423 Endoctrinement en tant que critère essentiel
Au vu des caractéristiques structurelles telles que la composante dynamique du sectarisme, il nest pas possible de renoncer à des jugements de valeur sur le comportement destructeur et dangereux de groupements. Ces jugements de valeur doivent cependant faire lobjet dun examen régulier à la fois pour tenir compte de laspect dynamique et pour répondre à de hautes exigences découlant de la protection des valeurs fondamentales.
Ainsi, il est possible de tirer une première conclusion concernant lobjet de lexamen. La nécessité de trouver une définition terminologique est confrontée au fait quelle concerne un phénomène très vaste pouvant être abordé sous plusieurs angles de vue qui ne sont pas toujours concordants, qui tiennent compte de composantes dynamiques et structurelles, qui recouvrent des facettes très diverses et qui demeurent lacunaires. En fait, il existe un « noyau dur » de mouvements porteurs dun potentiel de conflit et qui peuvent être décrits comme étant des
mouvements ou des groupes endoctrinants.
Le terme d« endoctrinement » sapplique aux groupes pour lesquels les caractéristiques structurelles décrites ci-dessus ressortent tout particulièrement et posent des problèmes. Un tel classement peut se faire indépendamment de la question de savoir sil sagit de nouveaux mouvements (le sectarisme peut également être observé dans des Eglises traditionnelles), de groupes religieux, spirituels ou ésotériques ou sil sagit dorganisations-écrans actives sur le marché de lassistance spirituelle.
Fondamentalement, le terme utilisé dans le rapport est celui de mouvement ou de groupe endoctrinant. La commission est toutefois consciente que le fait de renoncer à lemploi du terme de « secte » nest pas un choix satisfaisant dans la mesure où « secte » est un mot provocateur qui a acquis, il y a longtemps déjà, une dimension politique et qui fait partie du jargon politique. En renonçant à lemploi de ce mot, il se peut quon laisse parfois livrées à elles-mêmes les personnes qui sont confrontées à des groupes organisés, donc puissants. [24] .
Les constatations déjà faites au sujet dune évaluation quantitative sappliquent également ici : il serait trompeur de limiter la discussion des méthodes et des structures dendoctrinement aux membres de communautés ou aux communautés elles-mêmes. Dans le milieu flou de loffre ésotérique, il ny a souvent pas de structure organisationnelle en tant que telle - un mage peut simplement rassembler une poignée de personnes autour de lui. Sur le vaste et très diversifié « marché de la pensée religieuse et philosophique », les offreurs travaillent souvent avec des méthodes sectaires, sans avoir et sans recruter de membres en tant que tels. Sur ce marché, les frontières elles-mêmes sont floues - daprès les déclarations de lune des personnes entendues, lOTS sest développé à partir dun cercle de lecture ésotérique - et très perméables : des membres de groupuscules peuvent occuper des positions sociales élevées et, de cette manière, exercer une influence certaine. Il existe également un risque de rapprochement avec la politique. La présence des « sectes » dans le monde de léconomie est également un sujet important : leurs membres peuvent faire partie des cadres dentreprises ou être actifs en tant que « consultants économiques ». De plus, le fait quil sagit également dun phénomène de marché en tant que tel, montre bien que le phénomène a également une dimension financière, quil sagisse des situations dendettement inextrica-bles et de leur résultat inéluctable ou de lédification dempires financiers et de leurs agissements bien connus. Que les groupes ou autres intervenants sur ce marché - structurés ou non - soient religieux, quils se considèrent comme ésotériques, quils donnent dans la psychologie, quils proposent des méthodes thérapeutiques non scientifiques ou quils sinspirent de théories New Age ny change rien. Bien que cela ne soit pas toujours possible, il est indispensable dexaminer et de juger leurs structures et les méthodes quils utilisent indépendamment des contenus véhiculés (religion, salut de lâme, guérison etc.).
La partie ci-après est consacrée à la description des problèmes dans leur contexte social, en relation avec les services spécialisés et les autorités. Les problèmes touchant directement les personnes concernées seront abordés au chapitre 44 (Problèmes spécifiques des personnes directement concernées). De lavis de la commission, il nest pas toujours possible de différencier les problèmes généraux (de société) des problèmes spécifiques (individuels). Certains problèmes ressortissent à ces deux domaines à la fois.
Malgré la grande quantité dinformations détenue par des individus, des services dinformation indépendants ou des Eglises, des organisations de personnes concernées et de certains services administratifs, il y a de grandes lacunes, principalement en ce qui concerne un grand nombre de groupements, petits, nouveaux ou en constante évolution. Mais, en ce qui concerne les grands groupes, connus depuis plus longtemps, force est de constater que lactualité des connaissances amassées est toujours en retard par rapport à leur situation actuelle. De plus, les données disponibles proviennent généralement dun nombre de sources restreint qui ne parviennent à garder une vue densemble ou à permettre une évaluation générale quau prix de recherches complémentaires qui prennent énormément de temps.
Les raisons de ces lacunes résident pour une part dans la faible capacité des services spécialisés et, dautre part, dans le nombre important des groupes concernés ainsi que dans les transformations que certains de ces groupes entreprennent constamment. Par ailleurs, nombreux sont les groupes qui provoquent volontairement ce manque de transparence en ne fournissant aucune information publique, en fournissant des informations donnant une fausse image de leur organisation réelle ou en changent régulièrement dapparence. Dans des cas extrêmes, certains groupes napparaissent que sous une forme « camouflée ». Cette attitude est parfois déjà ancrée dans la doctrine professée par le groupe, lorsque les idées principales véhiculées par cette dernière ne sont accessibles quà un cercle de personnes initiées, quelles ne sont transmises quoralement ou uniquement dans un cercle fermé et que leur divulgation est passible de sanctions. De tels groupes font usage dun voile de mystère.
