Commission de gestion
du Conseil national
Palais fédéral
3003 Berne
Réponse du Conseil fédéral au rapport de la CdG-CN :
« Sectes » ou mouvements endoctrinants en Suisse -La nécessité de laction de lÉtat ou vers une politique fédérale en matière de « sectes »
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Conseillers nationaux,
Le Conseil fédéral a pris acte avec un vif intérêt du rapport de la Commission de gestion du Conseil national en date du 1 er juillet 1999 et la soigneusement analysé. Sa réponse se fonde sur les travaux préparatoires effectués par le groupe de travail interdépartemental composé de membres de la ChF, du DFAE, du DFI, du DFJP, du DDPS et du DFE.
En publiant son rapport, la CdG-CN a abordé une question importante pour la société. Si lon en croit les récits faisant état du sort de personnes tombées dans la dépendance psychique de mouvements endoctrinants ou bien encore des meurtres ou suicides collectifs de membres de sectes, il est compréhensible que lon souhaite lintervention de lÉtat pour protéger les personnes concernées et leurs proches. Mais lintervention de lÉtat proposée par la CdG-CN doit aussi respecter les limites de lordre juridique. En effet, un État libéral et démocratique se doit de protéger dune part les convictions et les opinions individuelles, mais les lois doivent dautre part intervenir et limiter les activités des sectes et/ou des mouvements endoctrinants qui portent atteinte aux droits de lindividu ou au bien de lÉtat. Lattitude de lÉtat à légard des sectes et/ou mouvements endoctrinants doit donc sarticuler autour de ces deux principes.
Dans sa réponse, qui suit largement la structure du rapport de la CG-N, le Conseil fédéral explique pourquoi ce périlleux exercice doit conduire à une politique du Conseil fédéral à la fois rigoureuse et nuancée.
1 Sectes et/ou mouvements endoctrinants
Comme la CdG-CN, le Conseil fédéral estime que la notion de secte est floue et quelle est diversement employée et souvent de manière discriminatoire. Lénumération qui figure sous chiffre II.1 du rapport de la CdG-CN fait nettement ressortir ce flou.
La notion de secte étant la plupart du temps employée du point de vue de sa propre croyance dans une volonté dexclusion, elle suscite des associations négatives. Mais lÉtat, pour sa part, doit sabstenir de prendre parti afin respecter la liberté de conscience et de croyance. Laction étatique doit donc sappuyer sur une définition qui à la fois évite les éléments comportant un jugement de valeur sur une croyance donnée et un usage discriminatoire de la langue. Mais lampleur et la complexité du phénomène ne peuvent être rendues par une définition unique, acceptable dun point de vue juridique et qui englobe tous les mouvements visés [1] . Il est cependant essentiel de donner une définition précise afin de déterminer si laction de lÉtat se justifie.
Il convient tout dabord de souligner que la reconnaissance dune religion par un canton qui est seul à avoir la compétence de réglementer les relations entre lÉglise et lÉtat ne signifie en aucun cas que les Églises, religions ou communautés non reconnues doivent être considérées comme des sectes dangereuses. La plupart des nouveaux mouvements à caractère religieux ou des mouvements professant des opinions particulières ne doivent pas être désignés comme endoctrinants. Pour accomplir la mission que lui assigne la Constitution en matière de sécurité, lÉtat doit considérer uniquement les mouvements endoctrinants qui représentent un danger pour lintégrité physique, psychique ou pour la sécurité financière de leurs membres. Le critère qui justifie laction de lÉtat devrait être le respect des droits de lhomme tant à lintérieur quà lextérieur, mais ce critère ne doit pas se limiter aux seuls mouvements religieux. Il devrait plutôt sappliquer aux menaces constituées par lendoctrinement en général. Mais cela va bien au-delà de la question traitée par la CdG-CN.
Pour les raisons précitées, le Conseil fédéral considère quil nincombe pas à la Confédération de déterminer quelles associations appartiennent aux mouvements endoctrinants ni de donner une définition des sectes valable en général.
