1. À un demi-siècle de Pour qu’Il règne
Jean Ousset
(1914-1994) |
L’année 2009 a marqué le cinquantenaire de l’édition de 1959 de Pour qu’Il règne de Jean Ousset (1914-1994)[1], l’ouvrage le plus significatif produit en France par l’école catholique contre-révolutionnaire au XXe siècle. Le fait que l’année soit celle-là même de la première publication au Brésil de Révolution et Contre-Révolution, le classique de l’école contre-révolutionnaire qui a pour auteur Plinio Corrêa de Oliveira (1908-1995)[2], n’est qu’une simple coïncidence, qui pourtant ne laisse pas d’être frappante.
Pour qu’Il règne a été un ouvrage décisif pour plusieurs générations, et pas seulement en France. Ce livre n’a jamais été traduit en Italie, tant en raison — vraisemblablement — de son épaisseur matérielle (la première édition compte plus de neuf cents pages), qu’en raison des choix d’Alleanza Cattolica, la principale organisation italienne à s’être inspirée de l’école contre-révolutionnaire, choix qui ont eu d’importantes répercussions à ce sujet. Son fondateur, Giovanni Cantoni, connaît et estime Ousset et Pour qu’Il règne. Mais, devant choisir un manuel de référence pour son association, il décide de privilégier Révolution et Contre-Révolution de Corrêa de Oliveira. Ce dernier livre est bref et résume la doctrine contre-révolutionnaire sous la forme de thèses. La luxuriante richesse de Pour qu’Il règne non seulement en fait un instrument moins maniable, mais, en accompagnant chaque thèse de multiples références historiques, court le risque de rester liée à une certaine étape de développement de l’historiographie, donc, de ce point de vue, de vieillir fatalement. Ainsi, pour se limiter à deux exemples, le jugement sur la culpabilité des Templiers dans les procès voulus par le roi de France Philippe IV le Bel (1268-1314), culpabilité qu’Ousset juge vraisemblable, et l’emploi comme sources réputées autorisées en matière d’organisations maçonniques et ésotériques des livres du journaliste français Jean Marquès-Rivière (1903-2000), apparaissent, à la lumière des acquis historiographiques postérieurs à 1959, largement dépassés.
Le nom d’Ousset reste donc peu connu en Italie, bien qu’un certain nombre d’Italiens membres d’Alleanza Cattolica entrent en contact avec lui dans les années 1970. Durant cette décennie, les congrès de Lausanne, dont Ousset a été pendant longtemps le principal animateur, constituent un rendez-vous important pour les membres d’Alleanza Cattolica. C’est précisément dans ce cadre qu’ils rencontrent des personnalités proches d’Ousset, personnalités dont les livres vont jouer durablement un rôle important dans leur formation, et parmi lesquelles on peut citer le philosophe français Gustave Thibon (1903-2001) et le philosophe belge Marcel De Corte (1905-1994). Pour qu’Il règne lui-même et les écrits d’Ousset sur la doctrine de l’action — publiés à part après la première édition — sont lus, et souvent relus, par les membres et les dirigeants de la première heure d’Alleanza Cattolica. Parfois, des chapitres de Pour qu’Il règne sont utilisés comme canevas pour les réunions hebdomadaires de l’association. De Pour qu’Il règne Alleanza Cattolica non seulement tire des idées importantes, mais aussi des formules et tournures de langage qui sont restées dans l’association jusqu’à nos jours.
Évoquer et rappeler Ousset cinquante ans après la parution de Pour qu’Il règne n’est donc pas seulement un devoir de mémoire, c’est aussi une façon de réfléchir sur l’histoire et sur la nature d’Alleanza Cattolica. Dans cette intervention, après quelques brefs mais nécessaires aperçus sur le développement et les difficultés de l’école contre-révolutionnaire en France, je me propose de fournir des éléments biographiques sur Jean Ousset, de livrer quelques réflexions sur la situation en 1959 de l’organisation fondée par lui— au lendemain des événements d’Algérie de 1958, décisifs à bien des égards —, de parler des thèmes fondamentaux — dont beaucoup sont aujourd’hui encore actuels et valables — de Pour qu’Il règne, enfin de revenir sur les vicissitudes connues par l’auteur de ce livre après l’année 1959.
2. L’école contre-révolutionnaire en France
Cette intervention n’offre assurément pas le cadre idoine pour écrire une histoire, fût-elle sommaire, de l’école contre-révolutionnaire en France, le pays où ce courant de pensée — il n’est pas exagéré de le dire — a connu ses développements les plus riches et les plus complexes. Si Joseph de Maistre (1753-1821), sous de nombreux aspects le fondateur de l’école, ne s’est jamais considéré comme français mais comme savoyard — il est né à Chambéry, est mort à Turin, a été fonctionnaire et diplomate du roi de Sardaigne —, il n’en est pas moins vrai qu’il écrivait en français, et que français était son correspondant privilégié, Louis de Bonald (1754-1840). Français sont aussi bon nombre — mais non pas tous — les représentants de la deuxième génération, celle qui, selon Cantoni, fait passer la Contre-Révolution d’une patristique à une scolastique[3] : Mgr Jean-Joseph Gaume (1802-1879), Antoine Blanc de Saint-Bonnet (1815-1880), le cardinal Louis-Édouard Pie (1815-1880), non moins que — mais peut-être faut-il parler ici de troisième génération — Mgr Henri Delassus (1836-1921), auquel il faut ajouter le père Paul Benoit (1850-1915), des Chanoines Réguliers de l’Immaculée Conception, d’ailleurs moins connu en France parce qu’il a passé l’essentiel de sa vie au Canada. On peut encore mentionner le plus célèbre divulgateur journalistique de leurs thèses, Louis Veuillot (1813-1883), et cette partie des catholiques sociaux, disciples de Frédéric Le Play (1806-1882), qui tient largement compte des thèses contre-révolutionnaires, partie guidée par René de la Tour du Pin (1834-1924) et par Albert de Mun (1841-1914), à leur tour influents sur la pensée et l’action d’Henri V, comte de Chambord (1820-1883), qui peut être rangé de plein droit dans l’école contre-révolutionnaire. Enfin, il ne faut pas oublier l’influence exercée par des auteurs de la Contre-Révolution sur des milieux bénédictins — et vice versa —, à commencer par l’abbé du monastère de Solesmes, dom Prosper Guéranger (1805-1875).
En France, toutefois, l’école contre-révolutionnaire doit aussi faire face à une série de crises graves. Outre l’abandon, entre la fin des années 1820 et le début de la décennie suivante, d’abord des idées contre-révolutionnaires puis de l’Eglise catholique elle-même, de la part du prêtre Félicité de Lamennais (1782-1854), en qui beaucoup avaient placé de grands espoirs, un signe avant-coureur des crises postérieures plus graves se vérifie en 1853 autour d’une thèse de Mgr Gaume, lequel estime que les auteurs classiques païens, grecs et latins, occupent une place excessive dans la formation du clergé et des jeunes catholiques en général. Cette thèse est exposée avec une vigueur parfois outrancière, et l’on ne se souvient souvent de Mgr Gaume que pour son rôle dans cette « querelle des classiques », à laquelle met fin le Pape (et bienheureux) Pie IX (1846-1878) par l’encyclique Inter multiplices[4] de 1853, dans laquelle il conseille d’étudier ensemble, et avec les précautions d’usage, les classiques chrétiens et les classiques païens. Mais la querelle offre l’occasion à l’aile prolibérale de l’épiscopat français d’employer quelques intempérances de Mgr Gaume afin de remettre en cause l’ensemble de son œuvre — qui ne traite pas seulement des classiques et résume souvent de manière admirable les thèses de l’école contre-révolutionnaire — et de frapper les catholiques les plus fidèles au Pape.
On arrive carrément à l’interdiction de lecture pour les religieux et les prêtres de l’archidiocèse de Paris prononcée le 17 février 1853 par l’archevêque de Paris, Mgr Marie-Dominique Auguste Sibour (1792-1857), contre le journal de Veuillot, L’Univers, qui a ouvert ses colonnes à Mgr Gaume. Mais Rome intervient dans cette affaire pour que la sanction contre L’Univers soit levée et multiplie les preuves d’estime envers Mgr Gaume et Veuillot[5]. Le schéma semble déjà habituel : plusieurs évêques français « progressistes » — mais le mot n’existe pas encore — et « gallicans » — donc partisans d’une large autonomie de l’Église de France par rapport au Saint-Siège — se rangent dans le camp hostile aux contre-révolutionnaires « ultramontains », ceux qui depuis la France regardent « au-delà des montagnes », vers l’Italie et vers le Pape.
Les crises à venir seront plus graves, puisque au moins une partie des contre-révolutionnaires aura du mal à accepter des décisions venant du Pape lui-même. C’est le cas du Ralliement, l’« adhésion » à la République voulue en 1892 par le Pape Léon XIII (1878-1903), qui par l’encyclique Au milieu des sollicitudes[6] incite les catholiques français, dans leur grande majorité monarchistes, à collaborer loyalement avec les institutions républicaines pourvu que soient sauvegardés certains principes fondamentaux en matière, notamment, de liberté d’éducation. C’est encore le cas de la décision du Pape Pie XI (1922-1939) de rendre publique en 1926 la condamnation de l’Action française, le mouvement monarchiste, condamnation que le Saint-Office avait prononcée en 1914 par un décret que le Pape saint Pie X (1903-1914) avait confirmé mais dont il avait ordonné qu’il ne fût pas publié pour des raisons d’opportunité.
1892 et 1926 représentent deux ruptures qui divisent aussi, en France, les catholiques les plus fidèles au Pape — par exemple, en 1892 La Tour du Pin refuse le Ralliement alors que de Mun l’accepte —, déchirent les familles et constituent deux passages traumatiques sans lesquels on ne s’explique pas toutes les vicissitudes connues ensuite par le monde catholique conservateur et traditionaliste français, jusqu’au cas de Mgr Marcel Lefebvre (1905-1991)[7]. Le Ralliement a, sans nul doute, des conséquences négatives sur le plan historique et politique. Contrairement aux attentes du Pape Léon XIII, il ne modère pas la République, qui accélère au contraire sa dérive laïciste et anticléricale, jusqu’aux excès fanatiques du président du Conseil Émile Combes (1835-1921), tandis qu’au sein de l’Église certains catholiques ralliés passent de l’acceptation du système républicain à celui des principes inspirateurs de la Révolution française, provoquant ainsi la condamnation, en 1910, par le Pape saint Pie X du mouvement du Sillon, fondé par Marc Sangnier (1873-1950).
Cependant, on ne saurait éviter de dire que le Ralliement est aussi le produit d’une question dynastique devenue insoluble. Pendant une grande partie du XIXe siècle, les contre-révolutionnaires et le Saint-Siège avaient soutenu la branche aînée des Bourbons de France, représentée par un contre-révolutionnaire convaincu et cohérent comme Henri V, alors que la branche cadette des Orléans avait été le symbole même d’une monarchie révolutionnaire, froide envers l’Église et philomaçonnique. La branche aînée s’éteignit en 1883 avec la mort d’Henri V, qui n’avait pas eu de fils. La grande majorité des monarchistes reconnut, sans enthousiasme, les Orléans comme nouveaux prétendants légitimes au trône de France. Certes, il y a bien ceux que l’on appelle les « Blancs d’Espagne », monarchistes qui rejettent la succession orléaniste et estiment que les héritiers légitimes d’Henri V sont les Bourbons d’Espagne de la branche dite « carliste ». Bien qu’ils réussissent à produire des ouvrages raffinés qui justifient leurs prétentions du point de vue du droit dynastique français, les « Blancs d’Espagne » restent une petite minorité, une « chapelle insignifiante[8] » selon les termes mêmes d’un de leurs principaux représentants au XXe siècle, l’historien Guy Augé (1938-1994). Leur courant ne retrouvera une certaine importance, pour toute une série de circonstances, qu’après la Seconde Guerre mondiale (1939-1945). Ainsi donc, entre des orléanistes en odeur de maçonnerie et des « Blancs d’Espagne » politiquement insignifiants, le pape Léon XIII, neuf ans après la mort d’Henri V, arrive à la conclusion qu’aucune des deux alternatives n’est praticable, rappelle la doctrine traditionnelle selon laquelle la doctrine sociale de l’Église n’est liée, en elle-même, à aucune forme de gouvernement et choisit le Ralliement à la République.
