnelle, quel que soit son statut. Trois niveaux sont proposés : agréé pour les débutants, qualifié pour les professionnels exerçant depuis cinq ans, expert pour ceux ayant une pratique d'au moins dix ans. Neuf fonctions différentes sont distinguées, applicables aux divers domaines de formation retenus par le Formacode [13] :

La certification, contrôlée tous les trois ans, est obtenue pour toute la durée de l'activité.

Avant de parvenir à un partenariat associant tous les partenaires intervenant sur le champ de la formation professionnelle continue, la MILS a conduit à titre expérimental avec la FCSFC de fructueuses réunions de travail qui se sont déroulées tout au long de l'année 2000.

Les thèmes évoqués se situaient au coeur de la problématique touchant au renforcement de la qualité et plus précisément :

ACCELERER LA MISE EN PLACE D'UNE REGULATION ADMINISTRATIVE ET DEONTOLOGIQUE DES ACTIVITES DE PSYCHOTHERAPEUTE

Il y aurait quinze mille psychothérapeutes en France et ce chiffre pourrait doubler dans les dix années à venir. On estime à plusieurs centaines les différentes techniques de psychothérapie, qui peuvent s'effectuer soit individuellement, soit collectivement, en famille, ou en groupe. Des néo-formations thérapeutiques (surnommées théo-thérapies), généralement d'inspiration religieuse, se multiplient aujourd'hui à un rythme effréné.

Le foisonnement de cette discipline a son revers de médaille. Il n'existe aucun statut régissant ce métier en vogue, aucune habilitation particulière à le pratiquer. N'importe qui peut s'improviser psychothérapeute sans se mettre en infraction. Médecins, psychiatres, psychologues et non diplômés cohabitent, ayant normalement pour point commun d'avoir effectué un travail de psychothérapie personnelle, équivalent à une initiation qui leur permet d'être reconnus par leurs pairs. Certains n'ont qu'un savoir théorique ou universitaire, considéré comme insuffisant à la pratique de la psychothérapie. D'autres pratiquent sans aucune formation spécifique, sur le seul critère de leur propre travail sur eux-mêmes. D'autres encore n'ont ni connaissance théorique, ni expérience pratique.

Rien n'étant obligatoire, les charlatans peuvent pratiquer sans contrainte. Beaucoup de témoignages informent sur les abus de professionnels fantaisistes qui ont conduit leurs patients dans des situations de détresse. Le public ne sait rien ni du praticien ni de ce qu'il lui vend. Aussi découvre-t-on aujourd'hui des cas " d'errance thérapeutiques ", c'est-à-dire de patients en mal de guérison qui passent d'un psychothérapeute à un autre, espérant toujours trouver la " perle rare " qui les libérera de leurs angoisses et les conduira à l'épanouissement personnel.

Le problème, en soi, pourrait ne pas concerner la Mission. Cependant, des faits ont attiré son attention : parmi les innombrables courants de psychothérapie, et plus particulièrement dans les néo-formations, certaines pratiques sont structurellement comparables à celles dénoncées dans les groupes à dérive sectaire. Certaines dérives déontologiques mènent à la dépendance du patient, à une influence prépondérante du psychothérapeute, à une rupture avec la famille, le conjoint ou les amis, et proposent une nouvelle vision du monde au risque de désocialiser le patient. La Mission partage donc avec l'essentiel du milieu psychothérapeutique le souci de mettre au point des garde-fous.

Les nouvelles thérapies et la spiritualité New-Age, toutes deux développées dans les années 70, se sont mélangées et ont donné naissance à un courant de psychothérapie dans lequel le Syndicat National des Praticiens en Psychothérapie (SNPPsy) reconnaît qu'il arrive que soient mobilisés "les sentiments de lien et de manque inhérents à la nature humaine pour resserrer des adeptes autour d'un gourou dans un groupe plus ou moins fermé, plus ou moins secret qui fait office de famille marginale ou de matrice maternelle" (Yves Lefebvre). Ce type d'enfermement est loin de favoriser le libre-arbitre et l'autonomie des individus au coeur de la mission d'une psychothérapie. Elle revient à profiter du besoin du thérapisant à idéaliser son thérapeute et représente en cela un exemple de dérive sectaire thérapeutique. Il faut cependant attirer l'attention sur l'existence d'effets négatifs dans environ 10% des thérapies. Ces effets apparaissent chez des patients ayant différents diagnostics, traités avec des psychothérapies d'orientations théoriques différentes, appliquées selon des modalités distinctes. Ces effets ne doivent nullement être confondus avec ceux engendrés par une mauvaise pratique de la psychothérapie.
Plusieurs éléments expliquent pourquoi la psychothérapie peut connaître en son sein des dérives de type sectaire. A écouter d'anciens patients, on constate qu'elle touche un public qui a soif de se transformer, de s'améliorer, de ne plus souffrir et qui se place dans ce but sous le pouvoir imaginaire du thérapeute, comparable alors à une sorte de magicien. Pendant le traitement, les relations parentales sont abordées et remises en cause. Le patient vit des moments de souffrance qu'il parvient à dédramatiser grâce à la chaleur, l'écoute, le contact avec les autres, lorsqu'il s'agit d'une thérapie de groupe, et, en tout cas, grâce au soutien, à la présence, à l'écoute du psychothérapeute. Point d'ombre : l'argent, parfois considéré comme un frein à l'enthousiasme thérapeutique et vécu comme " une pression manipulatrice ". Quand la thérapie a réussi, on regrette cependant rarement d'avoir investi pour sa personne.

