Bulletin dhistoire des ésotérismes, dans Revue des Sciences philosophiques et théologiques, tome 84, n. 4, Octobre 2000, pp. 701-739 (ici pp. 730-731)Nous avons déjà signalé de PierLuigi Zoccatelli son édition, encore en cours, des oeuvres de Louis Charbonneau-Lassay, ainsi que ses travaux sur ce dernier. Avec deux nouveaux titres il continue ce travail : la publication des Écrits pour Regnabit [1] de René Guénon et Le lièvre qui rumine, autour de René Guénon, Louis Charbonneau-Lassay et la Fraternité du Paraclet [2] . Le premier de ce ces volumes collige l'ensemble des articles donnés par Guénon entre 1925 et 1927 à Regnabit, Revue universelle du Sacré-Coeur créée par le père Félix Anizan, OMI, dans le but de rendre à l'approche dévotionnèlle du Sacré-Coeur ses soubassements symboliques et doctrinaux [3] . Ces contributions, permises par l'entremise de Charbonneau-Lassay, se situent dans une période particulièrement féconde de la vie de leur auteur. Elles ne sont pas confessionnelles, mais entendent d'abord montrer l'accord de la tradition chrétienne avec la Tradition universelle dont Guénon à développé d'autres formes, particulièrement hindoues, dans ses ouvrages précédents. Ces écrits, que Guénon réutilisa en les transformant par la suite, sont ici donnés chronologiquement et dans leur forme originale, le propos de l'éditeur étant de permettre au chercheur " d'approfondir [...] les recherches doctrinales et historiques sur le texte aussi bien que sur le contexte " de " l'acception nouvelle prise par le mot "ésotérisme" sur la base [... des] travaux " (p. xii) de Guénon. Le deuxième ouvrage s'inscrit dans une perspective semblable (si semblable que des pans entiers de la brève introduction aux Écrits s'y retrouvent littéralement repris), puisque, principalement grâce à une correspondance jusque-là inédite entre Guénon et Charbonneau datant de la collaboration du premier à Regnabit, il entend montrer comment des catholiques ont entendu se rattacher à un groupement ésotérique catholique, la Fraternité du Paraclet, qui répondrait aux critères traditionnels posés par Guénon. À travers l'histoire récente de cette Fraternité (remontant peut-être au début du XVIe siècle, dans un milieu proche de celui du Groupe de Meaux), de son réveil en 1938 à sa mise en sommeil en 1951, se repèrent les difficultés que rencontrèrent des catholiques soucieux d'orthodoxie à concilier leur appartenance confessionnelle avec les perspectives guénoniennes essentiellement l'impression que Guénon était partisan d'une " super-religion " (p. 66) , le tout se redoublant des querelles internes à un milieu traditiónaliste où s'opposaient les tenants de Guénon et ceux de Schuon. Les divers document publiés permettent ainsi de mieux percevoir ce que pourrait être une fraternité ésotérique authentiquement catholique : insistance sur la pratique, y compris cultuelle; mise en avant des oeuvres de miséricorde corporelle et spirituelle; importance fondamentale de la pratique des vertus chrétiennes dans la " voie paraclétique " (p. 127). On relèvera aussi, dans une lettre de Guénon à Charbonneau-Lassay datant du 11 avril 1929, une notation qui ne pourra qu'intriguer ceux qui lisent l'oeuvre de Guénon de manière totalement synchronique : " Vous avez tout à fait raison de dire qú il est impossible, pour la symbolique, de ne pas tenir compte des groupements secrets [...]. Je comprends du reste très bien votre point de vue; le mien est beaucoup moins "théorique", assurément, mais, d'ailleurs, n'implique pas non plus pour cela le rattachement à un groupe quelconque, d'autant plus que cela est souvent bien inutile " (p. 60). D'un point de vue diachronique la date est importante, car, de fait, ce ne fut qu'à partir de 1931-1932 que Guénon insista le plus clairement sur la notion d'initiation et sur la nécessité, dans les conditions courantes, du rattachement; cela sans doute parce qu'il jugeait désormais que les religions, à elles seules, n'offraient plus un milieu suffisamment favorable au départ du développement des facultés vers l'intuition intellectuelle. Les différends quil eut avec le père Anizan sur le rapport de la tradition chrétienne avec les autres traditions et la Tradition primordiale, et qui conduisirent à son départ de Regnabit, ainsi que l'hostilité des milieux néo-thomistes, furent très certainement un facteur déterminant de l'évolution de l'exposé guénonien sur la question du rattachement. Ne serait-ce qu'à ce titre, les Écrits pour Regnabit et Le lièvre qui rumine sont des pièces importantes pour l'historien du traditionalisme guénonien.
[1] René Guénon, Écrits pour Regnabit, Revue universelle du Sacré-Coeur. Recueil posthume établi, présenté et annoté par PierLuigi Zoccatelli. Milan, Archè, Turin, N. Aragno (coll. " Au bonheir du chercheur "; 1), 1999; 15 x 23, xii-198 p., ISBN 88 7252 216 1. [Retour] [2] PierLuigi Zoccatelli, Le lièvre qui rumine, autour de René Guénon, Louis Charbonneau-Lassay et la Fraternité du Paraclet. Avec des documents inédits. Milan, Archè (coll. " Archives "; 5), 1999; 18 x 25, 147 p. [Retour] [3] Nous nous permettons de signaler ici la parution de : Marikka Devoucoux, L'oeuvre de Dieu en Marie des Vallées. Paris, F.-X. de Guibert, Paris, 2000; 16 x 24, 400 p., 170 F., ISBN 2-86839-552-X, qui constitue certainement aujourd'hui le travail le plus complet et le plus documenté sur cette mystique du Sacré-Coeur à laquelle s'intéressa Émile Dermenghem dont on sait aussi l'intérêt pour la mystique musulmane et l'ésotérisme. [Retour] |
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