La question légitime de savoir si la notion de « secte » peut être utilisée se pose tant aux échelons national quinternational, mais il faut accepter que les phénomènes mis en cause soient la plupart du temps discutés sous cette dénomination. Après avoir posé le problème, le rapport de la CdG-CN reprend lui aussi cette notion à son compte. Cest pourquoi elle sera également utilisée dans cette réponse, mais en y ajoutant « et/ou mouvements endoctrinants » afin de garder constamment à lesprit la complexité de ce phénomène.
2 Aspects juridiques
21 Bases constitutionnelles
Le rapport de la CdG-CN expose de manière détaillée et avec beaucoup de justesse la situation juridique, notamment les conditions posées à la restriction des droits fondamentaux garantis par la Constitution.
Outre les bases légales citées, notamment lart. 15 Cst. (liberté de conscience et de croyance), le Conseil fédéral a, dans le contexte des questions de sectes et de religion, renvoyé aussi à lart. 16 (liberté dopinion et dinformation) ainsi quaux art. 22 et 23 Cst. (libertés de réunion et dassociation).[2]
22 Bases de droit fédéral
Le droit fédéral en vigueur fournit des instruments qui permettent dempêcher les atteintes de sectes et/ou de mouvements endoctrinants à la sphère privée. Ainsi, toute personne harcelée ou importunée par dautres personnes ou par une association peut en appeler aux dispositions correspondantes du Code civil ou, le cas échéant, du Code pénal en matière de protection. Ces instruments permettent aussi de sattaquer aux mouvements qui menacent lordre public ou la sécurité de lÉtat. Les organes de protection de lÉtat ne peuvent toutefois soccuper de sectes et/ou de mouvements endoctrinants à titre préventif que lorsque des indices concrets permettent de présumer que la sécurité de lÉtat ou celle des citoyens sont menacées (cf. art. 3 de la loi fédérale du 21 mars 1997 instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure, LMSI, RS 120).
Les mesures policières préventives seraient autorisées si :
- au sein ou en-dehors du mouvement (ou du groupement religieux), des violences étaient exercées, si le mouvement en question pouvait être qualifié dorganisation extrémiste violente ou terroriste et quil constitue un danger pour la sécurité intérieure ;
- le mouvement menaçait lordre constitutionnel par des moyens contraires au droit et à la démocratie ;
- le mouvement menaçait la dignité humaine et la paix sociale par des activités racistes ou antisémites ;
- le mouvement violait systématiquement les intérêts pécuniaires de ses membres (criminalité organisée) ;
- le mouvement était interdit à létranger pour avoir commis des infractions à la loi.
A cet égard, il importe de rappeler que les droits fondamentaux sont garantis à toutes les personnes, qu'elles soient membres de sectes et/ou de mouvements endoctrinants ou non.
Les activités dassociations ne peuvent par conséquent être restreintes par la loi que si un intérêt public le justifie, que des mesures restrictives simposent et quainsi les conditions stipulées à lart. 36 Cst. soient remplies. La lutte contre les associations contraires au droit ou aux moeurs est une mission qui incombe au premier chef aux cantons en vertu de la séparation des compétences qui prévaut dans un État fédéral.
Il existe toute une série de bases de droit pénal qui sont applicables en relation avec les sectes et/ou les mouvements endoctrinants.
- Comme le relève le rapport de la CdG-CN, une intervention est possible sur la base de la norme pénale antiracisme (art. 261 bis CP) lorsquune secte et/ou un mouvement endoctrinant se réclame dune idéologie raciste ou antisémite. Cela revêt une importance particulière pour lÉtat lorsquil sagit de défendre les valeurs fondamentales et la démocratie.
- Dans les cas dinfractions contre le patrimoine : en cas dusure (art. 157 CP), descroquerie (art. 146 CP), dextorsion et de chantage (art. 156 CP), de participation à une organisation criminelle (art. 260 ter CP) ;
- Dans les cas de crimes ou délits contre la liberté : en cas de menaces (art. 180 CP), de séquestration ou denlèvement (art. 183 CP), de contrainte (art. 181 CP).