Il faut également tenir compte de ces problématiques dynastiques en ce qui concerne la seconde grande crise évoquée, celle de 1926, relative à l’Action française. En effet, celle-ci est orléaniste ou, plus exactement, « fusionniste », pour reprendre une expression qui allait être employée ensuite aux États-Unis pour désigner la collaboration entre les différentes familles de la droite politique, mais qui apparaît à la mort d’Henri V pour désigner une réconciliation entre orléanistes et anti-orléanistes. Elle a de toute façon comme résultat la reconnaissance du chef de la maison d’Orléans comme prétendant légitime au trône de France. Les vieilles familles légitimistes — qui sont souvent « blanches d’Espagne », ou en tout cas non orléanistes — ne se rangent pas du côté de l’Action française, et leur hostilité est un facteur dont on ne peut pas ne pas tenir compte lorsqu’on étudie la genèse des événements de 1926. Une autre difficulté tient au fait que, si la grande majorité des militants de l’Action française est catholique, les racines du mouvement, elles, sont étrangères à l’Église. Le leader, Charles Maurras (1868-1952), s’il s’est converti — sur ce point, doutes et polémiques persistent —, ne l’a fait que sur son lit de mort.
Dans la naissance de l’Action française entre aussi un élément crucial dérivant de la polémique nationaliste et antisémite postérieure à la condamnation contestée pour espionnage, en 1894, du capitaine d’origine juive Alfred Dreyfus (1859-1935). Quelques-unes des « droites » qui s’opposent à la révision du procès Dreyfus ne sont pas d’origine catholique. Le champion même de l’antidreyfusisme, le journaliste Édouard Drumont (1844-1917), ne provient pas du catholicisme et professe de nombreuses idées étrangères à la tradition contre-révolutionnaire[9], bien que, durant sa vie longue et, du point de vue religieux, tourmentée, il se soit converti — sincèrement, selon la défense passionnée de Drumont due à l’écrivain catholique Georges Bernanos (1888-1948)[10] —, avant d’abandonner de nouveau l’Église dans ses dernières années.
Il faut par ailleurs distinguer entre les raisons doctrinalement impeccables de la condamnation de l’Action française par le Saint-Siège, la manipulation de cette condamnation par un certain catholicisme progressiste — qui la présente comme une répudiation pontificale de la cause monarchiste elle-même — et la dure application des sanctions par un clergé qui en arrive à refuser le mariage catholique et la sépulture en terre consacrée à de simples sympathisants du mouvement de Maurras[11]. De nouveaux et très graves déchirements s’ensuivent, y compris — et pour la seconde fois, après le Ralliement — au sein même de groupes d’amis et de certaines familles.
3. Jean Ousset: du « Groupe de Montalzat » à la Cité catholique
Jean Ousset
au temps du « Groupe de Montalzat »
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Jean Ousset naît à Oporto, au Portugal, le 28 juillet 1914, dans une famille catholique et monarchiste qui soutient l’Action française. Son père, un ingénieur dont la profession l’oblige à vivre à Paris, estime que l’air de la capitale est peu propice à un garçon de santé fragile et confie celui-ci à ses grands-parents maternels, des paysans qui vivent au village de Montalzat, dans le Quercy caussadais, non loin de Montauban. De cette éducation Ousset gardera toujours un amour de la culture rurale et de la « France profonde ». Adolescent, il fréquente plusieurs collèges ; dans l’un d’eux, celui des Dominicains d’Arcachon, il fait la connaissance de Jean Masson (1910-1965), qui l’accompagnera dans bon nombre de ses aventures. L’attirance d’Ousset pour l’école est faible : il ne passe pas son baccalauréat, préfère étudier l’art et le dessin, travaillant entre-temps comme artisan. Après le service militaire d’Ousset, qui a traversé une période d’abandon de la pratique catholique, Masson le présente à dom Jean Choulot (1905-1991), le curé de Montalzat, qui a pris résolument parti pour l’Action française et qui a réuni dans son presbytère une importante documentation sur l’école contre-révolutionnaire. Le « Groupe de Montalzat », constitué en 1934, est aux origines de toutes les initiatives postérieures d’Ousset, dont le catholicisme, à l’époque, reste cependant encore tiède.
Dans les années qui suivent, Ousset reprend des études, une fois de plus irrégulières, exerce plusieurs métiers et participe avec plus de conviction aux activités de l’Action française. Le 7 mai 1939, il lit à Bordeaux, devant un auditoire où figure Maurras, un texte sur le thème « L’Action française, école de vérité ». Le lendemain, Maurras exprime dans le quotidien du mouvement son enthousiasme pour les qualités de son jeune disciple, dont le journal, le 9 mai, révèle le nom : Jean Ousset. Ce dernier s’en va trouver Maurras à Paris et lui soumet son projet d’une école doctrinale pour l’Action française. Maurras lui répond que, comme l’indique son nom, l’Action française part de l’action, non des idées. « Toutefois — ajoute Maurras — si vous cherchez une doctrine, soyez certain qu’il n’y a de doctrine vraie que catholique. Si donc vous êtes catholique, ne le soyez pas à moitié ![12] » La connaissance de Maurras et la rencontre de Paris changent la vie d’Ousset, qui pourtant ne deviendra jamais — comme le veut une légende colportée par différents textes — le « secrétaire de Maurras[13] ». Avec Masson — un catholique qui vient de la démocratie chrétienne — Ousset décide de consacrer sa vie à la royauté sociale de Jésus-Christ, par un vœu solennel qu’il prononce avec un groupe d’amis devant une statue de la Vierge, à Montalzat, le 15 août 1939.
Jean Ousset
étudiant
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La guerre disperse ce premier embryon d’association. Brillant sous-officier, Ousset est décoré de la croix de guerre, est fait prisonnier alors qu’il combat devant la maison natale de sainte Jeanne d’Arc (1412-1431) à Domrémy, avant d’être libéré en 1942. Durant sa détention, il est frappé par l’efficacité des prisonniers communistes pour argumenter et convaincre. Fervent anticommuniste, Ousset en conclut que si la droite et les catholiques disposent d’une supériorité incontestable sur le plan des idées, les communistes sont plus efficaces quant à la propagande et à l’action. Une fois libéré, Ousset adhère avec conviction — plus tard, il estimera n’avoir pas à s’en excuser — au régime de Vichy du maréchal Philippe Pétain (1856-1951), devenant le principal animateur des journaux du mouvement de jeunesse Jeune Légion qui le soutient, à savoir d’abord Jeune Légion (1942-1943), puis Bastions (1943-1944). Mais on peut difficilement considérer Ousset comme un « collaborateur », étant donné son hostilité déclarée au nazisme. D’ailleurs, il ne fera pas l’objet de poursuites après la Libération, contrairement à de nombreux partisans du régime de Vichy.
C’est sous la forme de suppléments à Bastions que paraissent les deux premières brochures d’Ousset, dans lesquelles il y a déjà beaucoup de sa pensée à venir : Fondements d’une doctrine[14] et Histoire et génie de la France[15]. Dans la première, il présente le cœur même du combat des idées comme l’affrontement entre le réalisme, pour lequel la vérité existe et qui estime que la raison peut la connaître, et le « subjectivisme[16] », dans le cadre duquel « [...] le respect de l’objet n’existe pratiquement plus[17] » et où la pensée est appréciée, non pour son accord avec la réalité, mais pourvu qu’elle soit « en accord avec la conscience, avec le cœur, etc.[18] ». Cette première brochure a un ton expressément philosophique. Mais l’auteur est conscient du fait que la philosophie, à elle seule, risque de rester abstruse. Dans la seconde brochure, il tente d’illustrer la dimension concrète de la lutte entre la bonne philosophie et la mauvaise, à l’œuvre dans l’histoire de France. Mais Ousset avait aussi annoncé dès la première une série d’opuscules à venir sur les origines de la civilisation chrétienne, le Moyen Age, la Renaissance, l’Ancien Régime, la Révolution française, les XIXe et XXe siècles, ainsi que sur la politique, le travail, la famille et la province[19]. Ce projet restera inachevé à cause de la guerre.
Une fois la guerre terminée, Ousset éprouve certaines difficultés à trouver sa voie. Sur le plan politique, il participe à l’expérience initiale du Mouvement fédéraliste français, la Fédération, qui voit la collaboration entre une droite corporatiste et une gauche qui s’inspire des idées de Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865), par lequel Ousset est temporairement séduit. Collaborent aussi à la revue du Mouvement fédéraliste le philosophe belge déjà cité De Corte et l’économiste catholique Louis Salleron (1905-1989), avec lesquels Ousset noue une amitié qui sera longue. Mais pour lui la rencontre décisive de ces années est celle qu’il fait — par l’entremise, une fois de plus, de son ami Masson — avec le père Francisco de Paula Vallet C.P.C.R. (1884-1947), fondateur des Coopérateurs Paroissiaux du Christ-Roi et infatigable prêcheur des Exercices Spirituels de saint Ignace de Loyola (1491 ca.-1556), ramenés par lui de trente à cinq jours pour répondre aux exigences des laïcs du XXe siècle[20]. La rencontre va donner lieu à une véritable symbiose entre Ousset et le centre des Coopérateurs Paroissiaux que Vallet a établi en France, à Chabeuil près de Valence, et par lequel passeront des milliers de croyants formés aux Exercices. En effet, le père Vallet entend les Exercices pour les laïcs comme une école non seulement de spiritualité mais aussi d’engagement civique et, au sens large, politique, en vue de la restauration de la royauté sociale de Jésus-Christ. En outre, il s’inspire ouvertement de l’école contre-révolutionnaire.
L’expérience de Chabeuil est cruciale aussi bien pour Ousset, dont elle précise la vocation, que pour Masson, qui abandonne ses idées démocrates-chrétiennes. Le 29 juillet 1946, les deux amis fondent, d’abord devant le Sacré Cœur de Jésus dans la basilique de Montmartre, puis devant la Vierge dans la chapelle de la rue du Bac, sur le lieu des apparitions de 1830 à sainte Catherine Labouré (1806-1876), le CECS, le Centre d’études critiques et de synthèse, qui se place clairement — comme l’écrit Masson — sur « le plan […] de la Contre-Révolution catholique[21] » et commence à en redécouvrir, péniblement au début, toute l’histoire ainsi que la tradition. « Contrairement à une idée reçue, ce n’est pas Ousset mais Jean Masson qui en prend la direction[22] » ; Ousset lui-même a d’ailleurs dit de Masson, de façon lapidaire, qu’il avait été « le fondateur de la “Cité catholique”[23] ». Ousset et Masson s’installent à Salon-de-Provence, où la famille de Masson possède une imprimerie. Ils y fabriquent un bulletin, qui prend le titre de Verbe à partir de son troisième numéro. Initialement, tous les articles sont anonymes et les noms des censeurs ecclésiastiques ne sont pas communiqués, même s’il est fait état de leur existence. Dans les milieux catholiques, on sait qu’il s’agit des bénédictins de Solesmes. Mais puisque le bruit court que les articles sont écrits par les religieux eux-mêmes, ceux-ci prient Ousset et ses collaborateurs de commencer à signer les articles paraissant dans Verbe.
Autoportrait
de Jean Ousset en 1940 |
Le succès n’est pas foudroyant, mais des petits groupes voient le jour dans différentes régions de la France. Ousset décide de se transférer à Paris, où le CECS qu’il a fondé s’est développé grâce à l’action du marquis Amédée d’Andigné (1900-1993) — qui peut être considéré, d’un certain point de vue, comme « l’un des trois fondateurs du groupement[24] » — et s’est initialement installé dans les locaux de la revue théologique et culturelle conservatrice La Pensée catholique. Cahiers de synthèse, fondée à Paris en 1946 par dom Luc Lefèvre [Lucien Joseph Lefèvre (1895-1987)], par le chanoine Henri Lusseau (1896-1973), par dom Victor Berto (1900-1968) et par dom Alphonse Roul (1901-1969)[25], dont l’influence sur Ousset et son cercle d’amis est particulièrement importante. En 1949, le CECS organise à Saint-Étienne son premier congrès national, pendant lequel il change de nom, devenant la Cité catholique[26]. Une vingtaine de personnes seulement participent à ce premier congrès. Ce nombre, cependant, va augmenter lentement mais sûrement : soixante participants au congrès de Bordeaux en 1950, cent à Marseille en 1951, cent cinquante à Dijon en 1953. Le congrès de Nantes, prévu pour l’année 1952, est annulé à cause de l’opposition de l’évêque du lieu ; mais d’autres prélats expriment leur soutien et leur sympathie. Parmi eux se distinguent Mgr Pierre-Marie Théas (1894-1977), évêque de Tarbes et Lourdes, qui aide la Cité catholique en sa qualité de « grand intime de Pie XII[27] », Mgr Louis-Augustin Marmottin (1875-1960), archevêque de Reims, et Mgr Henri-Alexandre Chappoulie (1901-1959), évêque d’Angers et prélat particulièrement engagé dans la préservation de la mémoire des insurgés vendéens qui prirent les armes contre la Révolution française.
