Circulaire contre les sectes du Ministre de la Justice français (1er Décembre 1998)
(avec les remerciements du CESNUR à M. Willy Fautré pour avoir mis en circulation ce texte)
REPUBLIQUE FRANCAISE Paris, le 1er Décembre 1998
MINISTERE DE LA JUSTICE - Circulaire
Direction des Affaires Criminelles Date d'application: immédiate
et des Grâces
Sous-direction des Affaires
Economiques et Financières
Le Garde des Sceaux
Ministre de la Justice
à
POUR ATTRIBUTION
Messieurs les PROCUREURS GENERAUX
près les cours d'appel
Mesdames et Messieurs les PROCUREURS de la REPUBLIQUE
près les tribunaux de grande instance
Mesdames et Messieurs les MAGISTRATS du PARQUET
POUR INFORMATION
Mesdames et Messieurs les PREMIERS PRESIDENTS
Mesdames et Messieurs les PRESIDENTS
Mesdames et Messieurs les MAGISTRATS du SIEGE
Mesdames et Messieurs les Directeurs régionaux
de la Protection Judiciaire de la Jeunesse
Messieurs les Directeurs régionaux de l'Administration Pénitentiaire
N° NOR : JUS-D-98.30145C
N° Circulaire : CRIM.98.11/G3.01.12.98.
Références : Circulaire CRIM. 96-4/G du 29 février 1996. Décret n° 98-890 du 7 octobre 1998 instituant une
mission interministérielle de lutte contre les sectes.
Mots clés : Sectes. Mission interministérielle de lutte contre les sectes. Correspondants en matière de sectes.
Titre détaillé : Lutte contre les atteintes aux personnes et aux biens commises dans le cadre des mouvements à caractère sectaire.
P.J : Une annexe.
Publiée : Publiée au bulletin officiel.
Modalités de diffusion
- diffusion aux procureurs généraux et aux procureurs de la république,
et, par l'intermédiaire de ceux-ci, aux magistrats du parquet et du siège,
et aux directeurs régionaux de la protection judiciaire de la jeunesse
et de l'administration pénitentiaire
La chancellerie effectue un suivi attentif de toutes les procédures mettant en cause des mouvements sectaires, et participe activement à lélaboration et à lapplication de la politique gouvernementale en la matière.
Cette action est conduite par une cellule spécialisée en la matière, créée au sein de la direction des affaires criminelles et des grâces et dirigée par un magistrat, chargé de mission à cet effet auprès du directeur des affaires criminelles et des grâces, qui a participé aux travaux de lobservatoire interministériel sur les sectes.
Une mission interministérielle de lutte contre les sectes a été créée par décret du 7 octobre 1998. Elle sest substituée à lobservatoire interministériel sur les sectes.
M. Alain Vivien, ancien ministre, a été nommé président de cette instance.
Composée dun conseil dorientation réunissant des personnalités et dun groupe opérationnel formé par les représentants des départements ministériels concernés par le phénomène sectaire, cette structure est notamment chargée de diffuser des informations sur les mouvements sectaires et de favoriser laction coordonnée des administrations pour combattre les agissements néfastes de ceux-ci.
La direction de la protection judiciaire de la jeunesse assure par ailleurs un suivi de la situation des mineurs en lien avec des mouvements à caractère sectaire.
Enfin, une session de formation a été organisée par lEcole Nationale de la Magistrature en mars 1998, à destination des magistrats, des agents de la protection judiciaire de la jeunesse et de ceux de ladministration pénitentiaire.
Il apparaît, au terme de deux années de fonctionnement de ce dispositif, que lautorité judiciaire a désormais pris une part déterminante dans lensemble du dispositif gouvernemental de lutte contre les dérives sectaires.
Lexamen du bilan des poursuites pénales en cette manière établi au 1er mai 1998 en atteste; 153 procédures pénales ont pu être répertoriées pour lensemble du territoire national, soit 73 enquêtes préliminaires et 80 informations judiciaires dont 17 sont achevées. Ces quelques chiffres témoignent à eux seuls de la prise de conscience du danger du phénomène sectaire par linstitution judiciaire.
Cependant, force est de constater que les poursuites se heurtent à plusieurs difficultés liées notamment à une insuffisance de signalement des faits.
Il apparaît donc nécessaire de donner une nouvelle impulsion à laction de lautorité judiciaire, en tenant compte des difficultés rencontrées et en généralisant les initiatives locales les plus pertinentes.
A cet égard, trois axes doivent être envisagés: un échange dinformations entre les magistrats du parquet et les associations de lutte contre le phénomène sectaire (I), la désignation dun correspondant en matière de sectes au sein du parquet général (II) et linstitutionnalisation de réunions de concertation (III).
1. Un échange dinformations entre lautorité judiciaire et les associations de lutte contre le phénomène sectaire.
Les dénonciations ou les plaintes des "victimes adeptes" sont encore trop peu nombreuses, et souvent imprécises. Il est vrai que le "consentement" des dites victimes rend particulièrement difficile la preuve dune atteinte à la personne, et par voie de conséquence, ne favorise pas lexercice de laction publique.