- Dans les cas dinfractions contre la vie et lintégrité corporelle, excepté en cas de meurtre et dassassinat : en cas dhomicide par négligence (art. 117 CP) ; dincitation et dassistance au suicide (art. 115 CP), de lésions corporelles et de lésions corporelles graves et de lésions corporelles simples (art. 122 et 123, al. 1, CP), ou en cas de lésions corporelles par négligence (art. 125 CP) ;
- Dans les cas dinfractions contre lintégrité sexuelle, dactes dordre sexuel avec des enfants ou de pornographie (art. 187 et 197 CP), de contrainte sexuelle ou de viol (art. 189 et 190 CP), dabus sexuels envers une personne qui est incapable de discernement ou de résistance, dabus de la détresse (art. 191 et 193 CP), dexploitation de lactivité sexuelle (art. 195 CP) [3] .
En relation avec le droit pénal, il convient aussi de renvoyer à la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur laide aux victimes dinfractions, (Loi sur laide aux victimes, LAVI, RS 312.5). Dans la mesure où les conditions posées par cette loi sont remplies, les victimes de sectes et/ou de mouvements endoctrinants peuvent sadresser aux services cantonaux compétents pour demander de laide.
23 Droit international
Le Conseil fédéral rappelle les engagements internationaux visant à préserver la liberté de religion. En matière de liberté de religion, la Suisse sen tient aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PDCP)[4] et de la Convention européenne des droits de lhomme (CEDH) qui protègent la liberté de religion (art. 9, al. 1, CEDH = art. 18, al. 1, PDCP et art. 9, al. 2, CEDH = art. 18 al. 3, PDCP). Dans le cadre de leurs relations bilatérales ou multilatérales (Commission des droits de lhomme de lONU ; Dimension Humaine de lOSCE), les États discutent de la question de la liberté de religion et doivent le cas échéant prendre position sur leur pratique en la matière. Cela vaut à la fois pour les pays où certaines religions sont traditionnellement établies et pour les sectes et/ou les mouvements endoctrinants.
Dans ses prises de position, la Suisse souligne que la liberté de religion ne peut être restreinte que si la restriction
- se fonde sur une base légale compatible avec le droit international,
- est justifiée par un intérêt public prépondérant ou par la protection dun droit fondamental dautrui,
- et ne porte pas atteinte au principe de la proportionnalité.
La Suisse sest par ailleurs engagée à respecter les principes définis dans la Déclaration de 1981 de lONU sur lélimination de toutes les formes dintolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction. Le principe de l'égalité de traitement que doivent appliquer les États veut dune part que ceux-ci évitent la discrimination (ne pas traiter différemment ce qui est essentiellement égal), et que dautre part ils évitent de traiter sur un pied dégalité ce qui est essentiellement différent. La Suisse sengage pour que tous les êtres humains jouissent de la liberté de croyance, de conscience et dassociation, mais elle reconnais quune inégalité de traitement due à la différence de nature, de taille ou à lhistoire ne constitue pas forcément une discrimination. La Suisse encourage les Etats-membres de lOSCE à adopter des normes pénales analogues à lart. 261 bis CP, qui proscrivent la discrimination fondée non seulement sur lappartenance raciale ou ethnique, mais aussi sur lappartenance religieuse.
3 Interventions parlementaires
Depuis la fin des années quatre-vingt, le Conseil fédéral a eu à de nombreuses reprises loccasion de sexprimer sur les sectes et sur la religion sur la base des interventions parlementaires suivantes :
88.1068 Question ordinaire Petitpierre du 14.12.1988
Appartenance à des sectes et liberté personnelle
93.3606 Motion Zisyadis du 7.12.1993
Création dun Office fédéral des questions religieuses
94.3162 Interpellation Scherrer Werner du 18.3.1994
Maintien de la paix religieuse
94.3418 Interpellation Zisyadis du 6.10.1994
Office fédéral des questions religieuses
96.3505 Interpellation Borer du 3.10.1996
Influence de lÉglise de scientologie en Suisse
98.3136 Interpellation Burgener du 20.3.1998
Lutte contre les sectes
98.1050 Question ordinaire Schmid Odilo du 27. April 1998
Activités en rapport avec lÉglise Scientology
00.3115 Interpellation Studer du 23.3.2000
Persécution des chrétiens dans le monde.