Grâce au réseau de contacts internationaux des bénédictins de Solesmes — en particulier grâce à dom Georges Frénaud (1903-1967), qui sera prieur du monastère de 1961 à 1967 — Ousset et Masson entrent en rapport avec plusieurs évêques étrangers, avec lesquels ils garderont des relations pendant de nombreuses années : Mgr Marcel Lefebvre, alors archevêque de Dakar et qui avait été compagnon d’études de dom Frénaud au Séminaire français de Rome, Mgr Antonio de Castro Mayer (1904-1991), évêque de Campos, dans l’État de São Paulo, au Brésil, et Mgr Geraldo de Proença Sigaud S.V.D. (1909-1999), évêque — lui aussi au Brésil — de Jacarezinho, dans l’État de Paraná, puis à partir de 1960 de Diamantina, dans l’État de Minas Gerais[28].
La Cité catholique agit selon un nouveau type d’organisation : les « cellules », qui se réunissent dans des cercles d’étude et qui peuvent naître spontanément — l’un des mots d’ordre d’Ousset c’est qu’il « ne saurait exister de “cellule officielle”[29] » —, se contentant d’informer le centre de Paris de leur existence. Les articles de la revue partent du Magistère social des Papes et les cellules de la Cité catholique parviennent à réaliser un authentique « fusionnisme », mettant d’accord à l’enseigne des principes de la Contre-Révolution «les courants catholiques maurrassiens et les courants catholiques intransigeants[30] », qui s’étaient déchirés à propos de la condamnation de l’Action française et des questions dynastiques, ainsi que des catholiques favorables et hostiles au Ralliement du Pape Léon XIII. En effet, si Ousset vient de l’Action française, les noms des premiers dirigeants de la Cité catholique et des invités d’honneur à ses congrès sont souvent ceux de familles possédant une longue tradition « blanche d’Espagne », anti-orléaniste et hostile à l’Action française : depuis les d’Andigné jusqu’aux de Cathelineau, descendants du chef militaire vendéen Jacques Cathelineau (1759-1793), mort en odeur de sainteté, et de son fils Jacques-Joseph de Cathelineau (1787-1832), tué par la police orléaniste durant l’insurrection légitimiste de la mère d’Henri V, Marie-Caroline duchesse de Berry (1798-1870). Le capitaine Gérard de Cathelineau (1921-1957), qui sera tué au combat pendant la guerre d’Algérie, participe avec enthousiasme aux activités de la Cité catholique d’Ousset, où il rencontre d’ailleurs de nombreux monarchistes aux sympathies orléanistes et même quelques républicains. La Cité catholique encourage en effet à mettre entre parenthèses les préférences dynastiques et de régime, et à repartir systématiquement des principes et du Magistère de l’Église.
Au congrès d’Angers de 1954 — qui rassemble trois cents participants — pour la première fois est présent un évêque, Mgr Chappoulie, déjà mentionné. Il inaugure ainsi une règle — la présence de l’évêque ordinaire aux congrès de la Cité catholique — qui sera souvent respectée dans les années suivantes. L’installation de Masson lui aussi a Paris en 1952, l’ouverture en 1955 des bureaux de la rue Copernic — en 1964, le siège sera transféré rue des Renaudes, où se trouvent aujourd’hui encore les héritiers de la Cité catholique —, les relations avec le cardinal. Alfredo Ottaviani (1890-1979), qui assure depuis Rome un appui explicite, la naissance de groupes en Afrique, en Espagne, en Argentine, Uruguay, Chili, Pérou, Mexique et Brésil, et l’édition en langue espagnole de Verbe, Verbo, sont autant de signes de la consolidation de la Cité catholique, qui semble être à son apogée aux environs de 1957. En 1958, toutefois, une crise comparable à celles du Ralliement et de la publication de la condamnation de l’Action française s’abat, depuis l’Algérie, sur l’organisation fondée par Ousset et Masson ainsi que sur le monde catholique français.
Jean Ousset
et Jean Masson (à droite) en compagnie de Gérard Dubois à Dakar en
1957
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4. La crise algérienne (1958)
Le « putsch d’Alger » du 13 mai 1958 symbolise le contexte proche des événements externes et internes à la Cité catholique qui conduisent à la publication ainsi qu’à la diffusion et à la promotion, sur une grande échelle, de Pour qu’Il règne, en 1959. La Cité catholique est une organisation d’une grande originalité, qui se proclame œuvre auxiliaire — je reviendrai sur ce point —, qui a vocation à aider et à dynamiser, non à remplacer, les organisations existantes, et ce en en formant les dirigeants. Ses cellules ne se réunissent pas seulement selon des critères géographiques, mais aussi professionnels : il y a des cellules pour les agriculteurs, pour les étudiants et ainsi de suite. Les idées d’Ousset rencontrent un succès particulier au sein de l’armée française ainsi que des services secrets, intéressés par ses réflexions sur la « guerre révolutionnaire », à un moment où l’on parle beaucoup de désinformation et de « guerre psychologique ». Mais Ousset critique et rejette cette dernière expression, qui aurait « [...] un contenu matérialiste. Il évoque la lutte entre des idées ou des sentiments considérés seulement comme des forces (supposées d’origine physiologique) qu’on manierait à sa guise, sans aucune référence à leur contenu, à leur valeur intrinsèque. Nous préférons, malgré notre répugnance à l’employer, le terme de “guerre idéologique”[31] ».
Bien que le rôle des cellules de la Cité catholique dans les milieux militaires ne doive pas, à l’inverse, être surestimé, le fait est que de nombreux officiers et mêmes quelques généraux participent aussi bien à des cellules qu’à des réunions informelles avec Ousset, tant en France métropolitaine qu’en Algérie. Dans ces derniers départements, une véritable guerre est menée depuis 1954 contre les indépendantistes du FLN. Ousset voit dans celui-ci le fruit empoisonné de l’alliance entre islam et communisme et, à la différence des milieux catholiques progressistes — qui sont en majorité anticolonialistes et favorables à l’indépendance de l’Algérie —, considère la guerre contre les indépendantistes non seulement comme moralement justifiée mais comme indispensable en tant que combat pour la défense de la civilisation chrétienne.
Les événements se précipitent avec le « putsch d’Alger » le 13 mai 1958 : ce jour-là, des colons hostiles à l’indépendance de l’Algérie prennent d’assaut la résidence du Gouverneur général à Alger. Les insurgés destituent le gouverneur Robert Lacoste (1898-1989), socialiste, et le remplacent par un Comité de salut public qui commence à transporter des insurgés et des troupes en Corse, étape évidente pour un passage en France métropolitaine. Les responsables du Comité de salut public à Alger, les généraux Jacques Massu (1908-2002) et Raoul Salan (1899-1984), font appel au général Charles de Gaulle (1890-1970), comme à la seule personnalité capable de reprendre le contrôle de la situation. Le 29 mai, le président du Conseil René Coty (1882-1962), pour éviter un coup d’État, charge de Gaulle de former un gouvernement, lequel obtient la confiance du Parlement le 1er juin. Mais le général n’accepte la présidence du Conseil qu’après qu’on lui a assuré qu’il pourra présenter à la France son projet de transformation de la République — depuis un régime parlementaire vers un régime présidentiel —, à travers une nouvelle Constitution. Celle-ci, soumise à un référendum populaire, est approuvée le 28 septembre. En novembre, de Gaulle est élu premier président de la nouvelle république présidentielle française, la Vème République.
Mais ce qui apparaît comme la victoire des insurgés du 13 mai en Algérie est aussi leur défaite. De Gaulle estime en effet — même s’il évite de le dire pendant plusieurs mois — que la guerre contre le FLN en Algérie ne peut pas être gagnée sur le plan militaire. En 1959, il entame des tractations avec le FLN qui conduiront, en 1962, à l’indépendance de l’Algérie. Contre ce qui est perçu comme la « trahison » du général de Gaulle, une partie des protagonistes du 13 mai 1958 forment en 1961 l’OAS, l’Organisation Armée Secrète, qui entend défendre l’Algérie française par tous les moyens et qui se livre donc, elle aussi, à des attentats terroristes. Indépendamment de l’OAS, en 1962 le lieutenant-colonel de l’armée de l’air Jean-Marie Bastien-Thiry (1927-1963) organise l’attentat du Petit-Clamart contre de Gaulle. L’attentat échoue et Bastien-Thiry est arrêté, condamné et fusillé[32]. Á partir de 1958, une fraction importante de la presse française attribue à la Cité catholique et à Ousset une influence décisive sur les événements du 13 mai et sur les formes de résistance qui suivirent contre l’indépendance de l’Algérie.
Qu’en est-il exactement ? Ousset est en effet à Alger le 13 mai 1958 : il séjourne dans la capitale algérienne « du 12 au 20 mai 1958 environ[33] ». La Cité catholique n’a pas, en toute rigueur de termes, de membres « officiels » et — comme Ousset le précisera dans Pour qu’Il règne — n’importe qui peut fonder une cellule en se servant pour la formation de la revue Verbe : « il suffit seulement de tenir au courant la Direction[34] » de Paris. Parmi les protagonistes de la journée du 13 mai, il y a certainement des personnes qui lisent Verbe, qui participent à des cellules de la Cité catholique ou bien qui ont eu des contacts avec Ousset. En particulier, il faut mentionner le général de l’armée de l’air Lionel Max Chassin (1902-1970)[35], fondateur du MP13, le Mouvement Populaire du 13 mai, autour duquel se rassemble l’une des composantes catholiques de l’anti-indépendantisme. Mais non pas la seule : il faut aussi tenir compte du CESPS, le Centre d’études supérieures de psychologie sociale, du converti au catholicisme Georges Sauge, lequel à son tour « connaît Ousset, approuve le combat qu’il mène, lui manifeste sa sympathie[36] », même s’il « n’appartient pas à une cellule[37] » de la Cité catholique.
À Chassin succède à la tête du MP13 le viticulteur Robert Martel (1921-1997), surnommé « le chouan de la Mitidja», du nom de la plaine algérienne où Martel possède des vignes. Un mandat d’arrêt sera lancé contre lui en 1960. Martel sera incarcéré, tout comme ses principaux collaborateurs du MP13, dont le journaliste et ancien membre des services français de contre-espionnage Pierre Faillant de Villemarest (1922-2008)[38]. Martel ne semble pas avoir participé à des réunions de cellules de la Cité catholique, mais l’influence d’Ousset et de Verbe sur toute son activité est évidente[39]. Quant au général Chassin, il jouera plus tard un rôle, chose curieuse, dans l’histoire de l’étude des soucoupes volantes, et ce tant que président du Gepa, le Groupe d’étude des phénomènes aériens, en quête de la vérité sur les soucoupes volantes et auquel collaborent, du reste, plusieurs militaires.
Parmi les dirigeants de l’OAS qui avaient participé à des réunions avec Ousset[40], il faut signaler le colonel Jean Gardes (1915-2000) et surtout le colonel Pierre Chateau-Jobert (1912-2005), responsable de l’OAS pour la région de Constantine, condamné à mort par contumace en 1965 — alors qu’il se trouve en exil en Espagne — et amnistié en 1968. Après son amnistie, Chateau-Jobert réfléchira, à la lumière des principes contre-révolutionnaires, sur ce qu’il était exactement arrivé à sa génération de militaires français — mais en rejetant, il convient de le préciser, tout moyen d’action non strictement conforme à la morale catholique[41] — et continuera à participer à de nombreuses initiatives d’Ousset. La question la plus délicate concerne, pour des raisons évidentes, Bastien-Thiry. Selon Raphaëlle de Neuville — qui, si elle soutient une thèse à l’université de Grenoble, le fait cependant depuis l’intérieur du mouvement d’Ousset — « [...] la Cité catholique ne le connaissait ni personnellement, ni même de nom[42] ». Dans une monumentale thèse de doctorat soutenue en 2000, celle d’Arnaud Ferron sur le traditionalisme catholique en France, il est affirmé, à propos des responsables de l’attentat du Petit-Clamart le 22 août 1962, qu’ils obtiennent les informations nécessaires sur l’itinéraire que doit emprunter la voiture du général de Gaulle de « [...] deux jeunes filles qui travaillent à l’Élysée et qui appartiennent toutes deux à la Cité catholique[43] ». Quoi qu’il en soit, Bastien-Thiry est un catholique fervent, qui consulte des théologiens avant l’attentat et qui semble avoir été rassuré par eux sur la base de la doctrine du tyrannicide. Il est aussi abonné à la revue Itinéraires. Chroniques et documents, dirigée par Jean Madiran — pseudonyme de Jean Arfel, né en 1920 et toujours en vie —, très proche, à l’époque, d’Ousset. Après l’exécution de Bastien-Thiry, Madiran écrit : « Nous ne le renions pas ; nous ne l’annexons pas, car sa mort exemplaire, le chapelet à la main, appartient à la France, et à l’Église[44] ».