Le manque dinformations entraîne de nombreux problèmes. Tout dabord, la concurrence indispensable des idées, telle quelle doit avoir lieu dans une démocratie pluraliste et libérale, nest pas possible ou seulement de manière limitée puisque les doctrines, les méthodes, sont mises à labri de la réflexion et du débat critiques. Sans connaissances au sujet de la situation actuelle, il se peut que des situations de crise internes ne puissent être identifiées - comme dans le cas de lOTS - ou, lorsquelles le sont tacitement, elles ne peuvent pas être évaluées de manière crédible. Lorsque des groupes se manifestent sans cesse sous de nouvelles appellations et sous de nouvelles formes dorganisation, une partie des effets de linformation préventive est, entre autres conséquences, anéantie. Des informations inexactes ou qui ne sont pas à jour augmentent les risques dans le cadre des activités en matière dinformation et de consultation. Le risque encouru est celui de donner de mauvais conseils, de ne parvenir à offrir quune assistance insuffisante ou dêtre confronté à un dépôt de plainte. Si lon veut accorder une priorité élevée à la qualité de la consultation, linformation et le conseil ne doivent pas être considérés de manière isolée.
Le Conseil fédéral et ladministration ne semblent pas disposer dun système dinformation adéquat. Comme lOPCA le souligne dans son rapport de travail et comme la commission a pu le constater, la Confédération ne dispose daucun service qui se préoccupe explicitement de ce sujet, et ceci bien que plusieurs de ses services y sont de temps à autre confrontés. Ainsi, certains projets dans le cadre de la loi sur les activités de jeunesse ont été refusés étant donné que la participation démocratique nétait pas assurée. Toutefois, le service responsable souhaiterait pouvoir disposer de critères plus solides lui permettant de reconnaître les abus. Pour ce qui est de linformation, il y a un certain nombre de problèmes particuliers qui se posent dans le domaine de la protection des données. En effet, seul un nombre restreint dorganisations respectent lobligation ancrée dans la loi sur la protection des données qui stipule que les bases de données privées contenant des données sensibles permettant détablir des profiles de la personnalité - les données relatives aux opinions et activités religieuses ou philosophiques en font partie - doivent être annoncées au Préposé fédéral à la protection des données.
De son propre avis, le Préposé fédéral à la protection des données ne dispose que de moyens et de possibilités restreintes. Il nest ni en mesure de dépister les bases de données non annoncées de manière systématique, ni dagir (notamment en vertu du principe de la proportionnalité) en cas de réserves justifiées relatives à des bases de données quil connaît (par exemple pour les données sur la santé, sur la fortune et les capitaux ou sur les difficultés personnelles). Cette entrave concerne également le transfert illicite de données sensibles vers des pays ne disposant pas de dispositions équivalentes en matière de protection des données. Au vu de ses propres expériences et étant donné la faible consultation du registre en question, le Préposé fédéral à la protection des données naccorde pas une importance prioritaire à lobligation dannoncer les bases de données. Il faudrait concentrer les efforts sur le droit de chacun de se renseigner auprès des responsables des bases de données. Ce nest que de cette manière que les personnes concernées (et non des organisations ou des tiers qui les représentent) peuvent contrôler lexactitude des données à leur sujet et, le cas échéant, exiger leur correction.
Lorsque des communautés religieuses ou à caractère religieux sont reconnues par le droit cantonal, lobligation dannoncer les bases de données doit se conformer aux dispositions cantonales et non aux prescriptions fédérales en matière de protection des données.
En plus des constatations de lOPCA, il sest avéré que la pratique très réservée en matière déchange dinformations entre les cantons conduit, pour diverses raisons, à des disparités en ce qui concerne limposition ou lexonération des fondations ou des associations. Par ailleurs, ces disparités existent également entre la Confédération et les cantons. En vue dune mise en oeuvre harmonisée de limpôt fédéral direct, lAdministration fédérale des contributions considère que la création dune sorte de registre suisse des impôts serait souhaitable. Elle est cependant davis quune telle base de données - qui existe partiellement dans certains cantons - serait difficilement réalisable et, pour diverses raisons, difficile à tenir à jour. Les groupements religieux ou à caractère religieux, le plus souvent organisés en tant quassociations, ne sont pas connus des services fiscaux et des autres services et, le plus souvent, nenvisagent pas de sannoncer en tant que contribuables éventuels.
432 Recherche et collaboration lacunaires
Les travaux scientifiques relatifs aux nouveaux mouvements à caractère religieux sont effectués par quelques scientifiques dhorizons les plus divers et découlent surtout de leur intérêt personnel pour la question. Ainsi, les rapports que la jeunesse entretient avec la religion ne font lobjet daucune recherche; seule une enquête du DDPS auprès des recrues (qui, par sa nature même ne touche pas toute la jeunesse) fournit des informations dans ce domaine. Ce déficit en matière de recherche doit également être considéré sous langle du fédéralisme - les questions religieuses sont du ressort des cantons. Une étude du Fonds national des années 1987 à 1989 (programme de recherche 21 sur le pluralisme culturel et lidentité nationale) qui portait en partie sur les mouvements religieux non conventionnels en Suisse et leurs effets sur la société ne correspond plus aux circonstances actuelles et, de lavis du Conseil fédéral, pourrait être réactualisée.[25]
En Suisse (contrairement à ce qui est le cas pour les Etats-Unis où tout une discipline scientifique se préoccupe de ces questions) les méthodes de manipulation ne sont guère ét-diées. Les suites psychiques résultant dactes psychologiques (par opposition à des suites psychiques résultant dactes physiques) sont mal connues. De plus, lapproche scientifique nest pas assez interdisciplinaire et il serait urgent de procéder à une recherche fondamentale. De lavis dune des personnes entendues, la question de savoir avec précision ce quune « secte » est en réalité est tout à fait légitime.