Dans les réponses à ces interventions, le Conseil fédéral sen est tenu aux principes suivants :
Toutes les réponses du Conseil fédéral aux interventions déposées les 12 dernières années témoignent dune attitude claire et constante en ce qui concerne la problématique des sectes et/ou mouvements endoctrinants. Il renvoie en effet systématiquement dune part aux droits fondamentaux et dautre part à sa mission en matière de sécurité et avance la structure fédéraliste de notre pays pour expliquer pourquoi il nappartient pas à la Confédération de formuler et de mettre en oeuvre une politique de lutte contre les sectes.
4 Analyse et mesures
Le Conseil fédéral est daccord avec le rapport de la CdG-CN pour ce qui est des structures et des caractéristiques des sectes et/ou mouvement endoctrinants, ainsi quavec la description des problèmes rencontrés par les personnes concernées. Sur le fond, il approuve aussi lanalyse effectuée par la commission, mais il accorde à certains points un poids différent et en tire dautres conséquences dans loptique des mesures à prendre.
41 Situation en matière dinformation et création dun service central dinformation et de consultation
Le rapport de la CdG-CN révèle un besoin de recherche et dinformations en ce qui concerne les sectes et/ou les mouvements endoctrinants. Le Conseil fédéral est daccord avec cette analyse, mais il juge, comme le fait indirectement le rapport, quil ne lui appartient pas de tenter de remédier au manque dinformation et de résultats en matière de recherche. Il ne dispose par ailleurs que de modestes compétences pour lancer des projets de recherche.
La mise sur pied dun service dinformation et de consultation à léchelle nationale nest pas non plus une tâche incombant à la Confédération. Dans la réponse quil a donnée à la motion Zisyadis [5] , le Conseil fédéral a déjà expliqué les problèmes qui se poseraient à cet égard : étant donné que les questions religieuses relèvent de la compétence des cantons, cest à ceux-ci quil appartient au premier chef de veiller à réglementer lordre et la paix publique parmi les membres des différentes communautés religieuses. La Confédération na dans ce domaine que des compétences subsidiaires. Elle ne pourrait étendre ses compétences que si les mesures cantonales étaient jugées insuffisantes ou si les cantons le lui demandaient explicitement.
Il est difficile, comme on le sait, de se procurer des informations détaillées et vérifiables sur les sectes et/ou les mouvements endoctrinants. La création dun service fédéral dinformation et de consultation ne pourrait guère produire, sans un travail et des moyens considérables, de meilleurs résultats que ne le font les services dinformation et de consultation existant déjà. Dautre part, cela montre à quel point le travail de ceux-ci est important et combien il faut le reconnaître. Le Conseil fédéral salue tout particulièrement les efforts consentis par ceux qui, sans idées préconçues et sans méfiance, sefforcent de faire des recherches et fournir des informations, tel « lObservatoire des religions en Suisse », institut de recherche nouvellement créé à luniversité de Lausanne.
La Confédération peut aider ces services et les cantons en leur transmettant les informations dont elle dispose, et soutenir ceux-ci dans laccomplissement de leurs tâches. Elle considère en outre quil est souhaitable daméliorer la coordination avec les autorités concernées au niveau cantonal. La Conférence des chefs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP) ne sest pas exprimée au sujet du rapport, mais son directoire a fait part de son intérêt pour cette thématique et pour la réponse du Conseil fédéral.
Il en va autrement de la demande relative à lamélioration de la coordination au sein de ladministration fédérale. Il faudrait effectivement accroître la coordination au niveau de la Confédération et il serait souhaitable daméliorer léchange dinformations entre les services qui ont affaire de manière ponctuelle et dans le cadre de leurs attributions avec les sectes et/ou les mouvements endoctrinants.