La question est donc très complexe et a fait l’objet de plusieurs reconstitutions. Il semble que, plutôt que de se mettre en quête de « listes » de protagonistes de la crise algérienne qui avaient ou bien n’avaient pas participé à des cellules ou des congrès de la Cité catholique, il soit plus fécond de réfléchir sur l’important travail mené par l’organisation d’Ousset — au-delà des contacts directs avec telle ou telle personne — pour répandre les idées catholiques et contre-révolutionnaires en Algérie, et sur l’incontestable intérêt que celles-ci suscitent parmi les anti-indépendantistes et dans certains milieux militaires. De là à conclure qu’Ousset a « organisé » la journée du 13 mai et les événements qui suivirent, le pas est bien long et assurément arbitraire. La composante catholique n’est pas la seule composante du 13 mai[45], et l’on doit dire qu’Ousset resta toujours plutôt méfiant envers la perspective du coup d’État. Tout en en reconnaissant la justification morale dans certains cas, il estime que le premier problème n’est pas la conquête du pouvoir mais celle du consensus. Sans une diffusion d’idées suffisante dans le corps social, le succès du coup d’État ne peut être qu’éphémère et la prise du pouvoir ne peut avoir que des effets contraires.
«Rien ne sert — écrira Ousset dans Pour qu’Il règne — de prendre le pouvoir à midi si on doit le perdre à midi cinq[46] » ; et cela est inévitable « si aucun courant d’opinion n’étaye cette conquête[47] ». C’est donc tout d’abord sur le plan de la doctrine de l’action qu’Ousset est très éloigné des théoriciens « algériens » du coup d’État et de l’OAS. Toutefois, la composante catholique de l’anti-indépendantisme, qui n’est pas absente, doit beaucoup au climat intellectuel créé par Ousset et par la Cité catholique. Et c’est dans les pages de Verbe, d’abord, de Pour qu’Il règne, ensuite, qu’elle trouve bon nombre de ses mots d’ordre et les raisons de vivre la triste guerre d’Algérie comme une tranchée avancée de l’affrontement entre Révolution et Contre-Révolution, entre la civilisation chrétienne occidentale et la mortelle conjonction de l’islam avec le communisme.
5. L’attaque contre la Cité catholique
Le premier
congrès de la Cité catholique à Saint-Étienne en 1949
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La crise algérienne est l’occasion d’une attaque contre la Cité catholique qui commence dans les colonnes des quotidiens de gauche, mais qui est rapidement relayée au sein même du monde catholique. Si la presse la plus nettement « progressiste » — avec en tête Témoignage chrétien. Journal hebdomadaire d’actualité et Esprit, sous la plume de Madeleine Garrigou-Lagrange (1930-1989) — reprend les arguments des grands quotidiens laïcistes en forgeant la catégorie d’un supposé « national-catholicisme[48] », ce sont surtout deux jésuites, les pères Jean-Marie Le Blond S.J. (1899-1973), directeur d’Études. Revue de culture contemporaine, et Alfred de Soras S.J. (1899-1966), qui expriment sous une forme plus sérieuse une hostilité que partage une fraction non négligeable de l’épiscopat français lui-même. À vrai dire, dès 1951 un théologien dominicain, le père Jean-Hervé Nicolas (1910-2001) avait publié dans la revue La Vie spirituelle. Ascétique et mystique un article sur les Coopérateurs Paroissiaux du Christ-Roi, qui contenait même des éloges de la congrégation fondée par le père Vallet, mais qui critiquait leur collaboration avec la Cité catholique, laquelle aurait mis les Exercices ignatiens au service d’une propagande politique de droite et monarchiste[49]. Le sociologue Jacque Maître se servira de ces critiques pour une attaque en 1961[50] dont les motivations politiques apparaissent clairement derrière le langage scientifique. Le climat, en 1961, sera d’ailleurs différent de celui qui avait entouré certaines critiques dix ans plus tôt ; cette fois, la campagne contre la Cité catholique est beaucoup plus intense et se déroule sur une échelle beaucoup plus grande.
Le casus belli n’est autre, précisément, que la guerre d’Algérie. Alors que l’armée française est accusée d’avoir recours à la torture en Algérie, plusieurs articles de Verbe signés « Cornélius » — fruit, selon Ousset, d’une « rédaction collective[51] » — sont à leur tour critiqués parce qu’ils justifient l’emploi de moyens qui vont au-delà de la procédure pénale ordinaire lorsque l’ennemi a pour nom terrorisme. En 1958, le père Le Blond prend position contre ces articles — qu’une partie de la presse française présente comme une sorte de justification catholique de la torture — dans Études. Revue de culture contemporaine[52].
Quand on la relit aujourd’hui, on s’aperçoit que toute la polémique reposait sur de fausses raisons. Le cas de conscience classique en matière de terrorisme est celui du terroriste arrêté qui sait où explosera bientôt une bombe que son organisation a placée dans une école urbaine ; mais la police ne sait pas de quelle école il s’agit et le temps manque pour les faire évacuer toutes. Est-il licite d’employer des moyens exceptionnels pour contraindre le terroriste à parler ou bien faut-il respecter scrupuleusement, pendant son interrogatoire, la durée et les modes de la procédure pénale ordinaire, laissant ainsi la bombe exploser ? Verbe, pour des cas de ce genre, ne justifie pas le recours à la torture — qu’elle juge toujours moralement illicite —, mais estime qu’une procédure pénale conçue pour des délinquants de droit commun peut être insuffisante pour combattre le terrorisme. Répliquant à Le Blond, Ousset précise que sa demande est celle d’un « code spécial de justice militaire[53] » pour les cas de terrorisme, « seul moyen de combattre efficacement, sinon d’interdire, les abus regrettables qui ne peuvent pas ne pas se produire chaque fois qu’une autorité justicière abandonne à des subordonnés le choix des moyens de coercition. Le trop connu “débrouillez-vous” a tôt fait, en ce genre d’affaires, de provoquer des moyens criminels![54] ». Le Blond donne une présentation outrancière des positions de la Cité catholique, qui en réalité, sur ce point précis, ne sont pas très éloignées des siennes[55].
À la critique relative à la torture s’en ajoute une autre, sur le référendum de 1958 voulu par le général de Gaulle. Le Blond reproche à la Cité catholique d’avoir soutenu que les catholiques doivent voter « non », puisque la Constitution proposée par de Gaulle ne mentionne pas le christianisme dans son préambule et réaffirme le caractère laïc de la République, se plaçant ainsi dans le sillage des principes de 1789 et de la Révolution française. Cette position serait antithétique par rapport à celle adoptée par l’épiscopat français. Mais il s’agit là aussi d’une équivoque. Bien que Le Blond puisse citer différents représentants de la Cité catholique[56] qui ont pris position contre la nouvelle Constitution, le fait est qu’Ousset et Verbe se sont explicitement refusés à suivre la thèse de certains milieux légitimistes et intransigeants selon laquelle il aurait été moralement obligatoire pour un catholique de voter « non » à l’occasion de la consultation référendaire. Avec le numéro 96 de Verbe, diffusé avant le référendum, les abonnés reçoivent un Supplément dans lequel Ousset explique que « la Cité catholique a tenu à faire part de sa protestation contre l’absence de toute référence à Dieu dans le nouveau texte de notre prochaine Constitution [...]. Ce n’est pas sans un certain excès d’interprétation insoutenable que certains ont voulu la présenter comme une invitation à voter “ non ” au prochain référendum. Spécialisée, peut-on dire, dans le combat contre-révolutionnaire pour le règne social du Cœur de Jésus sur notre patrie, la Cité catholique ne pouvait pas laisser passer sans protester les références explicitement révolutionnaires du préambule de la Constitution [...]. La Cité catholique a refusé et refuse de donner la moindre directive en ce qui concerne le référendum. Sa protestation faite contre l’agnosticisme de l’Etat, elle laisse à chacun le soin de régler son vote selon sa conscience et sa juste liberté de citoyen. [...] Personne ne saurait se réclamer de la Cité catholique pour justifier son choix[57] ».
On peut même affirmer que certains voient dans le choix de ne pas choisir d’Ousset une complicité avec une Constitution agnostique et avec le gaullisme prêt à trahir sur l’Algérie, allant jusqu’à accuser la Cité catholique d’un « nouveau ralliement[58] ». À la suite de ces polémiques, l’organisation d’Ousset perd plusieurs membres, séduits non par les critiques « de gauche » à la Le Blond, mais par ceux « de droite » qui auraient voulu une attitude plus dure sur le référendum et sur d’autres points. Parmi ces derniers il y aurait eu, selon le témoignage de son fils, Masson[59], qui un an avant le référendum — en 1957 — s’était séparé d’Ousset, soit pour exprimer des « positions beaucoup plus intransigeantes[60] », soit — semble-t-il — parce qu’il aurait voulu « [...] infléchir le travail de la Cité catholique dans un sens plus religieux[61] » et moins social et politique.
Pour les critiques de la Cité catholique, la guerre d’Algérie, la question de la torture, le référendum ne sont pas seulement l’occasion de réaffirmer des réserves qui s’étaient manifestées dès avant 1958 et qui ont des racines plus profondes. Aussi bien Le Blond que son confrère jésuite A. de Soras, qui consacre à la Cité catholique un petit livre[62], remettent en cause la nature même de l’organisation d’Ousset, développant avec une profusion d’arguments une critique qui sera reprise dans un rapport confidentiel présenté en 1960 par un évêque français anonyme à ses confrères et publié dans Le Monde du 10 novembre 1961[63]. L’apostolat des laïcs, écrivent-ils, est une très bonne chose. Mais il doit viser essentiellement la conversion des âmes, non la politique. Certes, l’action politique a sa dignité, « mais ce n’est pas là — écrit Le Blond — l’expression essentielle du christianisme, ni la démarche la plus profonde et la plus urgente de l’apostolat. L’évangélisation, l’enseignement des dogmes et des sacrements, l’éducation de la prière, l’exemple de la charité ont le pas sur l’action politique[64] ». L’activité que propose Verbe, poursuit Le Blond, « n’est pas totalement illégitime ; il ne faudrait pas cependant qu’il canalise l’action de chrétiens fervents au point de faire négliger l’apostolat véritable ; il serait regrettable, par exemple, que les groupements Verbe remplacent, comme cela se fait ici ou là, les groupements d’Action catholique[65] ». D’une part, ici est soulevée une question essentielle en matière d’apostolat des laïcs, qui sépare Ousset de ses critiques en 1958 mais qui est au centre d’une controverse dans l’Église qui dure aujourd’hui encore. D’autre part, tout n’est pas encore dit explicitement.
La première question — à laquelle Ousset répondra, nous le verrons, avec une abondance de détails dans Pour qu’Il règne — porte sur le rôle spécifique des laïcs dans l’Église. La vocation des laïcs n’est pas unique, mais double : il y a une vocation à l’apostolat stricto sensu, qui est directement ou indirectement « hiérarchique », dans la mesure où il se déroule sous la conduite directe des évêques et du clergé, et il est illustré par l’Action catholique ; et il y a une vocation politique, qui reste nécessaire parce que les institutions également doivent se conformer aux principes chrétiens.
La Cité catholique ne se situe ni d’un côté ni de l’autre, mais à la limite entre les deux : c’est une œuvre « charnière[66] » entre l’aspect strictement religieux et l’aspect politique. Elle entend précisément relier entre eux les deux aspects : à travers la formation doctrinale enracinée dans les principes illustrés par le Magistère de l’Église et le service pré-politique offert aussi à qui fait de la politique active, une activité dont l’organisation d’Ousset, en tant que telle, ne s’occupe pas. En soutenant que l’activité politique est tout au plus secondaire et que le « véritable apostolat » est l’apostolat religieux au sens strict, des critiques comme Le Blond apparaissent en réalité plus éloignés qu’Ousset de ce que sera le magistère sur l’apostolat des laïcs du Concile Œcuménique Vatican II (1962-1965), lequel désignera comme tâche première du laïcat l’instauration chrétienne de l’ordre temporel[67].
En second lieu, on y a fait allusion, les critiques sonnent faux. Qu’on me permette de prendre un exemple cinématographique : dans une des scènes les plus célèbres du cinéma américain en noir et blanc, l’acteur Bela Lugosi (1882-1956), qui joue le rôle du comte Dracula, répond quand on lui offre un verre de vin : « Je ne bois jamais… de vin[68] ». Tout ce pour quoi la réplique est restée dans l’histoire du cinéma réside dans la pause après « Je ne bois jamais » : l’interlocuteur ignorant — un personnage qui, à ce moment-là du film, ne sait pas encore que Dracula est un vampire — attend d’abord que la phrase finisse et que le comte se déclare simplement abstinent. Mais Dracula restreint son affirmation en ajoutant, après la pause, « du vin » : il n’est pas totalement « abstinent », car en effet il boit du sang. De façon analogue, Le Blond aussi bien que A. de Soras semblent recommander aux laïcs catholiques d’accrocher une sorte d’écriteau dans les sièges de leurs associations qui rappelle celui accroché dans les lieux publics en Italie à l’époque fasciste : « Ici, on ne fait pas de politique ». « Semblent recommander », précisément : car ici aussi il y a des points de suspension idéaux et le conseil exact dirait plutôt : « Ici, on ne fait pas de politique… de droite ».