Bien quelle ne soit pas totalement inexistante, au même titre quil y a des lacunes en ce qui concerne la recherche scientifique, il y a également un manque de collaboration entre la re-cherche universitaire et les services dinformation et de consultation privés et des Eglises. Ce manque de collaboration découle pour beaucoup de lapproche du phénomène. La re-cherche sintéresse aux résultats scientifiques alors que les services dinformation et de consultation sintéressent aux effets sur le psychisme et sur la santé ainsi quaux problèmes financiers des victimes directes et indirectes des mouvements endoctrinants. Le fait que la recherche soit alimentée par des moyens publics, donc assurée à long terme, alors que linformation et les consultations fonctionnent en grande partie grâce au volontariat, semble paradoxal. Ces services dinformation et de consultation, quils soient privés ou quils dépen-dent des Eglises, connaissent des problèmes financiers et souffrent du manque de person-nel. Cest la raison pour laquelle ils ne parviennent pas toujours à répondre à la demande. (Durant les auditions, il est clairement apparu que le départ de conseillers expérimentés signifie également une grande perte de connaissances et de savoir-faire que lengagement dun nouveau collaborateur ne permet pas de compenser dun jour à lautre.)
Le Fonds national suisse de la recherche scientifique soutient un projet intitulé « Religion et lien social » relatif à un observatoire des religions en Suisse. Sous la direction du département interfacultaire dhistoire et de sciences des religions de luniversité de Lausanne, le but de ce projet est de procéder à une large analyse des religions en Suisse sous langle des sciences sociales. Entre autres buts, il prévoit notamment lélaboration dune base de données et la mise en place dun réseau de chercheurs et dorganisations spécialisées. Les objectifs du projet ne sont pas de procéder à des recherches sur les abus et les potentiels de conflit.
433 Problèmes liés à lapplication des lois en vigueur
En majorité, la commission est davis que les bases légales en vigueur sont suffisantes. Cependant, le recours aux lois est insuffisant (absence de plaintes) ou ces dernières ne sont pas assez bien appliquées (cf. par exemple certaines législations sanitaires cantonales en ce qui concerne les pratiques des guérisseurs ou dautres offres de soins pseudo-médicaux). Il est également difficile de sanctionner des propos qui ne tombent pas sous le coup de l'article 261 bis CP (par ex. propos racistes ou antisémites) pour la seule raison qu'ils sont exprimés en privé. En outre, la législation comporte aussi un certain nombre de lacunes telles des prescriptions légales minimales dans le cadre de la protection des consommateurs (critères minimaux en matière de contrats).
Les avocats expérimentés qui défendent les intérêts de membres ayant quitté leur mouvement ainsi que ceux de leurs parents, soulignent que les autorités judiciaires (et tutélaires) sont imprégnées de lidée selon laquelle « les sectes ne touchent que les personnes vulnérables ». Elles sont très réservées lorsquil sagit de justifier des mesures liées à lappartenance à un mouvement endoctrinant, quil sagisse du bien de lenfant, de divorce, de lésions corporelles ou psychiques. Lorsque le contexte est religieux ou prétendu tel, les craintes sont généralement, de lavis de lexpert, encore plus importantes.
Les raisons de cette grande retenue résident en partie dans une appréciation insuffisamment claire du contenu et des limites de la liberté de croyance. En outre, les autorités judiciaires ont aussi souvent peur de devoir procéder à des délimitations difficiles ou daffronter des contre-attaques juridiques ou au moyen de publications de la part des groupements visés. Mais il y a également des lacunes, autant en ce qui concerne les connaissances relatives à lefficacité et aux dangers des structures et des méthodes propres aux « sectes » quen matière de compréhension des problèmes qui en découlent pour les personnes victimes des mouvements endoctrinants.
Cette situation peut avoir pour effet quune personne concernée nobtienne pas de lEtat la protection que le cadre juridique actuel permettrait de lui offrir. Au-delà, elle peut encore avoir des effets plus larges dans la mesure où le public se met à supposer quil ne peut attendre aucune aide de lEtat lorsquil sagit de groupes endoctrinants. Un certain nombre de ces groupes exploitent ces sentiments dimpuissance, voire les renforcent sciemment dans le cadre de leur système disciplinaire interne ou de leur comportement externe menaçant. De tels sentiments dimpuissance augmentent le nombre - déjà relativement important - de préjudices infligés par les mouvements endoctrinants qui ne sont pas recensés officiellement. De lavis de lune des personnes entendues, sans ce sentiment dimpuissance, de nombreux problèmes ne se seraient jamais posés ou se seraient posés avec moins dacuité si les lois avaient été appliquées, ce qui découle aussi de la sous-estimation des méthodes (qui ne sont pas assez étudiées).
Les prochains chapitres - limites du pouvoir de lEtat, Prétendu « plein gré » et Responsabilité peu claire - montrent également les barrières qui se dressent sur le chemin du recours aux dispositions légales et de leur application. Le cas échéant, ils fournissent des indications sur les lacunes actuelles.