Même public touché, mêmes attentes, mêmes relations au groupe, mêmes moments de souffrance que dans l'engagement sectaire. Seuls les résultats peuvent être diamétralement opposés : la thérapie réussie amène le patient à se sentir sujet, lui apporte confiance et autonomie. Son but est d'aider celui qui y fait appel à trouver sa place dans la société. La secte, au contraire utilise les désirs de bien-être du néophyte, la remise en cause de son entourage, ses phases de souffrance, l'attachement normalement provisoire au groupe et à son fondateur pour en faire un adepte dépendant. Le danger potentiel de la psychothérapie est que le praticien se grise d'être idéalisé par son patient et qu'il s'efforce alors de l'attacher à ce sentiment au lieu de ramener la relation à la réalité le moment venu. Ce type de danger est latent dans certaines nouvelles approches psychothérapeutiques qui visent au " mieux-être " d'individus ne souffrant pas par ailleurs de troubles psychologiques ni de désordres somatiques, et qui s'adressent donc à tout un chacun. Ces pratiques jouent la carte de l'immédiateté des résultats. Il n'est plus alors besoin d'un long retour sur les expériences traumatisantes du passé.

Il arrive qu'elles développent la notion d'autoguérison. Par ailleurs, ancrées dans des courants spirituels, elles peuvent juger inutile la formation du thérapeute, la spiritualité pouvant se transmettre par d'autres biais. Il devient alors légitime de se demander ce qui autorise ce type de démarche à s'autoproclamer psychothérapeutique plutôt que spirituelle, et si le mélange des genres à ce point poussé n'induit pas en erreur le patient potentiel. Il s'agit donc de s'interroger sur les critères qui permettent effectivement à ces thérapies de s'intégrer légitimement dans le paysage de la psychothérapie, et de réfléchir sur les limites de cette intégration.

Pour prévenir les dérives d'une profession qui a montré son utilité sociale de par le nombre imposant de patients qui font appel à ses services, un cadre légal de formation, des règles de jeu et une protection du titre s'imposent.

La Mission se contente ici de reproduire les projets et propositions de loi faites par les psychothérapeutes qui lui semblent pouvoir jouer favorablement dans le sens de sa lutte. Bien que constituée de pratiques extrêmement variées qui participent à la richesse même de cette profession, il n'est cependant pas impossible d'y trouver des éléments fondateurs : connaissances théoriques, travail effectué sur soi-même, instauration d'une relation spécifique, unique, basée sur le respect, entre le patient et le thérapeute, participent à la définition du psychothérapeute. Si certains estiment que la pratique légale de la psychothérapie ne saurait reposer exclusivement sur des diplômes universitaires, tous s'accordent sur l'importance d'une connaissance théorique en psychopathologie, connaissance qui pourrait être sanctionnée par un diplôme universitaire ou par celui d'une école reconnue officiellement pour la qualité de sa formation.

La formation théorique pourrait partir de ce tronc commun, puis se poursuivre par une spécialisation dans l'une des nombreuses écoles de cette discipline. Pour être complète, elle ne pourrait se passer d'une initiation à la pratique psychothérapique, qui de l'avis de nombreux psychothérapeutes, signerait l'acceptation par les pairs d'un nouveau psychothérapeute.

L'existence d'une formation, quels qu'en soient le continu et la forme retenus, serait un premier élément fondamental de prévention contre les abus de l'utilisation du titre de psychothérapeute, et participerait par conséquent à la protection du public.

Le respect d'une éthique, d'une déontologie instituée par ce corps professionnel est un deuxième élément constitutif de la lutte contre les dérives. On constate en effet qu'aujourd'hui, très peu de psychothérapeutes sont affiliés à un syndicat qui, en l'absence de tout autre cadre structurant, est encore la seule instance régulatrice de la profession. Des plaintes promulguées parfois à l'encontre de certains membres syndiqués montrent cependant l'insuffisance de cette structure. Il n'en demeure pas moins que la majorité des psychothérapeutes - inscrits comme tels dans les annuaires professionnels notamment - exercent dans l'indépendance et la liberté la plus complète, sans pouvoir faire l'objet d'aucun contrôle.

On pourrait imaginer la création d'une sorte d'ordre, ou de fédération des associations, suffisamment pluraliste pour que toutes les écoles s'y retrouvent et dont l'inscription impliquerait l'acceptation d'un code éthique. Le non respect des règles déontologiques y serait sanctionné par des avertissements, des blâmes, voire par l'exclusion. Cette instance pourrait trouver une partie de son inspiration dans le code de déontologie des psychologues, qui avait été initié pour des raisons similaires à celles qui alertent aujourd'hui le milieu de la psychothérapie. C'est-à-dire, en particulier, pour "sauvegarder les usagers et la société des abus et mésusages de la psychologie" et "définir les limites face aux demandes sociales, du fait même de la demande de résolution magique des problèmes personnels".

Cette suggestion, faite par des psychothérapeutes eux-mêmes, est au moins aussi importante que la première dans l'optique de la lutte contre les sectes. Celles-ci en effet se développent d'autant plus dangereusement qu'aucune vigilance ne s'exerce sur elles dans ce domaine sensible. La meilleure prévention contre ce phénomène consisterait en la mise en place d'instances de contrôle qui auraient pour premier effet de repérer les psychothérapeutes individuels ou les groupes critiqués pour leur manquement déontologique. et de surveiller leurs pratiques.

Il conviendrait enfin de garantir les droits du patient et, de définir une sorte de contrat dont l'acceptation mutuelle ouvrirait, le cas échéant, la possibilité de recours. Ce contrat pourrait préciser la nature du processus thérapeutique envisagé, sa durée approximative et son coût, global ou par séance. On sait en effet que les dérives les plus dangereuses se réalisent lorsqu'il n'existe aucun garde-fou.

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