Quand on lit dans le détail les critiques adressées à la Cité catholique, on découvre que l’affirmation solennelle selon laquelle les laïcs ne devraient pas disperser leurs forces dans une action politique ou pré-politique parce que celle-ci, bien que non illicite, est secondaire par rapport à l’apostolat au sens strict, cache parfois une pensée de nature différente. Si les laïcs faisaient une politique conforme au « sens de l’histoire », aux valeurs du « progrès » et de la Révolution française, il n’y aurait, au fond, rien de mal. La censure se déclenche lorsque les laïcs, en l’occurrence la Cité catholique, sont accusés — selon les termes du rapport épiscopal anonyme de 1960 — de suivre « une certaine ligne politique : droite et extrême-droite[69] ». C’est ainsi qu’on a l’impression, en lisant l’article de Le Blond, que ce n’est pas tant la formation pré-politique en soi qui est condamnée, que son contenu contre-révolutionnaire, accusé de ne pas saisir les supposés aspects positifs des principes de la Révolution française : « Il n’est pas vrai non plus qu’il [le catholique] doive refuser, d’un bloc et sans distinction, l’héritage de la Révolution française[70] » ; « et la devise “liberté, égalité, fraternité” n’est pas nécessairement “maçonnique”[71] ». Comme c’est souvent le cas, un soi-disant « choix religieux » cache un choix « politique », mais de gauche.
J’ajoute que les critiques d’Ousset se heurtent à deux écueils. Le premier — sérieux, quand il s’agit de jésuites — est que la conception dramatique de l’histoire comme opposition de deux principes, figure, avant l’apparition de l’école contre-révolutionnaire, dans les Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola. Le Blond et A. de Soras répondent en mettant sous accusation non pas — évidemment — saint Ignace, mais « les Pères de Chabeuil[72] », à savoir les Coopérateurs Paroissiaux du Christ-Roi, en insistant sur le fait qu’ils ne sont pas jésuites et en affirmant qu’ils n’ont pas tort lorsqu’ils voient dans les Exercices spirituels une dimension sociale. Mais les disciples du père Vallet, ajoute-t-on, risquent de « fausser complètement l’équilibre spirituel[73] » voulu par saint Ignace lorsqu’ils considèrent l’aspect social et politique comme plus important que l’aspect individuel et moral. Le livre des Exercices spirituels deviendrait ainsi « une sorte de manuel politique contre révolutionnaire[74] », et l’on courrait le risque de fréquenter les Exercices en les « prenant d’ordinaire comme une “école de guerre” politique[75] » : et ce alors que la lutte dont parle saint Ignace serait principalement tournée contre les péchés individuels de chaque retraitant. Ce sont là des objections qui peuvent assurément valoir pour quelques déformations ou excès éventuels. Mais les Exercices prêchés aux laïcs ne devraient-ils pas tenir compte de leur vocation spécifique et de leur nature séculière ?
Autre point : les critiques adressées à la Cité catholique se heurtent à un autre problème lorsqu’elles attaquent des thèses de l’école contre-révolutionnaire et d’Ousset que l’on retrouve, quasiment à la lettre près, dans le Magistère pontifical. De Soras répond par une longue analyse de l’autorité des jugements du Magistère en matière d’histoire et de doctrine sociale. Ces jugements, explique le père jésuite, ne sont pas infaillibles et ne sont pas de nature dogmatique, mais pastorale : ce sont des « actes pastoraux[76] » et non des « actes doctoraux[77] » du Magistère ordinaire. Curieusement, ce sont les mêmes arguments que certains « traditionalistes » utiliseront après le Concile Œcuménique Vatican II pour ne pas se sentir liés par les documents conciliaires.
Le respect de la vérité oblige à dire que l’analyse du père A. de Soras est très argumentée. Il admet qu’à l’intérieur d’un magistère essentiellement pastoral et réformable il y ait des affirmations de caractère doctrinal et non réformables : par exemple, pour le jésuite la condamnation des moyens artificiels de contrôle des naissances dans les encycliques des souverains pontifes est si réitérée et solennelle « [...] qu’il n’y a aucune chance de voir jamais l’Église revenir sur ce jugement[78] ». Cette thèse est assurément louable, six ans avant l’encyclique Humanae vitae du Pape Paul VI (1963-1978). Mais les mêmes arguments seront employés par les théologiens progressistes pour affirmer qu’on a le droit de ne pas tenir compte de cette encyclique[79]. Un problème demeure : qui décide quels enseignements sociaux des Papes doivent être suivis par tous les fidèles et quels autres ne doivent-ils pas l’être [80]?
Ces remarques ne signifient pas que les critiques adressées à la Cité catholique — bien que formulées sur un ton malveillant — ne soulèvent pas parfois de vrais problèmes. Le livre du père A. de Soras critique la notion d’œuvre « charnière » entre religion et politique en faisant observer que les portes n’ont qu’une seule charnière, et que l’image donne donc l’impression que les thèses de l’école contre-révolutionnaire sont les seules appropriées et orthodoxes pour une formation pré-politique, tandis que les idées d’autres écoles seraient toutes et nécessairement hétérodoxes[81]. En réalité, Ousset est le premier à admettre qu’il n’en est pas ainsi et que, dans certaines limites, il y a place au sein de l’Église pour une pluralité de jugements différents sur l’histoire et sur les questions politiques[82]. Mais la question cruciale est celle des limites. Assurément, un catholique peut être en désaccord avec le jugement — presque unanimement favorable — de l’école contre-révolutionnaire sur les positions culturelles et politiques d’Henri V. Quiconque présenterait ce jugement favorable comme obligatoire pour tous les catholiques pécherait par sectarisme. En revanche, un catholique ne peut pas être en désaccord avec la condamnation des lois qui autorisent l’avortement et l’euthanasie ou bien qui légalisent les mariages homosexuels : en effet, ici ne sont pas en jeu les préférences d’une école mais ce que Benoît XVI appelle de façon répétée des « valeurs [...] non négociables[83] », qu’aucun fidèle de l’Église de Rome ne peut remettre en cause.
Quand on affirme que « selon la Cité catholique, être catholique c’est immanquablement être contre-révolutionnaire, mieux, [que l’] on ne saurait être catholique sans être contre-révolutionnaire[84] » — et l’on fait état de la perplexité de la majorité des évêques français sur ce point —, on fait allusion à un problème important, qu’il est toutefois facile d’aborder de façon équivoque. Si l’on définit la Révolution comme le combat contre les principes non négociables de la doctrine sociale, contre l’Église, contre Dieu même, alors il est évident qu’un catholique digne de ce nom ne peut que s’opposer à la Révolution, et dans ce premier sens du terme tout catholique doit en effet être « contre-révolutionnaire ». Si tel n’était pas le cas, on pourrait rester catholique en consacrant sa vie au combat contre la doctrine sociale, contre l’Église et contre Dieu, ce qui est manifestement absurde. Mais cet emploi même du mot « Révolution » ne peut pas être considéré comme allant de soi : quiconque s’exprime de cette façon révèle déjà son appartenance à une école, qui a son langage et sa spécificité. Adopter ce langage et cette spécificité n’est certainement pas la seule façon d’être catholique et, seulement dans ce second sens du terme, il est juste d’affirmer que l’on peut être catholique sans être contre-révolutionnaire, c’est-à-dire sans adopter la façon de s’exprimer et le style de l’école contre-révolutionnaire.
6. L’architecture doctrinale de Pour qu’Il règne
La publication de Pour qu’Il règne doit donc être replacée dans le contexte des polémiques qui l’ont précédée. Quelques-uns des textes cités sont, il est vrai, postérieurs à 1959 : mais les mêmes critiques circulaient déjà depuis l’épisode du 13 mai 1958 en Algérie, voire avant. Avec la présentation publique de Pour qu’Il règne — ouvrage qui comporte aussi une longue partie consacrée à la théorie de l’action, partie qui sera ensuite publiée à part — Ousset veut montrer la Cité catholique telle qu’elle est, aussi bien sous l’angle doctrinal que sous l’angle de ses formes d’action caractéristiques. Pour qu’Il règne paraît, du reste, avec trois préfaces : si l’une est due à un militaire et homme politique, Jean Le Cour Grandmaison (1883-1974), fondateur de la revue La France catholique[85], les autres sont de deux évêques, Mgr Lefebvre et Mgr Marmottin. C’est d’ailleurs à son intransigeante défense de la Cité catholique dans les années 1961-1962 contre de nombreux évêques français que Mgr Lefebvre devra d’être exclu, avec pour prétexte une chicanerie technique, de l’Assemblée des Cardinaux et Archevêques de France, un épisode qui pèsera d’un certain poids dans les rapports orageux qu’il aura plus tard avec la majorité de l’épiscopat français[86].
Ouvrage très épais, Pour qu’Il règne ne se prête pas à être facilement résumé. Mais il n’est pas impossible d’en dégager l’architecture. Le point de départ du livre est la doctrine de la royauté sociale de Jésus-Christ. En tant qu’Alpha et Oméga, commencement et fin de la Création, le Christ est le roi de l’univers tout entier. Cette royauté ne s’exerce pas seulement sur les cœurs, mais sur les nations. Ousset consacre tout un chapitre[87] à l’exégèse de l’affirmation du Christ : « Mon royaume n’est pas de ce monde » (Jn 18, 36), expliquant que la phrase signifie qu’il s’agit d’un royaume qui ne naît pas de ce monde, « ne provient pas de ce monde[88] », selon une formule qu’Ousset emprunte au cardinal Pie. Toutefois, le royaume de Jésus-Christ s’exerce sur ce monde, et « [...] la formule [...] ne signifie nullement que Jésus refuse de reconnaître à Sa Souveraineté un caractère de royauté sociale[89] ».
Étant donné que le royaume de Jésus-Christ est le royaume de la vérité — le Maître l’explique à Ponce-Pilate, précisément après lui avoir dit que son royaume « n’est pas de ce monde » —, le libéralisme, qui nie l’existence de la vérité, trouve son commencement emblématique dans la réplique du procureur romain : « Qu’est-ce que la vérité? » (Jn 18, 38). Du libéralisme dérive le laïcisme, à savoir la séparation entre religion et politique. Le contraire du laïcisme n’est pas la confusion entre politique et religion, confusion également réprouvée par l’Église, mais la distinction entre les deux sphères, qui permet leur collaboration féconde. Dans le domaine social, l’Église énonce des principes moraux qui sont obligatoires pour tous les catholiques, bien qu’ils s’appliquent aussi à la vie de la société et à la politique, non pas seulement à la morale individuelle. Les catholiques ne doivent pas seulement, par exemple, renoncer au divorce dans leur vie personnelle, mais doivent également s’opposer aux lois qui admettent et favorisent le divorce.
La doctrine sociale de l’Eglise a également fixé des principes généraux si souvent répétés qu’un catholique ne pourrait pas s’en éloigner sans faire courir un risque grave à sa fidélité aux Papes et au Magistère. Mais « le détail pratique, le soin journalier des affaires publiques, l’adaptation des principes éternels de la sagesse politique aux diverses conditions de temps et de lieu[90] » sont, eux, laissés par le Magistère lui-même à la responsabilité des laïcs catholiques. Des laïcs, et non des prêtres : « Le laïc, dans un certain sens, est plus directement intéressé au développement de la royauté sociale de notre Seigneur Jésus-Christ et cela, dans la mesure même où il se trouve, plus que le clerc, engagé dans l’ordre temporel, l’ordre civil, l’ordre séculier, plus engagé dans les choses sociales, plus directement intéressé en matière politique…[91] ». En rappelant que les prêtres enseignent la morale sociale mais laissent aux laïcs le choix de la façon de l’appliquer dans les situations politiques contingentes, on évite simultanément les écueils du laïcisme et ceux du cléricalisme.
Si telle est la « thèse[92] », dans l’histoire concrète des hommes on est confronté à l’« hypothèse[93] », c’est-à-dire aux conditions concrètes qui empêchent parfois de réaliser la thèse dans son intégralité. Il n’est pas toujours illicite de se contenter d’une réalisation partielle : pourvu que, dans ce cas également, la thèse de la royauté sociale soit constamment réaffirmée dans son intégralité.