434 Limites du pouvoir de lEtat
Le présent chapitre décrit les limites juridiques et réelles qui, de lexpérience des personnes concernées et des avocats, peuvent avoir des effets problématiques dans la pratique. Comme cela a déjà été précisé, les limites de laction de lEtat en vertu de la constitution (liberté de conscience et de croyance) et les autres limites instituées par lEtat (liberté dexpression etc.) ne font expressément pas lobjet du présent examen et elles ne sont pas remises en cause par la commission.
Même dans le cas où des situations intolérables sont avérées et les lois en vigueur appliquées, les interventions de lEtat ou les mesures de protection sont souvent impossibles, ou alors les mesures ordonnées ne peuvent pas être exécutées.
Les raisons de cette situation résident souvent dans le fait que les préjudices subis concernent la sphère privée qui se soustrait aux contrôles ou aux influences externes, de lEtat en particulier. De plus, les droits fondamentaux inscrits dans la Constitution, la liberté de croyance et la liberté dexpression notamment, font que des abus ne peuvent être combattus que lorsquils dépassent un certain seuil, c'est-à-dire lorsque dautres droits fondamentaux sont lésés ou mis en danger de manière considérable. Certains groupes endoctrinants limitent dentrée de jeu les possibilités dagir de lEtat ainsi que lefficacité de ses mesures, notamment au moyen dune doctrine qui refuse lautorité de lEtat ou, du moins, la subordonne à lautorité du groupe. En cas de développement déterminé de cette tendance, le groupe va jusquà légitimer la désobéissance civile, voire jusquà dispenser ses adeptes du respect des règles de lEtat.
En outre, certains groupes organisés au niveau international sont en mesure déviter lapplication de mesures étatiques grâce à des transferts internationaux.
Dautres obstacles peuvent apparaître lorsquil sagit de recourir à laide de lEtat, notamment lorsque le groupe oblige ses membres et partenaires contractuels à se soumettre à une juridiction interne au groupe.
Ces pratiques, elles aussi, suscitent des sentiments dimpuissance chez les personnes concernées, ce qui aggrave souvent leurs propres problèmes et a pour effet, entre autres, de durcir les discussions sur les groupes endoctrinants. Plus tôt, ceci avait pour conséquence que certaines personnes concernées approuvaient ou recouraient à des mesures non admises pour se faire justice (ce que lon appelle communément « déprogrammation »).
Lattitude de chacun ne dépend pas seulement de son point de vue, mais également de la difficulté de reconnaître un état de dépendance. En effet, la psychologie moderne enseigne que lhomme a une tendance, souvent difficile à comprendre, qui le pousse non seulement à se soumettre à des pouvoirs sociaux quil considère comme inévitables, mais encore à justifier cette attitude au moyen de bonnes raisons et de convictions, voire de laisser le soin à de faux prophètes de le faire pour lui. De cette manière, lindividu se donne pour ainsi dire limpression dobéir de son plein gré, ce qui lui permet daccepter une soumission inévitable sans trop se déconsidérer à ses propres yeux.[26]
La caractéristique la plus visible des mouvements endoctrinants est laltération du libre-arbitre qui peut aller jusquà la perte complète de toute autonomie. Si lon tient compte du fait quil nest pas possible de prendre une décision de manière tout à fait autonome, sans aucune influence extérieure, voire quune certaine influence est socialement tolérée (et partiellement même souhaitée), il savère difficile de délimiter à partir de quel point linfluence exercée devient excessive et socialement intolérable.
Il faut chercher les raisons de cette difficulté dans le fait que les méthodes de manipulation et dendoctrinement provoquent des processus internes quil est difficile de constater depuis lextérieur. Les processus externes ont souvent lieu dans un cadre très restreint ou restreint au groupe lui-même, et ne peuvent par la suite pratiquement plus être ni reconstitués, voire prouvés. En outre, la manière dagir de ces méthodes de manipulation, en partie très subtiles, ne sont pas encore bien connues dans ce domaine (contrairement à ce qui est le cas de la torture des prisonniers de guerre ou de la publicité) et font lobjet dopinions divergentes (non vérifiées). Le jugement est aussi rendu plus difficile du fait que la personne manipulée y contribue elle-même dune certaine manière dans la mesure où ses besoins insatisfaits et sa détresse la rendent propice aux manipulations.
Le problème réside dans le fait que, lorsquelles demandent laide des pouvoirs publics, les personnes concernées se heurtent à la difficulté de devoir prouver les éléments constitutifs des délits (dol, lésion) ou de convaincre les autorités concernées quil y a atteinte aux biens juridiquement protégés.
La critique des mouvements endoctrinants doit donc affronter les questions cruciales qui sont de savoir dans quelle mesure le libre-arbitre est respecté, jusquà quel point ladhésion (et lobéissance) des membres est volontaire et dans quelle mesure la communauté permet à ses membres de la quitter en tout temps sans exercer de pression ou en lui permettant de se libérer dautres engagements consentis « par crédulité » et qui ne sont pas liés au mouvement en tant que tel. La réponse à cette question est, entre autres, importante pour lEtat lorsque certains groupements vont si loin quils refusent toute autorité séculière et que, par exemple, ils empêchent les enfants de suivre lenseignement des écoles publiques ou quils soustraient leurs écoles privées à lautorité de lEtat (cantons).
Lorsque des délits sont commis dans le contexte interne à des groupes endoctrinants, les conditions sont très différentes de celles inhérentes à des délits commis dans dautres circonstances. En effet, le lésé ne remarque dune part pas tout de suite quil a été victime dun acte délictueux et, dautre part, il est difficile de savoir clairement qui est responsable cet acte délictueux.