42 Attitude des autorités
421 Confédération
Le Conseil fédéral juge trop sélective la liste des mesures prises jusquà présent par les autorités que dresse le rapport de la CdG-CN, et il pense quil faudrait la compléter : en effet, bien que la Confédération ne voie aucun besoin dagir sur le plan juridique, elle suit les activités de certains mouvements. Cest ainsi que la Commission consultative en matière de protection de lÉtat instituée en 1992 par le DFJP soccupe notamment depuis 1995 de la question du danger que représentent pour la sécurité de la Suisse certains mouvements endoctrinants. Compte tenu des événements qui se sont produits ces dernières années et qui ont bouleversé la population (incendie de Waco/Texas ; drame du lOrdre du Temple Solaire ; attentat au gaz sarin de la secte AUM), la commission a décidé de soccuper de ce sujet de manière approfondie. En juillet 1998, le DFJP a publié un rapport sur la « Scientology en Suisse » à lattention de la Commission consultative en matière de protection de lÉtat. Un rapport d'actualité sur la situation sera publié cette année encore.
422 Cantons
La CdG-CN cite dans son rapport quelques activités au niveau cantonal. Les cantons utilisent leur marge de manoeuvre en matière de questions religieuses : ainsi, certains cantons ont prononcé des interdictions de publicité, soutenu financièrement des services dinformation, interdit la vente de littérature ou la distribution de brochures sur la voie publique, etc.
On peut ajouter les activités suivantes à celles énumérées dans le rapport, sans pour autant prétendre être exhaustif :
- La police industrielle (Gewerbepolizei) de la ville de Zurich a interdit en 1994 à lÉglise de scientologie de distribuer des prospectus et des tests de personnalité dans la rue. Le tribunal administratif de Zurich a levé cette interdiction en septembre 1999 en arguant du fait que lÉglise de scientologie avait une orientation commerciale et que la distribution de publicité sur la voie publique à des fins commerciales ne devait pas être interdite de prime abord. Le Conseil municipal a porté le litige devant le Tribunal fédéral où il est en suspens.
- Interpellation Edith Lüscher, canton dArgovie : le 27 octobre 1998 a été déposée une interpellation concernant le service dinformation en matière de sectes et autres associations totalitaires, InfoSekta. Le Conseil dÉtat a répondu le 20 janvier 1999 comme suit : le besoin dinformation et de conseils de chacun est indéniable ; le canton dArgovie est déjà membre de lassociation Service dinformation et de consultation en matière de sectes et questions de culte (InfoSekta). La formation des enseignants tient aussi compte de cette question. Par ailleurs, divers services de contact et de consultation existent déjà, mais ils sont encore trop peu connus.
- Sagissant de la situation dans le canton de Bâle-Ville, on peut ajouter ce qui suit, suite aux événements cités dans le rapport : le Tribunal fédéral a rejeté [6] un recours de droit public interjeté par lÉglise de scientologie contre le Conseil dEtat et le Grand Conseil concernant la loi pénale modifiée sur les infractions [7] . Le Tribunal pénal a toutefois relaxé deux adeptes de lÉglise de scientologie qui avaient été dénoncés pour recrutement au motif que le recrutement est une activité économique et non religieuse. Le Département militaire et de police du canton de Bâle-Ville a interjeté recours contre ce jugement auprès de la Cour dappel. Le jugement na pas encore été rendu.
- En ce qui concerne les cantons de Genève, Berne, Fribourg, Jura, Neuchâtel, Tessin, Valais et Vaud, ils ont constitué, en 1997, une commission intercantonale sur les dérives sectaires. Sur la base des travaux de cette commission, le Grand Conseil du canton de Genève a chargé lexécutif de prendre les mesures pour la création dun «centre intercantonal dinformations sur les croyances». Le centre devrait pouvoir entrer en fonction au début de 2001. Il sagira dune Fondation dont le Conseil comprendra neuf membres, parmi lesquels trois représentants des autorités administratives et politiques. Il sera, dans un premier temps, basé à Genève, qui assure la plus grande partie de son financement. Selon le Président de la commission intercantonale sur les dérives sectaires, ce centre remplirait la condition de lindépendance stipulée dans la recommandation 1412 (1999) de lAssemblée parlementaire du Conseil de lEurope sur les activités illégales des sectes.