Le régime de l’hypothèse est déterminé en Occident par la présence dominante du naturalisme, qui s’articule selon Ousset en trois degrés ou catégories. Le naturalisme de la première catégorie est celui « [...] qui nie jusqu’à l’existence du surnaturel, qui l’exclut ouvertement, le taxant de folie, d’absurdité, sinon d’inconnaissable[94] ». Le naturalisme de la deuxième catégorie est celui « [...] qui ne nie pas, à proprement parler, le surnaturel, mais qui refuse de lui accorder la prééminence[95] » : le surnaturel existe, mais l’homme cultivé, supérieur et « philosophe[96] » est capable de s’en passer ou du moins peut ne pas se rattacher au surnaturel tel qu’il est présenté par une religion donnée, puisque ses outils philosophiques — ou bien « l’ésotérisme[97]» — lui permettent de saisir l’origine commune de toutes les religions. Enfin, le naturalisme de la troisième catégorie admet l’existence et aussi, en principe, le primat du surnaturel, mais pense qu’il s’agit d’une « matière à option[98] » dont on peut légitimement ne pas tenir compte dans le contexte de la société moderne, surtout dans le domaine politique et social, évitant ainsi des divisions et des polémiques qui seraient essentiellement dommageables.
Le naturalisme en acte s’appelle Révolution, un terme qui — conformément à l’enseignement de l’école contre-révolutionnaire — ne se rapporte pas à un événement singulier mais à un processus pluriséculaire. « La Révolution est satanique[99] », soit en ce sens que le non serviam des anges rebelles est le type de toute Révolution — si bien que « la référence à Lucifer est indispensable[100] » — soit en ce sens que Satan, « le premier révolutionnaire[101] », poursuit son action dans l’histoire à travers une « contre-Eglise[102] ». Il ne s’agit pas de messes noires ni de phénomènes extraordinaires, mais de « [...] l’action très ordinaire et, pour tout dire, continue de l’Enfer au milieu de nous. Satanisme authentique, mais sans odeur de roussi ou apparitions de diables cornus[103] ».
Au naturalisme de la première catégorie correspondent les « troupes régulières[104] » de la Révolution : conventicules et « sectes[105]» qui se proposent explicitement la subversion de l’ordre naturel et chrétien. Il ne s’agit pas seulement de la franc-maçonnerie, dont cependant Pour qu’Il règne s’occupe longuement. Le vaste tableau que dépeint Ousset part des mouvements gnostiques contre lesquels durent lutter les Pères de l’Église et, avant eux, les apôtres ; il se poursuit avec les manichéens, les cathares, les Albigeois ; il n’oublie pas les influences de la qabbalah juive dans la formation de conventicules hétérodoxes qui, au XVIIe siècle, lèvent l’étendard des Rose-Croix ; il sonde les liens entre le mouvement qui tire son nom du mythe des Rose-Croix et la naissance de la franc-maçonnerie.
Si — on y a déjà fait allusion — certains détails historiographiques peuvent parfois sembler, cinquante ans après la première édition de Pour qu’Il règne, dépassés par des études plus récentes, le tableau d’ensemble conserve sa cohérence. Ousset, d’ailleurs, ne s’abandonne pas à des attitudes « complotistes ». Il n’imagine pas non plus une seule grande main derrière tout le processus révolutionnaire : « Cependant il faut éviter de se faire une idée trop simpliste, qui finalement tourne au profit des sectes, sur une inexacte unité de leur entente et de leur action. Car, si la Contre-Église est une, elle est aussi multiple et terriblement divisée[106] ».
À ce sujet, Ousset aborde également le « problème difficile et douloureux[107]» de la présence de Juifs « à toutes les pages décisives de l’histoire révolutionnaire[108] ». Comme on l’a vu, dans l’histoire de la droite catholique et contre-révolutionnaire française — à commencer par ses rapports complexes et controversés avec Drumont —, la « question juive » est un point délicat, qui a exposé tel ou tel auteur à des accusations d’antisémitisme. D’une part Ousset réaffirme — en citant l’encyclique contre le national-socialisme Mit brennender Sorge, de 1937, du Pape Pie XI — la condamnation sans appel de tout antisémitisme à base raciale, « contraire aux desseins de la Providence et à l’enseignement constant de l’Eglise[109] ». D’autre part, il affirme ne pas pouvoir exclure de son inventaire des troupes régulières de la Révolution « l’aspect révolutionnaire de la puissance juive[110] » et « [...] les projets, froidement étalés par certains auteurs juifs, de détruire la religion catholique[111] ». L’analyse des complexes divisions internes du judaïsme contemporain reste probablement insuffisante : mais il s’agit là d’une position courante dans le monde catholique de l’époque.
L’action de la Contre-Église dans l’histoire de l’Occident vise à détruire la réalisation imparfaite mais non imaginaire de la royauté sociale de Jésus-Christ qu’avait été la civilisation chrétienne du Moyen Age, et ce à travers trois étapes essentielles : la Réforme, la Révolution française et le laïcisme du XIXe siècle, qui comprend le socialisme et prépare le communisme. La reconstitution de ces étapes par Ousset suit — et systématise — un patrimoine commun de lecture de l’histoire qui s’était affirmé depuis longtemps au sein de l’école contre-révolutionnaire. L’un des points de référence d’Ousset — avec Mgr Delassus — est ici Mgr Gaume, utilisé aussi pour rappeler, chaque fois que l’auteur le juge nécessaire, qu’il ne faut jamais perdre de vue l’unité du processus révolutionnaire, même quand on examine ses innombrables tours et détours.
Dans Pour qu’Il règne Ousset cite de Mgr Gaume ce passage éloquent sur la Révolution : «Si, arrachant son masque, vous lui demandez : qui es-tu? elle vous dira : Je ne suis pas ce que l’on croit. Beaucoup parlent de moi et bien peu me connaissent. Je ne suis ni le carbonarisme […] ni l’émeute […] ni le changement de la monarchie en république, ni la substitution d’une dynastie à une autre, ni le trouble momentané de l’ordre public. Je ne suis ni les hurlements des Jacobins, ni les fureurs de la Montagne [à savoir du courant de gauche au sein de la Convention Nationale en 1792], ni le combat des barricades, ni le pillage, ni l’incendie, ni la loi agraire, ni la guillotine, ni les noyades [à savoir les assassinats par noyade, toujours pendant la Révolution française, de prêtres chargés sur des barques qui étaient ensuite coulées]. Je ne suis ni Marat [Jean-Paul (1743-1793)], ni Robespierre [Maximilien (1758-1794)], ni Babeuf [Gracchus (1760-1797)], ni Mazzini [Giuseppe (1805-1872)], ni Kossuth [Lajos (1802-1894)]. Ces hommes sont mes fils, ils ne sont pas moi. Ces choses sont mes œuvres, elles ne sont pas moi. Ces hommes et ces choses sont des faits passagers et moi je suis un état permanent. Je suis la haine de tout ordre que l’homme n’a pas établi et dans lequel il n’est pas roi et Dieu tout ensemble. Je suis la proclamation des droits de l’homme sans souci des droits de Dieu. Je suis la fondation de l’état religieux et social sur la volonté de l’homme au lieu de la volonté de Dieu. Je suis Dieu détrôné et l’homme à sa place (l’homme devenant à lui-même sa fin). Voilà pourquoi je m’appelle Révolution, c’est-à-dire renversement…[112] ».
Au naturalisme de la deuxième catégorie correspond la « cinquième colonne[113] » de la Révolution, c’est-à-dire le progressisme au sein de l’Église. À chaque phase de la Révolution correspond une phase spécifique du progressisme : à la Réforme, correspondent le jansénisme et le gallicanisme ; à la Révolution française, le catholicisme libéral ; au processus qui va depuis le laïcisme du XIXe siècle jusqu’au socialisme et au communisme, correspondent le modernisme — avec sa déclination sociale spécifique, le Sillon — et les compromis, en matière de doctrine et d’action, de théologiens et d’hommes d’Église face aux forces socialistes et communistes.
Au naturalisme de la troisième catégorie correspondent « nos propres abandons et complicités[114] » : la foi timide, le langage équivoque, le compromis qui se déguise en prudence, les collaborations ambiguës. Ici, Ousset aborde la question très délicate de la collaboration avec des non-croyants qui se déclarent respectueux de la cause de l’Église et parfois même aussi de celle de la Contre-Révolution. En l’occurrence, Ousset se réfère explicitement à Maurras et implicitement aux critiques qui l’avaient accusé d’être « national-catholique » — une étiquette qu’il rejette — ou maurrassien. Une certaine collaboration, affirme-t-il, est possible. Ousset reprend une métaphore du jésuite Pedro Descoqs (1877-1946), qui — il est vrai — ne cachait pas ses sympathies pour Maurras : « Supposons, écrivait le Père Descoqs, deux groupes d’hommes, croyants et incroyants, s’entendant pour transporter de lourds madriers sur le parvis de Notre-Dame. Le premier groupe a l’intention de dresser avec ceux-ci un échafaudage pour la réparation du sanctuaire ; le second médite d’élever un bûcher qui préparera la destruction de l’église. Les deux groupes sont pourtant d’accord sur le résultat immédiat, qui est de transporter des madriers auprès de la cathédrale. Mais intentions et buts des uns et des autres sont contradictoires. Leur “connubium” est simplement immoral ; il faut le condamner sans réserves. Supposons, au contraire, que ces deux mêmes groupes s’entendent pour le transport de madriers dans le but commun de contribuer à la réparation de l’église. Le premier, il est vrai, par pur esprit de foi, pour rendre hommage à Dieu, tandis que le second veut seulement sauvegarder une merveille artistique, un legs de la vieille France… Pour être moins élevée, cette seconde intention n’est à aucun titre immorale ; dès lors, on ne voit pas où serait l’injustice ni l’immoralité de la collaboration de ces deux groupes de madriers sur la place Notre-Dame, puisque l’un et l’autre se proposent de coopérer à une même œuvre bonne…[115] ».
Que celui qui a des oreilles pour entendre entende, mais Ousset ne s’arrête pas là. Il ajoute qu’« [...] un catholique ne pourra jamais accepter que l’Église soit SEULEMENT présentée comme un instrument au service du bien social ou national[116] ». Et cite Maurras lui-même exprimant des doutes sur la réelle possibilité d’unir les ennemis de la Révolution autour de la nation et du bien commun naturel, sans reconnaître dans l’Église la gardienne pluriséculaire de ce bien[117].
On dira — et les polémiques de 1958 sont encore vives dans l’esprit d’Ousset — que tout l’immense tableau descriptif de la Révolution suppose que ce que le processus révolutionnaire a détruit, à savoir la chrétienté médiévale, méritait d’être conservé, alors que c’est précisément ce que nient les progressistes en faisant observer que le Moyen Age, lui aussi, était plein de pécheurs et d’injustices. Certes, répond Ousset, mais « ceux qui, pour excuser les désordres de notre temps, a dit péremptoirement Bonald, cherchent dans le passé des exemples de désordre oublient qu’alors, il était dans les mœurs ou dans l’administration, et que, de nos jours, il est dans les lois, et qu’il n’y a jamais de désordre (vraiment durable) à craindre que celui qui est consacré par la législation[118] ».
La troisième partie de Pour qu’Il règne vise à répondre à une autre objection : désormais la Révolution a vaincu, et il n’y a plus rien à faire. Cette partie se compose d’une série de méditations d’une profonde spiritualité qui envisagent, respectivement, la Croix, Jésus-Christ comme homme des douleurs, le mystère de l’Église et les béatitudes évangéliques. À travers ces méditations — qui font partie intégrante de l’ouvrage — Ousset entend convaincre le lecteur qu’il n’a ni la nécessité ni le droit de désespérer. L’énorme machine mise en place par la Révolution n’est pas parvenue à détruire l’Église, parce que celle-ci est divine. L’ouvrage met aussi en garde contre la tentation spiritualiste de se fier à l’intervention miraculeuse du Ciel ou ne recourir qu’à la seule prière. Ousset rappelle la parole de sainte Jeanne d’Arc: « Les hommes d’armes batailleront […] et Dieu donnera la victoire[119] ».
Les éditions postérieures à 1959 s’arrêtent là, et le lecteur — le lecteur italien plus encore, lui qui est plus familier, on l’a dit, du livre Révolution et Contre-Révolution de Corrêa de Oliveira — peut avoir l’impression qu’Ousset s’est occupé amplement de la Révolution, mais beaucoup moins de la Contre-Révolution. Certes, la Contre-Révolution est apparue per diametrum de l’illustration des différentes étapes du processus révolutionnaire : mais cela s’est fait, pour ainsi dire, de manière implicite. En réalité, l’édition de 1959 comporte aussi une quatrième partie, consacrée aux « exigences du combat pour une Cité catholique[120] », qui correspond à un développement sur la Contre-Révolution, centré toutefois sur les modalités de l’action plutôt que sur la nature du processus contre-révolutionnaire.