Les raisons de ce problème résident partiellement dans le fait que les rôles du coupable et de la victime se mélangent souvent. Soit la victime a elle-même participé à des actes semblables contre dautres membres du groupe, soit elle a « librement » consenti à lacte. Les délits ne sont généralement pas commis à la suite dune défaillance individuelle, mais, par exemple, sur ordre dun membre ou dun organe de lorganisation hiérarchiquement supérieur - dont lidentité nest pas connue ou qui réside à létranger - ou en application dinstructions inhérentes à la doctrine du groupe. Il arrive souvent que cette dernière prescrive des structures ou des formations qui visent le démantèlement du sens de la responsabilité et du « bon sens ». La priorité absolue des valeurs propres au groupe sur les biens juridiquement protégés du monde extérieur alliée à une motivation exagérée, résultant dune doctrine paranoïaque ou prônant le salut du monde, produit des coupables qui nont ni sentiment de culpabilité ni aucune retenue.
Le problème découle du fait quune telle situation ne peut être reconnue quen ayant des connaissances de la structure interne du groupe et des mécanismes psychiques auxquels il fait appel. Si ces connaissances font défaut, il se peut que les autorités chargées de linstruction restent inactives à tort. Lorsque la doctrine prescrit un comportement délictueux et lorsque son auteur ne peut être atteint ou reste inconnu, il est alors tout au plus possible de condamner lexécutant. Cette situation nest toutefois pas satisfaisante, ni du point de vue de lidée de justice, ni de celui de la prévention générale. De plus, si elle ne leur permet pas de se distancier du groupe ou de la doctrine en question, laspect éducatif de la peine na pas deffet sur des coupables endoctrinés.
437 Peur et dépendance financière
Le travail sur le terrain permet de se rendre compte que les « victimes » ont très souvent peur de se défendre et de faire respecter leurs droits.
Les raisons de cette attitude résident dans le fait que le détachement dun groupe endoctrinant nest pas une démarche ponctuelle. Au contraire, il sagit dun long processus. Souvent, des séquelles d« esprit de groupe » continuent dagir, accompagnées de sentiments de honte et de culpabilité. Pour cette raison, les personnes qui désirent se retirer de ces mouvements ont souvent de la peine à identifier et à défendre leurs propres intérêts. La persis-tance importante de ce phénomène de distanciation empêche souvent de faire valoir des droits avant quils ne soient frappés de prescription extinctive. En raison de lisolement social que le système de nombreux groupes impose aux adhérents, ces derniers se retrouvent ainsi coupés du monde extérieur et, lorsquils quittent le groupe, ils se sentent perdus dans un milieu au sein duquel ils ne parviennent pas à trouver le soutien qui leur serait nécessaire. Quelques groupes attisent la peur au moyen de véritables stratégies terrorisantes et par un comportent agressif vis-à-vis de lenvironnement externe. En outre, si lon observe la situation avec lucidité, force est de constater que la puissance économique et lagressivité - issue de lexcès de motivation - de certains groupes endoctrinants (dans lattaque comme dans la défense) empêchent ou gênent la défense dintérêts légitimes de certaines personnes et muselle toute critique publique à leur encontre.
Ceci est à lorigine de problèmes aux niveaux individuel et social dans la mesure où de nombreuses violations demeurent impunies et ne font jamais lobjet de réparation. De plus, cette constatation a pour effet de renforcer les convictions de toute puissance du groupe et de le conforter dans lidée quil suit la bonne voie.
44 Problèmes spécifiques des personnes directement concernées
Ce chapitre - contrairement aux problèmes généraux au niveau social abordés au chapitre 43 - est consacré aux questions qui ont des effets directs et graves sur les personnes directement concernées. Ces effets font dailleurs largement lobjet des discussion publiques : exploitation, attachement excessif, mise en danger de la santé, mise en danger du bien de lenfant et autres dangers tels laltération du libre-arbitre.
Il faut tout dabord souligner que tous les problèmes présentés ne sont pas observés chez tous les groupes endoctrinants. De plus, lampleur et lintensité de ces phénomènes varient beaucoup dun groupement à lautre. Il nen reste pas moins que ces problèmes sont les effets typiques de laltération du libre-arbitre caractéristique aux groupes endoctrinants.
Lexploitation est lun des aspects les plus manifestes de ceux qui peuvent être remarqués par un large public. Normalement, il faut partir du principe que la collaboration est volontaire. Il est cependant question demplois non ou mal rémunérés, de pressions visant à faire transférer la fortune (épargne ou héritage) en faveur du groupe, de protection insuffisante en matière dassurance et de prévoyance ou dendettement en faveur du groupe. En plus de cela, il y a également exploitation humaine. Certains groupes abusent de lidéalisme de leurs adhérents ou utilisent les relations que ces derniers entretiennent pour recruter des nouveaux membres ou pour exercer dautres influences.
La limitation ou lannihilation systématique du libre-arbitre des adhérents fait partie des caractéristiques des groupes endoctrinants. Cette pratique a pour but de créer rapidement une dépendance du membre envers le groupe. Certaines méthodes de recrutement sont en partie déjà orientées vers cet objectif. Toutefois, ce sont les pratiques et les structures des groupes qui permettent datteindre cette dépendance, notamment à laide dun système disciplinaire rigoureux. Outre la dépendance économique découlant de lexploitation précitée, la dépendance psychique est également très efficace dans la mesure où les groupes tentent de régler et de contrôler toutes les sphères, même les plus intimes, de ses membres (famille, vie intime, jusquà la « pensée intérieure »). En outre, il y a également instauration dune dépendance sociale, particulièrement lorsque les relations entre le membre et le groupe ont duré longtemps, tant il est vrai que les adhérents de groupes endoctrinants tombent dans lisolation sociale puisquils ont souvent coupé tous les ponts avec leurs relations précédentes (manifestation secondaire ou recherchée par la doctrine du groupe).
