Dictionnaire
PierLuigi Zoccatelli, in Jean Servier (sous la direction de),
Dictionnaire critique de l'ésotérisme, Presses Universitaires de France,
Paris 1998, pp. 287-288
Louis-Charles-Joseph Charbonneau-Lassay est né à Loudun le 18 janvier 1871. Apparu la première fois en 1087, le nom des Charbonneau est l'un des plus anciens et des plus illustres de la province du Poitou. Animé d'une profonde foi chrétienne dès sa prime jeunesse, il choisit d'entrer comme novice dans la congrégation des Frères de Saint Gabriel à la maison-mère de Saint-Laurent-sur-Sèvre, où il s'adonnera à l'étude de la patrologie. Après son année de noviciat, il est admis dans la congrégation et prend le nom de frère René ; à partir de ce moment, il commence sa carrière professionnelle en enseignant à Poitiers et à Moncoutant. Disciple de l'illustre savant local Moreau de la Ronde, Louis Charbonneau entreprend très tôt l'étude de l'archéologie, et quelques-uns de ses articles sur la préhistoire du Poitou sont soumis à la Société des antiquaires de l'Ouest, dont il fera partie en 1900 et dont le questeur, l'érudit jésuite Père Camille de la Croix, que Charbonneau remplacera dans la charge en 1912, influera sur sa formation de savant. Ses découvertes dans ce domaine lui valent, dans les années 1903-1905, une collaboration à la Revue de l'Ecole Nationale d'Anthropologie de Paris, ainsi que l'affiliation à la Société archéologique de Nantes. En 1903, en vertu de la loi de 1901, titre III sur les congrégations, soumises à autorisation parlamentaire, la congrégation des Frères de Saint Gabriel est dissoute, et Louis Charbonneau décide de reprendre l'état laïque. En raison de ses études, il est coopté la même année comme membre de l'Ordre Romain des Avocats de Saint-Pierre et il reçoit une médaille d'honneur de la Société Française d'Archéologie. Louis Charbonneau se consacre ensuite à l'activité scientifique, donnant plus de soixante-dix articles de sujets variés (préhistoire, archéologie celtique et gallo-romaine, numismatique, héraldique, folklore et légende) parus entre 1901 et 1925 dans la Revue du Bas-Poitou, dont il sera aussi le secrétaire à partir de 1913. Dès avant la Grande Guerre, Louis Charbonneau complète le travail qui le consacrera définitivement au niveau académique : l'Histoire des Châteaux de Loudun, où il organise et développe le matériel recueilli par Moreau de la Ronde. A la même époque il commence son activité de graveur, en inaugurant ainsi son habitude particulièrement originale d'associer à toute observation des images qu'il dessine et imprime lui-même. Parmi les personnes qui fréquentent la demeure de Louis Charbonneau-Lassay, nous trouvons des noms célèbres : le Père Félix Anizan (1877-1944), Olivier de Frémond (1850-1940), René Guénon (1886-1951), Georges-Auguste Thomas (1884-1966), Marcel Clavelle (1905-1986), Luc Benoist (1893-1980), ainsi qu'un personnage qui restera une énigme, Saï Taki Movi. Charbonneau le définit comme " un docte asiatique ", qui lui aurait fourni quelques explications concernant le symbolisme du swastika. De 1921 à 1929 dans la revue Regnabit, de 1929 à 1939 dans Le Rayonnement Intellectuel et en même temps par quelques études dans Atlantis, Le Voile d'Isis et Etudes Traditionnelles, Charbonneau concentrera ses efforts sur la partie la plus importante et profonde de son oeuvre, l'emblématique christique, qui sera complétée par son monumentale ouvrage : Le Bestiaire du Christ.
Regnabit paraît en juin 1921, sur l'initiative du Père Félix Anizan, oblat de Marie Immaculée, apôtre de la dévotion et de la doctrine du Sacré-Coeur, qui juge nécessaire de fonder une revue traitant ce thème. Sa collaboration commence en janvier 1922 ; le premier article, " Le Sacré-Coeur du Donjon de Chinon, attribué aux Chevaliers du Temple ", aura pour objet quelques graffiti retrouvés dans la forteresse de Chinon et attribués aux templiers emprisonnés. Ayant remplacé Paul Thomas à la direction de la Société du Rayonnement Intellectuel, Charbonneau deviendra également le directeur de la revue Le Rayonnement Intellectuel, qui représentera la partie la plus intellectuelle de Regnabit. La nouvelle publication vit le jour le second semestre de 1929. Le contact avec certaines confréries hermético-mystiques remontant à la fin du Moyen Age -- à savoir l'Estoile Internelle et la Fraternité des Chevaliers du Divin Paraclet -- a toujours suscité le plus grand intérêt autour de Charbonneau-Lassay. Comme il le dit lui-même à propos de l'Estoile Internelle, " ce groupement, absolument catholique orthodoxe, est strictement secret, et il existe encore avec les manuscrits originaux du XV siècle et ses écrits constitutifs et de doctrine mystique ". Pour faciliter ses recherches concernant le Bestiare, le " Major " de l'Estoile Internelle -- le chanoine Théophile Barbot (1841-1927) -- lui transmet les cahiers de ce groupe qui n'a jamais compté plus de douze membres ; en même temps, le chanoine lui confie l'investiture de la Fraternité du Paraclet et lui donne par acte le dépôt de cette confrérie secrète qui s'est perpetuée de la fondation -- entre 1500 et 1510 -- par Pierre Amelot, prêtre de Paris, aidé du maréchal de Gié, Pierre de Rohan, de soeur Anne de Gourdon-Genouillac, de Jacques Nyverd Maître Imprimeur à Paris et de Guillaume Briçonnet, évêque de Meaux. Correspondant des Beaux-Arts à partir de 1928, il fera classer et restaurer de nombreux édifices et monuments de sa région. En 1933, il épouse Hélène Ribière, qui mourra en 1943, peu avant la disparition de l'auteur, survenue le 26 décembre 1946. A la fin de sa vie, atteint par une maladie glandulaire incurable, Louis Charbonneau consacrera le reste de son énergie à tenter de parachever son oeuvre. Cependant le temps lui manqua, et ses études importantes sur l'emblématique christique restèrent à l'état de notes ou de fiches : le Floraire, le Lapidaire et le Vulnéraire ; des écrits d'histoire locale sur les corporations de métier et sur les rues de Loudun ; une série de légendes sur sainte Radegonde, reine et moniale ; la vie d'un saint loudunais, Alléaume, ainsi qu'un long article sur le Saint-Graal pour les Cahiers du Sud.
Histoire des Châteaux de Loudun, d'après les fouilles archéologiques de M. Moreau de la Ronde, L. Blanchard, Loudun 1915 ; Le Coeur rayonnant du donjon de Chinon attribué aux Templiers, Archè, Milan 1975 ; Le Bestiaire du Christ, Archè, Milan 1974 ; L'ésotérisme de quelques symboles géométriques chrétiens, Éditions Traditionnelles, Paris 1960 ; Études de symbolique Chrétienne, 2 vol., Gutenberg Reprints, Paris 1981-1986 ; Il Giardino del Cristo ferito, Arkeios, Rome 1995 ; Le Pietre Misteriose del Cristo, Arkeios, Rome 1997. Pour une bibliographie complète des écrits de Charbonneau-Lassay, se reporter à Stefano Salzani et PierLuigi Zoccatelli, Hermétisme et emblématique du Christ dans la vie et l'oeuvre de Louis Charbonneau-Lassay (1871-1946), Archè, Milan 1996.
|