Les critiques portant sur l’emploi de ce mot ont aussi conduit Ousset à faire un usage plus modéré du terme « Contre-Révolution », qui est encore présent dans l’édition de 1959, mais sur lequel les éditions postérieures insisteront beaucoup moins. Par exemple, dans l’édition de 1957 et 1958 de Pour qu’Il règne sur nous… au combat pour la cité catholique. Dossier II le premier chapitre de la quatrième partie est intitulé « La Contre-Révolution »[121]. Dans Pour qu’Il règne de 1959 le même chapitre est intitulé « Contre la Révolution »[122]. La revue Verbe également, qui de 1954 à 1958 avait eu comme sous-titre « Organe de formation civique pour la contre-Révolution » le modifie à partir de mars 1958 en « Organe d’action idéologique pour un ordre social chrétien »[123]. La prise de distance par rapport au terme de « Contre-Révolution » est certainement due au fait que, pendant la crise algérienne, il a été utilisé par des forces politiques que la Cité catholique ne contrôle pas et avec lesquelles elle ne veut pas être confondue, sans oublier l’hostilité envers ce terme affichée par de nombreux évêques français. Bien qu’a posteriori on puisse s’efforcer de montrer les différences entre Ousset et tel ou tel classique de la Contre-Révolution[124], certains estiment alors que la Cité catholique « cède de nouveau, et de manière conséquente, aux pressions extérieures[125]» et adopte « une logique de repli stratégique[126] ».
C’est un « compromis » qui — si l’on se réfère à l’édition de 1959 de Pour qu’Il règne — ne doit pas non plus être exagéré. Même si le texte porte les traces de l’effort pour ne pas reprendre trop souvent le mot « Contre-Révolution », remplacé par des expressions comme « nécessité de combattre la Révolution[127]» et autres, la substance demeure et dans la Table logique placée au début de l’ouvrage, qui est plus qu’une table des matières et dont il est dit que « les rubriques de cette table logique ne correspondent pas forcément aux sous-titres de l’ouvrage[128] », nous trouvons par exemple, comme résumé d’un paragraphe, l’affirmation : « Mais la contre-Révolution est nécessaire au salut de la société, au salut plus facile du plus grand nombre[129] ».
7. La doctrine de l’action
Terminologie à part, Ousset s’occupe ici beaucoup de la doctrine de l’action. Entre Révolution et Contre-Révolution, la seconde apparaît au penseur français comme nettement supérieure quant à la vigueur intellectuelle et à la profondeur analytique. Mais la première a beaucoup plus approfondi la théorie de l’action. Il importe donc de définir clairement une théorie de l’action contre-révolutionnaire. Ousset est cependant conscient du fait qu’il n’y a pas une seule modalité d’action possible au service des idées contre-révolutionnaires : « Nous ne prétendons pas que cette œuvre soit la seule, ou la meilleure en soi[130] ». Pour qu’Il règne présente et défend la modalité spécifique de la Cité catholique : et son auteur est conduit à revenir aux conditions — et à l’essentiel — de la distinction entre différentes formes d’action des laïcs dans l’Église.
L’associationnisme catholique moderne, bien que hautement loué par le Magistère, est — souligne Ousset — un fruit ou, mieux, une nécessité qui dérive de la Révolution. Au Moyen Age, il n’y avait pas d’associations catholiques au sens moderne du terme, et les confréries ne répondaient pas à ce modèle. La vie chrétienne était transmise, d’une part par les paroisses, par les églises, par ce qui venait des ordres religieux; d’autre part, par une société qui était chrétienne à travers sa très riche diversité et ses corps intermédiaires. Au fur et à mesure que la Révolution avance, et que la modernité s’affirme et désarticule les structures de l’Europe traditionnelle et chrétienne, apparaît aussi la nécessité d’associations de laïcs qui agissent pour animer et répandre la vie chrétienne. « C’est parce que la Révolution a rompu et continue de rompre le bienfait de cette union entre l’Église et l’Etat, qu’il a fallu et qu’il faut recourir de plus en plus à “ce que l’on appelle les mouvements catholiques”[131] ».
Saint Ignace de Loyola puis saint François de Sales (1567-1622) ont déjà clairement conscience de ce problème. Alors que la transmission ordinaire de la foi catholique est attaquée par des protestants et par des libertins — au sens philosophique et non pas seulement moral du terme —, on voit naître des associations de « dévots » pour réagir à ces attaques et pour renouer les fils de cette transmission. Ces associations ne sont pas, en toute rigueur de termes, « naturelles » ou organiques car, bien qu’elles puissent se rattacher aux paroisses et au territoire, elles n’en sont pas moins un quid novi qui opère sur des bases différentes des bases traditionnelles. Elles sont aussi les ancêtres de l’Action catholique.
L’associationnisme catholique des laïcs au sens moderne n’existait donc pas au Moyen Age ; mais cela ne veut évidemment pas dire qu’il n’y avait pas, alors, des laïcs. Ceux-ci cultivaient leur vocation, qui consiste à ordonner la cité temporelle selon le christianisme. À l’époque moderne, et plus encore après la Révolution française, la vie associative des laïcs s’enrichit, mais le risque de confusions également se fait jour. Il y a en effet des laïcs qui font leur métier d’instauration chrétienne de l’ordre temporel sous leur propre responsabilité et ordinairement sans être dirigés par des prêtres, agissant parfois dans de nouvelles formes d’association. Et il y a des laïcs qui collaborent avec le clergé et avec la Hiérarchie dans l’évangélisation, à travers l’activité que l’on appellera, au XXe siècle, l’Action catholique.
Ousset ne juge pas du tout inopportune la collaboration de laïcs à l’apostolat et à l’évangélisation au sens strict, sous la forme typique de l’Action catholique ou sous d’autres formes. Il s’agit peut-être d’une activité des laïcs qui n’est pas « traditionnelle », mais la Révolution elle-même l’a rendue nécessaire. Cette œuvre de « participation officielle des laïcs à l’apostolat de la Hiérarchie[132] » n’est cependant pas la seule que l’Eglise propose aux laïcs et elle ne saurait remplacer — sous peine de causer de graves dommages à la société et à l’Église elle-même — l’activité plus conforme à la nature séculière des laïcs, à savoir celle d’instauration et d’animation de l’ordre temporel, social, politique.
En ce qui concerne cette seconde activité des laïcs, le risque existe d’une confusion supplémentaire. Le XVIIIe siècle voit naître une réalité inédite, elle aussi non organique : il s’agit du parti politique, qui dans les siècles suivants devient envahissant et tente d’absorber toute la société civile, comme le montrent les exemples des partis communistes et du parti national-socialiste, véritables « Églises politiques ». La doctrine sociale de l’Église ne fait jamais preuve d’un excès d’enthousiasme pour la forme-parti ; toutefois, elle ne la considère pas non plus comme illicite en soi. Elle sait, par ailleurs, que si les partis remplissent une œuvre de formation — ce qui se vérifie rarement —, celle-ci « [...] ne sera donnée qu’aux membres de ce parti[133] », par définition minoritaires au sein de la société. Il semble donc qu’il y ait pour les laïcs deux alternatives et deux vocations : l’apostolat hiérarchique, ou d’autres formes de collaboration à l’œuvre d’évangélisation au sens strict, et l’engagement politique dans les partis.
Mais ce n’est pas le cas, explique Ousset. Pour que le tableau soit complet et juste, il faut envisager non pas deux alternatives, mais trois. Entre l’apostolat de l’évangélisation et de l’Action catholique, d’une part, et l’engagement dans les partis politiques, d’autre part, il y a ce que Ousset a défini, on l’a vu, comme une œuvre « charnière[134] », qui étudie et répand la doctrine sociale de l’Église, qui énonce les principes de la vie sociale et politique sans entrer directement sur le terrain de leur application aux cas concrets, qu’elle laisse aux partis. En tant qu’elle est spécialisée dans l’instauration chrétienne de l’ordre temporel, l’œuvre charnière que la Cité catholique veut être se différencie également de l’apostolat stricto sensu, qui vise à la conversion et à l’évangélisation. Œuvre pré-politique, donc, et « [...] si l’Action Catholique est, en un sens, trop haut placée pour faire ce travail, l’action politique [des partis], elle, est située beaucoup trop bas pour le réaliser[135] ».
Et œuvre — malgré les doutes terminologiques auxquels j’ai fait allusion — qui, précisément en tant que « charnière », « [...] pourra être dite “contre-révolutionnaire”, au plein sens du terme, puisqu’elle n’est située ni sur le plan de l’Action catholique, ni sur le plan de l’action politique (étroitement entendue)[136] ». L’Action catholique, guidée par la Hiérarchie, ne peut pas se rattacher à une seule école de pensée et à un seul style d’action. Qu’un parti politique puisse être intégralement contre-révolutionnaire semble, dans les circonstances actuelles, difficile. Il y a aussi « un autre argument, d’ailleurs, [qui] peut encore être avancé pour démontrer que la plénitude du combat contre-révolutionnaire ne peut être menée au seul plan des options politiques particulières. C’est que la Révolution est beaucoup plus que cela. Elle est une conception générale de la vie, une conception générale de l’humain, une conception générale de l’histoire[137] », qui ne peut pas être combattue sur le seul plan politique. L’œuvre proprement contre-révolutionnaire ne pourra donc être qu’une œuvre « charnière » entre religion et politique.
Une objection était ressortie des polémiques qui avaient impliqué Ousset : quel besoin y a-t-il d’une œuvre « charnière » pré-politique, dès lors que — comme disent de nombreux observateurs — l’Action catholique — celle des années 1950, en France, mais le discours vaut a fortiori pour d’autres pays, dont l’Italie — remplit une œuvre de préparation de personnes qui s’engagent ensuite dans les partis politiques ? Le penseur français répond que ces activités, pour l’Action catholique, sont ou devraient être occasionnelles et se situer « [...] comme à la frange de ses activités[138] ». Et ce pour une bonne raison : l’Action catholique, en tant qu’elle est dirigée par des prêtres, se retrouve facilement exposée dans le contexte contemporain, chaque fois qu’elle entre dans le domaine politique ou même seulement pré-politique, à l’accusation de cléricalisme et de vouloir « [...] réaliser les prétendus rêves de puissance séculière du clergé[139] ». « Si l’on devait croire que l’Action catholique suffit ou suffira pour assurer le triomphe du règne social de notre Seigneur, et que, partant, les catholiques peuvent se dispenser d’un engagement temporel plus direct, ce serait la preuve que la distinction des deux pouvoirs [spirituel et temporel] et la doctrine qui en découle sont une supercherie ; car il serait alors évident que, par ce moyen, le pouvoir ecclésiastique, en fait, non sans astuce, conduit et régit tout le temporel. Bien au contraire, les textes de la Hiérarchie surabondent, qui rappellent aux chrétiens ce devoir impérieux d’une action politique à mener au-delà des frontières de l’Action catholique»[140].
Dans la conception d’Ousset, pour remplir son rôle de charnière la Cité catholique doit être essentiellement une œuvre de type auxiliaire : elle ne doit ni créer ni inventer son propre milieu, qui serait artificiel, mais s’insérer dans les milieux existants — professionnels, religieux, surtout paroissiaux, territoriaux, avec un éloge de la « France profonde » et des petites communes, et de manière seulement éventuelle dans les milieux politiques —, en agissant non pas tant pour recruter de nouveaux militants que pour animer, en les aidant, des réalités en grande partie encore naturelles, qui, grâce à Dieu, survivent encore en 1959. Les métaphores employées par Ousset sont significatives : la Cité catholique est « [...] une œuvre centrifuge, si l’on peut dire, et non centripète, une œuvre qui ne retient ses membres que le moins possible, les préparant, au contraire, et les poussant à aller partout où il est possible d’aller se battre pour le Christ-Roi[141] » ; elle est comme « un réseau de pompistes[142] », où « les véhicules les plus divers[143] » viennent faire le plein avant de s’éloigner et de repartir ; ou encore comme une école de musique qui délivre « des leçons de piano ou de clarinette, qui ne retiennent qu’un temps, après quoi l’élève rentre chez lui[144] ».
Concrètement, la Cité catholique opère à travers les « cellules », groupes « de deux à dix [...] à l’extrême limite: une douzaine[145] » de personnes qui se réunissent une fois par semaine ou bien au moins deux fois par mois[146] pour un bref moment de prière suivi de l’étude de Verbe et des autres publications proposées par le siège de Paris, parmi lesquelles figurent en bonne place des textes du Magistère de l’Église. Chaque réunion s’achève non pas sur un débat où chacun « donne son avis », mais sur une « discussion assimilatrice[147] ». Il n’y a pas, redisons-le, d’inscription ou de « prise de carte ». La cellule ne prend pas en charge la vie spirituelle de celui qui y participe. Elle n’est pas dirigée par un prêtre, mais l’on y conseille vivement la participation aux Exercices ignatiens dictés par les Coopérateurs Paroissiaux du Christ-Roi selon la méthode du père Vallet[148]. En outre, les congrès annuels sont proposés aux membres des cellules, comme autant de moments d’animation particulière : en effet, ils assurent « l’unité psychologique de notre effort[149] ».
