Cour européenne des Droits de l'Homme: accord entre les Témoins de Jéhovah et la Grèce

Cour européenne des Droits de l' Homme - Communiqué du Greffier (see also English text)

ARRÊT DANS L’AFFAIRE TSAVACHIDIS c. GRECE

Par un arrêt rendu à Strasbourg le 21 janvier 1999 dans l’affaire Tsavachidis c. Grèce, la Cour européenne des Droits de l’Homme dit, à l’unanimité, qu’il échet de rayer l’affaire du rôle.

1. Principaux faits

Le requérant, M. Gabriel Tsavachidis, ressortissant grec, est né en 1941 et réside à Kilkis, en Grèce. Il est témoin de Jéhovah.

Accusé d’avoir ouvert un lieu de culte sans l’autorisation nécessaire des autorités ecclésiastiques locales et du ministre de l’Education nationale et des Cultes, le requérant fut déféré devant le tribunal correctionnel de Kilkis. Une semaine avant l’audience du 7 avril 1995, la défense apprit qu’un rapport anonyme, daté du 7 mars 1993 et portant l’indication « hautement confidentiel » - et contenant des informations détaillées sur les activités de la congrégation des témoins de Jéhovah et désignant le requérant comme chef de file - avait été versé au dossier de la procédure. Au début du procès, le requérant contesta la validité de la mise en accusation, affirmant que le rapport ne pouvait pas être utilisé à sa charge car il n’était pas signé. Le tribunal écarta l’objection, mais décida de ne pas considérer le rapport comme élément de preuve en raison de son caractère anonyme ; enfin, il acquitta le requérant le 7 avril 1995.

Le procureur de la République de Kilkis refusa d’accéder à certaines demandes du requérant de lui transmettre l’original du rapport aux fins d’une expertise et d’ouvrir une enquête afin de déterminer l’auteur de celui-ci.

2. Procédure et composition de la Cour

Saisie de la requête le 20 septembre 1995, la Commission européenne des Droits de l'Homme l’a retenue en partie le 4 mars 1997. Après avoir en vain recherché un règlement amiable, elle a adopté, le 28 octobre 1997 un rapport formulant l’avis suivant : a) qu’il y a eu violation de l’article 8 (treize voix contre quatre) ; b) qu’il n’y a pas eu violation de l’article 9 (neuf voix contre huit) ; c) qu’aucune question distincte ne se pose sous l’angle de l’article 11 (quatorze voix contre trois) et d) qu’il n’est pas nécessaire d’examiner s’il y a eu violation de l’article 14 combiné avec les articles 8, 9 et 11 (unanimité). Elle a porté l’affaire devant l’ancienne Cour le 15 décembre 1997.

Conformément aux dispositions transitoires du Protocole n° 11 à la Convention, l’affaire a été transmise à la Grande Chambre de la nouvelle Cour européenne des Droits de l’Homme à la date d’entrée en vigueur du Protocole, le 1er novembre 1998.

Le 4 novembre 1998, la Cour a reçu de l’agent du Gouvernement communication du texte d’un règlement amiable conclu par ce dernier et le requérant et en vertu duquel le Gouvernement s’engageait à verser 1 500 000 drachmes au requérant et à faire une déclaration selon laquelle « les témoins de Jéhovah ne sont, et ne seront pas à l’avenir, soumis à aucune surveillance en raison de leurs convictions religieuses ». L’avocat du requérant a confirmé ledit texte.

L’arrêt a été rendu par la Grande Chambre composée de dix-sept juges, à savoir

Elisabeth Palm (Suédoise), présidente de la Grande Chambre,
Luigi Ferrari Bravo (Italien),
Gaukur Jörundsson (Islandais),
Lucius Caflisch (Suisse),
Pranas Kuris (Lituanien),
Ireneu Cabral Barreto (Portugais),
Jean-Paul Costa (Français),
Willi Fuhrmann (Autrichien),
Karel Jungwiert (Tchèque),
Marc Fischbach (Luxembourgeois),
Nina Vajic (Croate),
John Hedigan (Irlandais),
Wilhelmina Thomassen (Néerlandaise),
Margarita Tsatsa-Nikolovska (ERY de Macédoine),
Tudor Pantiru (Moldave),
Egils Levits (Letton)
Christos Yeraris (Grec) (juge ad hoc)

ainsi que de Michele de Salvia, greffier.

3. Résumé de l’arrêt

Grief

Le requérant se plaint d’avoir fait l’objet d’une surveillance secrète des services de renseignements grecs en raison de ses convictions religieuses. Il invoque les articles 8 (droit au respect de la vie privée), 9 (droit à la liberté de religion) et 11 (droit à la liberté d’association) de la Convention européenne des Droits de l’Homme, pris isolément ou combinés avec l’article 14 (interdiction de discrimination).

Décision de la Cour

La Cour prend acte de l’accord auquel ont abouti le Gouvernement et M. Tsavachidis et note qu’il donne satisfaction au requérant.

Elle rappelle que plusieurs litiges antérieurs l’ont conduite à se pencher sur des systèmes de surveillance secrète dans d’autres Etats que la Grèce et à vérifier, sous l’angle de l’article 8 de la Convention, l’existence de garanties adéquates et suffisantes contre les abus de tels systèmes. En outre, les affaires Kokkinakis c. Grèce et Manoussakis et autres c. Grèce - dont les faits se différenciaient cependant de ceux de la présente affaire - ont conduit la Cour à se prononcer, sous l’angle de l’article 9 de la Convention, sur l’application aux témoins de Jéhovah de la législation grecque pertinente. Par là même, elle a précisé la nature et l’étendue des obligations assumées dans ces domaines par les Etats contractants.

Partant, il échet de rayer l’affaire du rôle.

[paragraphes 21-25 des motifs et dispositif]

Les arrêts de la Cour sont disponibles sur son site Internet dès le jour de leur prononcé.

Le greffier rappelle que le règlement de la Cour le charge de répondre, dans les limites de la discrétion attachée à ses fonctions, aux demandes de renseignements concernant l’activité de la Cour, notamment à celles de la presse.

Greffe de la Cour européenne des Droits de l’Homme
F — 67075 Strasbourg Cedex
Contact : Roderick Liddell
Téléphone : (0)3 88 41 24 92 ; télécopieur : (0)3 88 41 27 91

 


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