423 Coopération internationale
La police fédérale est en contact permanent avec les services de sécurité étrangers. En prévision du changement de millénaire, un état des lieux coordonné à léchelle internationale a été réalisé. Il a révélé que la situation en matière de sectes variait dun pays à lautre et que le danger constitué par certains groupements était évalué différemment selon le pays [8] . Les mouvements endoctrinants taxés de violents dans dautres pays européens ont été évalués en fonction du danger quils constituaient pour la sécurité de la Suisse. Étant donné que ces mouvements ne sont guère, voire pas du tout actifs dans notre pays, on a pu exclure tout risque pour la sécurité intérieure de la Suisse.
Dans lUnion européenne, ce sont les différents États membres qui sont compétents en matière de questions religieuses et communautés de pensée philosophiques [9] . La coopération des États membres
dans ce domaine est toutefois jugée importante. Un rapport de la Commission pour les libertés civiles et publiques et les affaires intérieures du Parlement européen sur les Sectes dans lUnion européenne contient des recommandations indiquant à quel moment il conviendrait dintervenir en relation avec les activités des sectes [10] . Ces recommandations comprennent par exemple des directives claires quant à loctroi de subventions, loffre de structures dentraide pour les membres de sectes qui souhaitent en sortir, la vérification de lefficacité des lois nationales, etc. Ce rapport na toutefois pas pu être adopté en plénum parce que les points de vue étaient inconciliables.
La question des sectes est en outre régulièrement examinée sur le plan multilatéral, par exemple à l'OSCE (Dimension humaine), à l'ONU (Rapporteur spécial sur l'intolérance religieuse), ainsi que dans le cadre du Conseil de l'Europe.
43 Mesures de protection
Comme la CdG-CN, le Conseil fédéral est davis que les dispositions légales en vigueur sont suffisantes pour assurer la protection des enfants, des consommateurs et pour la protection de la santé. Lart. 14 de la Convention relative aux droits de lenfant (RS 017) garantit le droit de l'enfant à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Lal. 2 de ce même article consacré aux droits des parents constitue une particularité. Contrairement à lart. 18 du Pacte II de lONU, les États membres ne sengagent pas à respecter la liberté des parents dassurer léducation religieuse et morale des enfants en accord avec leurs propres convictions, mais à respecter le droit et le devoir des parents de guider lenfant dans lexercice de ce droit dune manière qui corresponde au développement de ses capacités. À lal. 3 sont énumérées les restrictions possibles à la liberté de manifester sa religion ou ses convictions. Si on les compare aux dispositions du Pacte II de lONU, il est à souligner que celles de la Convention relative aux droits de lenfant ne contiennent aucun droit explicite de lenfant dadopter une religion ou des convictions, et par conséquent de changer de religion.
Les dispositions en vigueur sur la protection de lenfant (art. 307 et 308 CC) sont applicables lorsque les enfants ne sont pas en mesure ou ne sont pas désireux de veiller au bien de lenfant. Si lon a des soupçons fondés que les parents, en raison de leur appartenance à un mouvement endoctrinant, pourraient menacer la vie ou la santé physique ou psychique de leur enfant, les autorités de tutelle sont habilitées à intervenir.
La recommandation de la CdG-CN en matière de protection de lenfant doit être appuyée ; elle ne concerne toutefois que les compétences cantonales et nimplique par conséquent pour la Confédération aucune nécessité dagir.
La CdG-CN demande une nouvelle réglementation légale pour la protection des consommateurs en ce qui concerne laide aux personnes qui ne sont pas capables de gérer leur vie seules.
Cela étant, il faut noter que le droit actuel contient diverses dispositions permettant dores et déjà la défense des consommateurs. On peut notamment citer, en matière de protection du consommateur, les dispositions relatives à la concurrence déloyale, au crédit à la consommation, à l'exercice illégal de la médecine, aux stupéfiants. Concernant l'illégalité et les abus dans le domaine financier, il y a également les dispositions relatives à la fraude fiscale, au transfert illégal de fonds, au travail et au commerce.
Le Conseil fédéral estime par conséquent que les lois existantes offrent dans ce contexte une protection suffisante des consommateurs.