A ces barrières « internes » qui rendent tout départ du groupe plus difficile, viennent encore parfois sajouter des barrières « externes » telles que des mesures préventives de nature juridique (contrats qui vont du minutieux à la castration), des mesures (plus rarement) de nature géographique et architecturale (campagne isolée) voire le recours à la violence physique. De plus, au moyen dun activisme permanent, les groupes essaient dempêcher leurs membres de penser à leur propre situation.
443 Mise en danger de la santé
La doctrine de nombreux groupes endoctrinants inclut souvent des pratiques thérapeutiques, parfois ouvertement, parfois de manière cachée ou reniée. Parfois, le mouvement prétend que la guérison découle de l« évolution spirituelle ». Lorsque les pratiques thérapeutiques parallèles sont liées à des dangers, ces derniers sont généralement niés par la doctrine - qui est infaillible - et la plupart du temps, par conviction, ils ne sont pas pris en considération par les adhérents. A cause de lattitude anti-scientifique, les avertissements découlant des connaissances scientifiques sont souvent ignorés voire diabolisés. Vu lobjectif suprême (salut de lâme / du monde), des risques quune personne normalement sensée éviterait sont souvent pris. Ainsi, le potentiel de dangers de telles pratiques est fondamentalement différent de celui qui est parfois lié à certains actes thérapeutiques de la médecine traditionnelle (qui nest pas constituée que de la médecine décole).
La santé est mise en danger par dautres pratiques encore qui, elles, nont pas la guérison pour but (par exemple certaines méditations, des interrogations intensives, des manifestations « marathon », le surmenage). Dans ce cas également, les dangers sont niés ou ignorés au nom dun idéal suprême.
444 Mise en danger du bien de lenfant
Les doutes relatifs au « plein gré » de laffiliation, de lattachement et de la participation à des activités dun groupe endoctrinant ont déjà été présentés en ce qui concerne les membres adultes. Pour ce qui est des enfants, à cause de linfluence particulière des parents, leur libre- arbitre est encore plus limité, voire inexistant. Il existe certaines bases légales relatives à la détermination par des tiers. En effet, les parents, le cas échéant la commune du lieu dorigine, ont le droit de disposer de léducation religieuse de lenfant [27] , jusquà la majorité religieuse de lenfant qui intervient lorsque ce dernier a 16 ans révolus [28] .
La plupart des effets néfastes que lon observe chez les adultes peuvent également toucher les enfants. En plus, les enfants sont parfois victimes de pratiques ou de doctrines dirigées spécialement contre eux (notamment les abus sexuels, la méditation contrainte pour les jeunes enfants).[29] Chez eux, certains problèmes ont des effets particulièrement dramatiques et durables (notamment les « années perdues » en lieu et place dune évolution et dune formation dans la diversité, isolation dautres enfants et dautres influences ; les pratiques de certains groupements qui empêchent les enfants de suivre lenseignement des écoles publiques ou qui soustraient leurs écoles privées à lautorité de lEtat a déjà été abordé au chapitre 435). A cause de leur infériorité et de leur manque dexpérience, les enfants sont nettement moins bien armés pour se défendre que les adultes.
445 Autres dangers, altération du libre-arbitre
La présentation ci-dessus des divers problèmes posés par les groupes endoctrinants montre bien que ces derniers accordent la priorité à leurs intérêts, et, partiellement, les font passer avant les intérêts individuels de leurs adhérents dont ils exigent une soumission correspondante. La limite entre un engagement socialement tolérable (qui peut tout à fait être lié à des sacrifices consentis) est tracée par rapport aux méthodes utilisées pour créer la disponibilité et susciter la conviction des personnes concernées. Lorsque les méthodes utilisées font appel à la manipulation, à la tromperie et à lendoctrinement, alors laltération, voire la suppression du libre-arbitre nest plus laffaire de lindividu, mais bien de lEtat qui peut et doit intervenir (naturellement dans la mesure où il en a les moyens). Les exemples extrêmes sont les cas dans lesquels un scénario de salut ou de persécution pousse les adhérents vers un suicide collectif ou toute autre forme de renonciation de soi (OTS, Heavens Gate) ou les amène à commettre des délits (secte Aum). Mais des cas moins spectaculaires (notamment des conversions « instantanées », des bouleversements complets du mode de vie et labandon dune famille intacte à la suite dun cours de plusieurs jours, lapparition dune incapacité de dialoguer provoquée par la nécessité de demander les instructions du groupe à tout propos ou par la déclamation de principes de la doctrine du groupe et le refus de prendre tout argument contradictoire en considération) donnent à lobservateur non averti limpression dune autonomie réduite, voire nulle.
Etant donné que non seulement le droit privé et le droit pénal, mais que la démocratie se fonde également sur laxiome de lautodétermination de chacun, un Etat de droit libéral ne peut demeurer sans réagir lorsque des groupes endoctrinants attentent systématiquement à lautonomie individuelle ou envisagent de la réprimer.