Les associations de lutte contre les phénomènes sectaires doivent, à cet égard, être étroitement associées dans la mesure où elles sont susceptibles de fournir des éléments dappréciation sur les organisations concernées.
Parmi celles-ci, il convient de citer tout particulièrement les associations fédérées au sein de lunion nationale des associations de défense des familles et de lindividu (UNADFI) et le centre de documentation, déducation et daction contre les manipulations mentales (CCMM).
Le sérieux de ces associations est unanimement reconnu et elles disposent, principalement pour ce qui concerne lUNADFI (reconnue dutilité publique), dune bonne implantation sur le territoire national. Vous trouverez en annexe à la présente les coordonnées de ces associations.
Il ny aurait donc que des avantages à ce que les procureurs de la République de votre ressort prennent lattache de ces associations, afin dévoquer avec elles les agissements des mouvements sectaires opérant dans leur ressort.
En effet, ces associations sont très fréquemment destinataires dinformations de la part de familles dadeptes de sectes qui pourraient être utilement exploitées par lautorité judiciaire; par ailleurs, ces échanges pourraient permettre de déterminer des modes de signalement de faits susceptibles de recevoir une qualification pénale, pour lesquels ces associations nont pas systématiquement le réflexe daviser le parquet.
2. La désignation dun "correspondant-sectes" au sein du Parquet général
Les travaux de la commission denquête de lAssemblée Nationale, ceux de lobservatoire interministériel sur les sectes et lexpérience de deux années de mise en uvre des orientations de la circulaire du 29 février 1996 ont démontré lextrême complexité dappréhender le phénomène sectaire.
Cette difficulté se manifeste de plusieurs façons:
dans lidentification des mouvements sectaires eux-mêmes; dans le choix entre la voie pénale et la voie civile, et notamment, pour ce qui concerne les mineurs, dans la possibilité douvrir des procédures dassistance éducative;
dans le choix de la qualification pénale la plus appropriée.
Il est donc essentiel que ces procédures fassent lobjet dune coordination au plan régional par un magistrat particulièrement au fait de ces questions.
A cet égard, le parquet général a, en cette matière, un rôle de tout premier plan.
Il est donc nécessaire quun magistrat du parquet général soit désigné afin dassurer cette coordination.
Ce correspondant sera tout naturellement linterlocuteur du magistrat chargé de mission auprès du directeur des affaires criminelles et des grâces pour les affaires sectaires.
Il serait également souhaitable que ce magistrat prenne lattache du substitut général des affaires de mineurs dans toutes les situations où les mineurs ont un lien avec des organisations à caractère sectaire.
Il lui appartiendra également de veiller à la coordination de laction de lautorité judiciaire avec celle de lensemble des autres services de lEtat responsables en ce domaine.
III- Linstitutionnalisation de réunions de coordination
Il va de soi que la lutte contre les dérives sectaires ne saurait reposer sur la seule institution judiciaire, mais suppose également un bon fonctionnement de tous les services de lEtat confrontées à ce phénomène, et tout particulièrement les services de police et de gendarmerie, les directions régionales du travail et de lemploi, les directions départementales de la protection judiciaire de la jeunesse, les inspecteurs dacadémie de léducation nationale et de la jeunesse et des sports, les DDASS, les douanes, les services fiscaux, les DDCCRF.
Des réunions de coordination doivent être organisées tant au niveau des parquets généraux que des parquets.
Ainsi, il appartiendra au correspondant du parquet général en matière de sectes de réunir périodiquement ces différents services et les procureurs de la République du ressort, en invitant les conseils généraux à y participer dès lors que sera évoquée la question des mineurs membres dorganisations à caractère sectaire ou dont les titulaires de lautorité parentale sont eux-mêmes membres de ces organisations. Ces réunions permettront de faire le point de la situation locale et de définir une politique concertée des pouvoirs publics en ce domaine.
A cette fin, il veillera également, et de manière permanente, à développer la collecte de renseignements avec ces différents services et avec les représentants des professions juridiques et judiciaires (notamment les notaires et les huissiers de justice) et à les diffuser auprès des parquets territorialement compétents.
Ces réunions seront tout naturellement le lieu de la détermination des critères de signalement aux parquets, de lévaluation des moyens à mettre en uvre pour lutter contre les dérives sectaires et du choix des stratégies et des procédures susceptibles dêtre les plus efficaces dans le strict respect des attributions de chacun.
A ce titre, un travail important pourrait être fait avec les conseils généraux eu égard à limportance de leur mission en lien avec les secteurs public et associatif de la protection judiciaire de la jeunesse dans le domaine de la protection de lenfance.
Les procureurs de la République devront prendre dans leurs ressorts des initiatives similaires, afin notamment de déterminer les actions judiciaires les plus opportunes et les modalités daction les plus appropriées pour lutter contre les agissements des sectes.
Le Garde des Sceaux,
ministre de la Justice
Elisabeth GUIGOU
P.S.: Vous voudrez bien me rendre compte régulièrement des initiatives entreprises dans votre ressort en cette matière, me communiquer le nom des magistrats correspondants désignés par vos soins et me rendre compte des difficultés que vous pourriez rencontrer.
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