Dans le domaine de la législation sanitaire, la CdG-CN juge que la Confédération doit intervenir dans le secteur de la coordination des législations cantonales. Les compétences de la Confédération en matière de santé figurent essentiellement à lart. 118 Cst. La Confédération a en outre la compétence de réglementer les activités économiques lucratives privées en se fondant sur lart. 95 Cst. Or, du fait que la plupart des base légales relèvent de la compétence des cantons, la Confédération ne saurait avoir des tâches de surveillance ni de coordination et elle na donc pour linstant aucune intention dintervenir dans ce domaine. Cela revient à dire que même les méthodes de guérison douteuses pratiquées par les sectes et/ou mouvements endoctrinants relèvent de la surveillance des cantons. Même sil existe des bases constitutionnelles pour réglementer les activités économiques privées de personnes qui vantent ou exercent [11] des pratiques de guérison extra-économiques, la Confédération ne pourrait assumer une fonction de coordination dans ce domaine quà la demande expresse des cantons.
Pour ces raisons, la Confédération ne peut adhérer à lavis de la CdG-CN, selon lequel elle devrait agir dans le domaine de la législation sanitaire.
5 Commentaire des recommandations
51 Recommandation 1 : Politique de la Confédération en matière de sectes
Comme le montrent les réponses aux interventions parlementaires (cf. chiffre 3), le Conseil fédéral a toujours défendu une attitude homogène en ce qui concerne les questions de religion et de sectes. Il se peut que cette attitude soit quelque peu réservée, mais ainsi quon la dit plus haut, elle tient compte des droits inscrits dans la Constitution et des aspects fédéralistes de la Suisse. Le Conseil fédéral ne voit par conséquent aucune raison de formuler une « politique spécifique en matière de sectes » qui aille au-delà de cette attitude.
52 Recommandation 2 : Coordination de la Confédération
En matière de coordination, la difficulté réside dans le fait que la plupart des services administratifs ne soccupent que très rarement de cette problématique et lorsquils le font, seulement en relation avec des questions techniques très spécifiques. Le savoir reste donc cantonné chez les spécialistes, cest ce qui ressort de lannexe A au rapport de la CdG-CN (Rapport du 20.2.1998 de lOPCA). Il faudrait donc garantir que lon puisse savoir quels services ou quelles personnes de ladministration fédérale soccupent de ces questions. En cas de besoin, il serait ainsi possible de faire appel sans retard aux contacts nécessaires dans les autres départements.
Le Conseil fédéral estime judicieuse la création dun tel réseau. Pour améliorer léchange dexpériences, le Conseil fédéral charge donc la Conférence des secrétaires généraux (CSG) dassurer la coordination entre les différents services de la Confédération. Les secrétariats généraux veilleront à ce que leurs services mettent en réseau les responsables chargés de ces questions au plan interne. Au besoin, la ChF organisera aussi des réunions en vue dun échange dinformations et pour assurer la coordination entre les personnes intéressées.
53 Recommandation 3 : Service fédéral dinformation et de consultation
En ce qui concerne la création par la Confédération dun service chargé de soccuper des sectes et/ou mouvements endoctrinants, on doit avancer les objections suivantes : celui-ci naurait pas obligatoirement lobjectivité souhaitée et ne permettrait laccès de la population à ses services car il serait très vraisemblablement composé dun petit groupe de spécialistes. Ces derniers seraient par ailleurs dabord occupés à diffuser des informations au public et ensuite seulement à récolter, analyser et vérifier ces informations. De plus, les compétences dun service de ce genre seraient très limitées puisquil naurait pas de base légale.
Pour ces raisons et pour celles évoquées au chiffre 41, il convient de rejeter la création dun service fédéral dinformation et de consultation.
On peut par ailleurs douter de lutilité de la campagne dinformation orchestrée par la Confédération que demande le rapport. Une telle campagne nécessite des moyens financiers considérables et il faudrait par ailleurs déterminer ce qui devrait être communiqué. Pour des considérations de principe (voir plus haut), la Confédération ne peut pas lancer davertissement général contre les sectes et/ou les mouvements endoctrinants. Il serait tout au plus envisageable de faire des efforts pour informer les institutions concernées par ce problème (écoles, organisations de jeunesse, services de consultation, autorités policières et judiciaires, etc.) sur la situation juridique existante et pour encourager la sensibilité nécessaire dans la manière de traiter les victimes.