Les articles 49 et 50 de la Constitution (article 15 de la Constitution révisée) relatifs à la liberté de conscience et de croyance sont à la base des réflexions concernant les questions et les organisations de nature religieuse. Lobjectif principal (et historique) de ces articles réside dans la pacification de la population et la protection de lindividu à légard des grandes communautés religieuses après la guerre du Sonderbund. Ces dispositions ont contribué de manière cruciale à la cohésion de lEtat fédéral. La liberté religieuse est également garantie par larticle 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et par l'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PDCP) qui rangent la vie religieuse dans les droits fondamentaux afin quelle soit protégée dans son intégralité. Les citoyens décident librement des questions religieuses, ils peuvent exprimer leurs convictions, propager des idéologies religieuses et exprimer leurs convictions en participant à des manifestations religieuses (liberté de culte).
« Lévolution [...] a eu des effets sur les rapports entre la société et la religion, plus précisément sur lEtat et les Eglises. Si au XIXe siècle, on a introduit dans la Constitution toute une série darticles qui faisaient de lEtat un arbitre sur le plan religieux, la tendance est au-jourdhui dabandonner toute intervention dans ce domaine. Le projet de révision de la Constitution fédérale [...] est sur ce point tout à fait explicite : abandon de tous les articles qui concernent les problèmes de larbitrage de lEtat pour ne retenir quun article sur la question de la liberté de conscience. » La réglementation des rapports entre lEglise et lEtat revient aux cantons qui, tous, reconnaissent les grandes communautés religieuses. Les cantons de Neuchâtel et de Genève connaissent la séparation de lEglise et de lEtat. La reconnaissance en tant quEglise assure à cette dernière une protection juridique de la part de lEtat ainsi que des privilèges tels que lexonération fiscale (appliqué avec beaucoup de retenue par la Confédération et de manière diverse par les cantons), la libération du service militaire ou un droit de regard dans les affaires scolaires et dans la vie publique. Bien sûr, en retour, cette reconnaissance implique la reconnaissance de la légalité constitutionnelle et de la haute surveillance de lEtat en ce qui concerne ses intérêts séculiers. Les Eglises libres, sans statut de droit public, ainsi que les « sectes » et pratiquement toutes les communautés non chrétiennes ressortissent au droit privé (articles 60 et suivants CC).[30]
En 1989, dans une réponse à une question ordinaire - qui se référait explicitement à lappartenance à des sectes et à la liberté personnelle - le Conseil fédéral a renvoyé à linitiative privée.[31] Après le drame de lOTS, le Conseil fédéral et le Parlement ont refusé la création dun Office fédéral des questions religieuses en se référant à la souveraineté cantonale en matière de culte.. [32] Les autres réponses du Gouvernement à des interventions parlementaires ont toujours été empreintes de beaucoup de retenue et se sont référées aux éléments suivants : droits fondamentaux (en particulier la liberté de conscience et de croyance), souveraineté des cantons en matière daffaires ecclésiastiques, les conditions préalables à toute intervention de lEtat (notamment délits, mise en danger de la sécurité de lEtat), efficacité de la législation en vigueur (doit pénal et civil, instruments cantonaux en matière de police sanitaire et du commerce).
Jusquà présent, le Conseil fédéral a rejeté toute action coordonnée au niveau de la Confédération pour des raisons financières. En mars 1998, il ne distinguait aucun signe indiquant que les cantons auraient de tels besoins et il doutait de lefficacité dune harmonisation des lois cantonales concernées.[33] La retenue des autorités judiciaires a déjà été évoquée au chapitre 433. A quelques exceptions près, les parlementaires suisses ainsi que les membres du Gouvernement se sont également référés au principe juridique formel de la retenue en matière de croyances. Contrairement à ce qui est le cas en Allemagne, le traitement systématique et engagé de tels sujets dans la presse écrite na porté que peu de fruits. Cette attitude passive règne également dans les partis politiques depuis les années 80. Les centres de consultation et d'information ainsi que les associations de parents actifs en la matière ne sont pas parvenus à développer des groupes de pression politique en tant que tels au niveau fédéral.
Selon lune des personnes entendues, il serait juste, bien que de plus en plus problématique du point de vue juridique, de considérer la religion comme une affaire privée étant donné que les différences dues au niveau socioculturel dans notre société ont été sous-estimées ces vingt dernières années. Aujourdhui, il faudrait considérer la religion comme une dimension de la vie sociale, ce qui « légitime lintervention de lEtat en la matière. » Le désengagement de lEtat présente des risques en ce sens quil « apparaît désemparé par rapport au changement religieux contemporain et par rapport au fait que dans les différents cantons la tendance est de réagir de plus en plus au coup par coup et non plus de façon globale ».
Contrairement à la situation en Allemagne, en Suède et en France, la politique suisse na jusquà ce jour pas tenté denlever le caractère tabou à tout ce sujet, de le sortir du champ de la responsabilité privée et de lui donner le caractère dune affaire publique.
En regardant ce qui se passe en Allemagne, la commission a relevé quune intervention de lEtat ne contrevient pas au principe de la liberté de conscience et de croyance. Il ne sagit pas de rechercher une attitude plus radicale envers les groupements intolérables, attitude qui aboutirait régulièrement à des demandes dinterdiction - ce qui, en Suisse et de lavis de la commission également nest ni pensable, ni souhaitable - mais bien de prises de position personnelles des politiciens, membres dautorités législatives et exécutives, qui se prononce-raient sur le sujet comme cest le cas chez nos voisins allemands. Contrairement à la Suisse, ils ont assimilé les peurs de la population (qui sont reprises et débattues par les médias). Ils ont ainsi reconnu la dimension sociale du problème. Des ministres ont mandaté des études, certains Länder ont lancé de larges campagnes dinformation, le Bundestag a mis sur pied une commission denquête dotée dun personnel professionnel, les tribunaux et les partis politiques ont pris des décisions claires et Helmut Kohl, le Chancelier de lépoque, est également intervenu publiquement à ce sujet. Lun des ministres allemands a même été acquitté par un tribunal : il peut en effet continuer de recourir aux termes de « Wirtschaftskrake », « wirtschaftskriminelle Organisation » et de « Geldwäscheorganisation » pour qualifier un groupement.