Le Conseil fédéral ne peut donc répondre à la recommandation 3 de la CdG-CN.
54 Recommandation 4 : Encouragement de la recherche
Comme on la expliqué au chiffre 41, le Conseil fédéral na que de faibles compétences pour lancer des projets de recherche. Un renforcement des activités de recherche interdisciplinaires qui traiteraient sans idées préconçues des sectes et/ou mouvements endoctrinants serait souhaitable. Linitiative devrait toutefois en incomber aux universités et autres institutions chargées de recherches, qui les financeraient. Le lancement dun programme national de recherche consacré à ce thème serait en outre envisageable.
Même sil est souhaitable dintensifier la recherche, le Conseil fédéral na que des possibilités limitées dencourager concrètement celle-ci. Il suivra attentivement les projets de recherche existants et ceux à venir portant sur ce thème. Sil apparaissait à moyen terme quun besoin de recherche important pour la société nétait pas pris en considération, le Conseil fédéral lui accorderait lattention requise dans le cadre de la planification des prochains programmes nationaux et de la définition des priorités.
55 Recommandation 5 : Mesures de protection
Les possibilités dont dispose le Conseil fédéral pour influer sur la mise en oeuvre et lexécution des lois en matière de protection des enfants, des consommateurs et de santé sont restreintes. Cf. à ce propos les explications détaillées sous chiffre 43.
Le Conseil fédéral ne voit aucune possibilité dexercer davantage dinfluence dans ce domaine.
En vous demandant de bien vouloir prendre acte de nos explications, nous vous prions dagréer, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers nationaux, lassurance de notre haute considération.
3003 Berne, Au nom du Conseil fédéral suisse Le président de la Confédération,
La chancelière,
1 [retour] Le cas de lUE la aussi montré : le Comité pour les libertés publiques et les affaires intérieures du Parlement de lUE (rapporteur Maria Berger) a rédigé un rapport sur les sectes dans lUnion européenne (11 décembre 1997, A4- 0408/97). Ce rapport na pas été adopté en plénum car les points de vue nétaient pas conciliables.
2 [retour] Suivant la situation concrète, les articles suivants de la Constitution peuvent avoir une importance dans ce contexte : lart. 7 (dignité humaine), art. 8, al. 2 (interdiction de discrimination du fait de convictions religieuses ou philosophiques), art. 9 (protection contre larbitraire de lÉtat), art. 10 (droit à la liberté personnelle), art. 11 (protection des enfants et des jeunes), art. 12 (droit dobtenir de laide dans des situations de détresse), art. 13 (protection de la sphère privée), art. 14 (droit au mariage et à la famille), art. 19 (droit à un enseignement de base), art. 27 (liberté économique), art. 34 (droits politiques) et art. 35, al. 3 (réalisation des droits fondamentaux entre particuliers).
3 [retour] Cf. aussi létude réalisée par lexpert Maurice Haari : « La répression pénale de certaines dérives sectaires : une esquisse dinventaire » in : Audit sur les dérives sectaires, Rapport du groupe dexperts genevois au Département de Justice et Police et des Transports du Canton de Genève, février 1997, p. 222 à 272.
4 [retour] Résolution du 16 décembre de lAssemblée générale de lONU.
5 [retour] 93.3606 Motion Zisyadis du 6.10.1993
6 [retour] ATF 1P.571/1998 du 30.6.1999
7 [retour] Selon ces dispositions, est punissable celui qui recrute pou tente de recruter des passants sur la voie publique au moyen de méthodes trompeuses ou déloyales.
[retour] 8 Cela vient du fait que les mouvements endoctrinants sont très actifs dans certains pays et ont beaucoup dadeptes, tandis quils ne sont guère représentés dans dautres pays.
9 [retour] Version consolidée du Traité du 3 octobre 1997 sur lUnion européenne (Traité dAmsterdam).
10 [retour] Rapport sur les sectes dans lUnion européenne (11 décembre 1997, A4-0498/97).
11 [retour]Cf. aussi à ce sujet lATF du 21 juin 1989 (IP.225/1988) concernant la question de savoir quand guérir est une activité religieuse et quand cest une activité paramédicale.
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