De telles prises de position jouent le rôle dun signal pour la population et ont également un effet préventif, tant il est vrai que les personnes concernées (surtout les parents) sont alors bien plus facilement disposées à se préoccuper du sujet. En outre, ces prises de position sont également prises en compte par le pouvoir législatif.
Entre-temps, divers cantons ont entrepris certaines démarches en la matière :
Suite à une motion du 1996, le Grand Conseil du canton de Bâle-Ville a complété sa législation pénale. Ainsi, est punissable celui qui recrute ou tente de recruter des passants sur la voie publique au moyen de méthodes trompeuses ou déloyales. Ces dispositions sont entrées en vigueur à fin novembre 1998. Fin juin 1999, le Tribunal fédéral a rejeté une plainte de droit public déposée par l'Eglise de Scientologie à ce sujet.
Dans le canton de Genève, il est prévu de compléter le code de procédure pénale par des dispositions concernant les « dérives sectaires ». En particulier, les personnes victimes de mouvements endoctrinants pourront, en tant que partie civile ou en qualité de témoin, recourir à laide dorganismes spécialisés et reconnus dans le cadre de laide aux victimes.
Le groupe de travail intercantonal pour les questions relatives aux « sectes », constitué depuis septembre 1997 de représentants des cantons de Genève, de Neuchâtel, du Jura, de Fribourg, de Berne, du Tessin, du Valais et de Vaud. Actuellement, le « Centre dinformation sur les croyances » est son projet principal (mené toutefois sans la participation des cantons du Jura, de Fribourg et de Berne).
Le 19 octobre 1998, le canton du Tessin a publié un volumineux rapport sur les « sectes religieuses » (« sette religiose »). Ce rapport attribue une grande importance à lapplication du dispositif législatif en vigueur ainsi quà linformation, léducation et la consultation et se référant notamment à la collaboration au sein du groupe de travail intercantonal dont le Tessin est membre.
Un projet vaudois prévoit de donner aux gymnasiens de 3e année la possibilité de suivre un cours à options en histoire et science des religions. Lobjectif de cet enseignement est de transmettre des connaissances générales dans ce domaine et de favoriser une prise de conscience dépassant le cadre dune seule branche. A lécole, les sciences religieuses doivent favoriser la compréhension mutuelle et permettre dapprofondir la discussion relative à lintégration. Cet enseignement abordera des concepts tels que le respect dautrui, la solidarité, la responsabilité sociale du citoyen. Lintroduction de ce programme est prévue pour lannée scolaire 2000/2001.
NOTE
[24] Flammer Philipp, « 'Sekte' : Können wir auf dieses Wort verzichten ? » Conférence à la Paulus-Akademie de Zurich les 16 et 17 mars 1996 sur le sujet : « Missbrauchte Sehnsucht. Oder : Was ist eine Sekte ? », in : InfoSekta, Tätigkeitsbericht 1996, p. 27.
[25] Interpellation relative à la lutte contre les sectes (98.3136 du 20 mars 1998).
[26] Müller Jörg Paul, Religionsfreiheit - ihre Bedeutung, ihre innere und äussere Gefährdung. conférence introductive à loccasion dun sémi-naire de lOSCE du 16 au 19 avril 1996 à Varsovie, dans : Reformatio, décembre 1996, pp. 420 et ss.
[27] Article 303 CC en ce qui concerne les parents, article 378, 3e alinéa CC pour le lieu dorigines des enfants sous tutelle.
[28] Article 49, 3e alinéa cst., article 303, 3e alinéa CC.
[29] Lénumération de toutes les pratiques dirigées contre les enfants ne saurait être exhaustive pour des raisons de place. La commission denquête du Bundestag allemand sest attaquée au problème spécifique des enfants dans les « sectes », voir rapport final de cette commission, pp. 200 et ss, ainsi que létude « Arbeitskreis 4 - Kindeswohl/Kindesmissbrauch », pp. 86 et ss. du rapport intermédiaire de cette même commission.
Le rapport de lenquête suédoise sur les « sectes » insiste sur la protection des enfants ; In Good Faith - Society and new religious movements. A ce sujet, voir résumé en langue anglaise de 1998 (version originale en suédois : 392 pages).
[30] Neues Staatskundelexikon für Politik, Recht, Wirtschaft, Gesellschaft. Aarau und Zürich, 1996
[31] Question ordinaire 88.1068 appartenance à des sectes et liberté personnelle.
[32] Motion pour un office fédéral des questions religieuses du 14 décembre 1993 (93.3606) ainsi que linterpellation office fédéral des questions religieuses du 6 octobre 1994 (94.3418).
[33] Voir réponses aux interventions suivantes : interpellation relative à linfluence de léglise de scientologie en Suisse du 3 octobre 1996 (96.3505) ; interpellation relative à la lutte contre les sectes du 20 mars 1998 (98.3136) ; question ordinaire relative aux activités en rapport avec léglise de scientologie du 27 avril 1998 (98.1050)
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