Quiconque peut fonder une cellule. Celle-ci n’a pas de responsable, même s’il existe un petit groupe d’« animateurs[150] » formés par le centre parisien qui rendent visite aux cellules de temps en temps : les membres se relaient en alternance pour les exposés qui assurent l’unité doctrinale. « Le but étant le travail personnel de tous les membres de la cellule, il faut que soit écartée dès l’abord la formule d’un exposé toujours fait par le même, formule qui transforme immédiatement les autres compagnons en auditeurs passifs[151] ». La Cité catholique « [...] n’est pas “un mouvement”[152] », ne s’occupe pas de « gérer » toute la vie chrétienne de ceux qui y participent, mais se borne à l’action de formation. Elle a une « extrême défiance, par conséquent, pour la publicité[153] » au sens le plus courant du terme : elle se répand plutôt « par capillarité » à travers les contacts personnels. En tant que « centrale de diffusions d’idées[154] » et organisation centrifuge elle-même, on l’a vu, elle ne regrette pas mais attend au contraire que la majorité des participants aux cellules n’y restent pas, mais, une fois formés, se consacrent ou bien retournent à leurs réalités d’origine.
Ousset prévoit toutefois que certains restent. En petit nombre : la Cité catholique ne veut pas être « œuvre de masse[155] » mais association « de cadres[156] », une « amitié au service du vrai[157] », capable de former une petite « élite[158] » ou «avant-garde[159] » contre-révolutionnaire. « Sans prendre trop au sérieux la valeur d’une formule boutade, nous ne pouvons oublier en cet endroit ce qu’au début de notre travail nous nous plaisions à répéter : former les mille. Les mille, c’est-à-dire mille hommes qui, rigoureusement instruits de la doctrine sociale de l’Église, auraient en outre comme une même discipline de pensée, mêmes réflexes intellectuels, mêmes méthodes d’action, même ardeur apostolique, même générosité pour consacrer leurs loisirs et leur temps dans la discipline sévère d’une action contre le “droit nouveau” révolutionnaire[160] ».
La question de savoir si Ousset est parvenu à trouver « les mille », et si son action a connu le succès, est une question qui exige que l’on examine — fût-ce sommairement — l’histoire de la Cité catholique après la publication en 1959 de Pour qu’Il règne.
8. Ousset et la Cité catholique après Pour qu’Il règne
Jean Ousset
et Jean Madiran au congrès de Lausanne en 1965
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La publication de Pour qu’Il règne en 1959 livre à l’histoire de l’école contre-révolutionnaire un ouvrage fondamental, dont les effets sont destinés à se faire sentir sur le long terme. Quant aux effets à moyen terme, les précisions sur ce que veut être la Cité catholique et sur les moyens d’action qu’elle entend employer, n’arrêtent pas la campagne de presse hostile liée aux événements d’Algérie. « [...] Sortir des querelles fratricides apparaît comme une nécessité[161] » : Ousset pense atténuer les controverses en transférant le siège international de la Cité catholique dans la ville de Québec, au Canada. Là, cependant, son organisation se heurte à un milieu catholique local qui a lu avec intérêt Pour qu’Il règne, mais qui est jaloux de son autonomie.
En 1963 Ousset prend la décision de « casser son œuvre[162] » : il dissout la Cité catholique au profit d’une nouvelle réalité appelée Office international des œuvres de formation civique et d’action doctrinale — « d’action culturelle » à partir de 1967 — selon le droit naturel et chrétien. Le nom, très long, selon R. de Neuville « [...] se voulait délibérément imprononçable, même par le jeu des initiales, pour que l’on ne puisse plus se ranger derrière une étiquette[163] ». En effet, ce qu’Ousset reproche à sa propre créature, la Cité catholique, c’est d’être devenue précisément ce qu’elle ne voulait pas être, un mouvement : il s’avère que la « [...] structure interne de la Cité catholique et sa logique de fonctionnement ne sont pas adaptées à son caractère d’œuvre auxiliaire[164] ». Les participants aux cellules se sentent « membres » de la Cité catholique — même si personne ne les a inscrits et même s’il n’y a pas de cartes d’adhérents —, alors que l’idée était de donner à la grande majorité d’entre eux une formation temporaire, les faisant ensuite repartir vers des réalités naturelles préexistantes, depuis les organisations professionnelles jusqu’aux paroisses, qu’ils auraient dû animer. Pour reprendre l’exemple des pompes à essence, trop d’automobiles se trouvaient si bien à côté d’elles qu’elles en oubliaient de reprendre la route.
En 1963 — écrit Anne Perrin dans une thèse consacrée à un schisme de la Cité catholique — Ousset « [...] fait éclater les structures de la Cité catholique, au motif qu’elle devenait trop centralisée[165] », mais aussi parce que — non sans lien avec les événements tragiques liés à la situation en Algérie et à un risque concret de persécutions — « [...] plusieurs œuvres dispersées sont ainsi moins vulnérables qu’une seule[166] ». Selon Ferron, entre également en jeu le souvenir de la publication de la condamnation de l’Action française: « [...] Jean Ousset était hanté par le renouvellement de l’affaire de 1926, il craignait par-dessus tout que la Cité catholique soit frappée d’une condamnation équipollente de celle de l’Action française[167] ». Cette crainte de mesures radicales de la part de l’épiscopat est peut-être exagérée : mais c’est aussi celle des Coopérateurs Paroissiaux du Christ-Roi, les pères de Chabeuil, qui entament alors un processus de réalignement sur les positions majoritaires de l’épiscopat français, ce qui les conduit à une séparation de fait d’avec les œuvres d’Ousset.
Quant à celui-ci, en 1959 il avait pensé trouver un statut plus sûr dans l’Église en transformant la Cité catholique en institut séculier. Cela lui avait été déconseillé par le théologien, devenu ensuite cardinal, Paul-Pierre Philippe O.P. (1905-1984), avec des mots qui renvoient au problème habituel de la nature d’une organisation « à mi-chemin » entre apostolat strictement religieux et engagement politique : « Si vous devenez institut séculier, vous dépendrez pleinement du Droit Canonique. C’est-à-dire que dans les diocèses où l’évêque ne souhaitera pas votre présence, vous n’aurez pas, devant Dieu et devant les hommes, le droit d’exister. Si vous restez au contraire au plan civique et tout naturel, qui est au fond le vôtre, celui où l’on a le plus besoin de vous, votre titre et votre conscience de catholiques vous imposeront, certes, d’être toujours respectueux et délicats envers les évêques qui ne vous aiment pas ; reste que, devant Dieu et devant les hommes, vous n’en aurez pas moins le droit d’exister et d’agir[168] ».
D’ailleurs, l’éclatement de la Cité catholique dans l’Office de 1963 n’est pas seulement une réponse aux attaques extérieures, mais correspond à une nouvelle réflexion d’Ousset sur la théorie de l’action, qui est toujours au centre de ses préoccupations. Avec le passage de la Cité catholique à l’Office, Ousset a en tête un modèle d’« association d’associations » : un petit noyau central se disperse dans des associations extérieures, dans le cadre desquelles il collabore avec d’autres personnes — appartenant éventuellement à des écoles de pensée différentes —, tout en cherchant à exercer une hégémonie culturelle. Mais ce choix d’un modèle trop peu institutionnel n’est pas accepté par tous les membres de l’Office. Il provoque en 1968 la scission de Jean-François du Mérac, alors leader du Seri, le Secrétariat étudiant de recherches et d’information sur l’avenir et la responsabilité des cadres dans la nation — dans ce milieu, les associations ont rarement des noms brefs —, à savoir du mouvement de jeunesse et universitaire de l’Office. Ce schisme — qui fait suite à des vicissitudes plutôt confuses — en engendre d’autres, dont quelques-uns prennent même en considération — aux antipodes des choix de l’Office — des formes extrêmes de lutte politique[169].
Ousset, cependant, ne pense pas que l’Office puisse survivre sans une forme de coordination, même si celle-ci devrait être plus souple qu’à l’époque de la Cité catholique. Il reste une revue, dont le changement de titre de Verbe à Permanences en 1963 entend symboliser aussi le passage à un « [...] contenu moins dogmatique et qui serre de plus près l’actualité[170] ». Il reste aussi les grands congrès internationaux, organisés — après une première expérience à Sion, en Suisse, en 1964 — à Lausanne de 1965 à 1977, sauf en 1971 et 1975. Les « congrès de Lausanne » réunissent tout le monde catholique européen — et extra-européen — sensible aux thèses de l’école contre-révolutionnaire et soulèvent un grand enthousiasme parmi les participants.
Le congrès
de Lausanne en 1977
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Pour Ousset il ne s’agit pas de modifier, mais plutôt d’exalter la logique de l’action auxiliaire. Au terme du congrès de Lausanne de 1973, Ousset réaffirme que les formules des « mille[171] » et de l’« œuvre auxiliaire » ont encore un sens. À l’« action “orthopédique”[172] », qui consiste à créer des « “hiérarchies parallèles”..., autant dire des hiérarchies plaquées, imposées, surajoutées aux hiérarchies naturelles[173] », Ousset oppose le projet « médicinal[174] » d’ « [...] apporter aux authentiques hiérarchies naturelles, aux authentiques hiérarchies normales, aux authentiques hiérarchies compétentes et responsables des divers organismes sociaux ce surcroît idéologique, doctrinal ; ce surcroît d’information politique et sociale ; cette conscience enfin de leur légitimité[175] ».
Mais de nouveaux nuages s’amoncellent au-dessus de l’Office. Le problème, cette fois, est constitué par le post-Concile Œcuménique Vatican II[176] et en particulier par la réforme liturgique et par le cas de Mgr Lefebvre. De nombreux participants aux congrès de Lausanne et aux cellules sont favorables à la Messe traditionnelle et soutiennent Mgr Lefebvre. Ils demandent à Ousset de prendre position. Mais le penseur catholique « [...] leur oppose énergiquement une fin de non-recevoir[177] », en déclarant que l’Office — lequel n’est pas un mouvement et ne s’occupe pas de tout — a comme vocation la diffusion de la doctrine sociale et l’intervention à la lumière de cette doctrine dans les questions sociales et politiques. L’Office refuse donc explicitement de se prononcer en matière de liturgie, d’enseignement théologique ou de catéchismes. Mais le problème demeure, et si l’on ne célèbre pas la Messe traditionnelle aux congrès de Lausanne, on ne célèbre pas non plus la nouvelle Messe dite de Paul VI : se succèdent « [...] rite dominicain, rite mozarabe, rite ukrainien, rites syriaque, maronite, grec… pour le plus grand mécontentement de certains[178] ».
La rupture avec Mgr Lefebvre et avec ceux qui estiment devoir s’engager explicitement dans le domaine liturgique devient inévitable. La route d’Ousset se sépare aussi de celle de Madiran, même si des rapports amicaux subsistent. D’autres vont jusqu’à reprocher à l’Office un abandon des thèses contre-révolutionnaires — et non plus seulement de la terminologie — d’une édition à l’autre de Pour qu’Il règne[179]. Ces accusations sont assurément excessives, mais montrent à quel degré de profondeur la nouvelle crise provoquée par la réforme liturgique et par l’affaire Lefebvre — après celles du Ralliement et de la publication de la condamnation de l’Action française — a une fois de plus coupé en deux la droite catholique française.
La rupture avec Mgr Lefebvre fait réapparaître au grand jour un motif de conflit qui était resté dans l’ombre, mais qui depuis toujours avait différencié la mentalité d’Ousset de celle de l’évêque traditionaliste. En cela plus proche de la vision du Concile Œcuménique Vatican II, Ousset avait toujours revendiqué le droit des laïcs à s’organiser dans le domaine pré-politique et politique en faisant abstraction de la direction du clergé, et avait insisté sur la grandeur de la mission proprement laïque d’instauration de l’ordre temporel. Mgr Lefebvre — proche en cela, paradoxalement, de ses adversaires progressistes qui exaltaient le rôle unique de l’Action catholique — n’avait pas beaucoup d’estime pour les laïcs qui agissent indépendamment de la direction des prêtres. Dans un document à diffusion interne de la Fraternité sacerdotale saint Pie X, rédigé en 1990 après la rupture avec le mouvement Renaissance catholique, on dénonce les « [...] tendances néfastes de l’Apostolat des laïcs à l’indépendance vis-à-vis de l’autorité ecclésiastique [...] tous les mouvements qui ont voulu accomplir la tâche des prêtres sans leur être soumis ont donné quelques espoirs dans les débuts puis ont tout dévié dans des compromissions puis dans la doctrine [...] la TFP au Brésil, [...] la Cité catholique de Jean Ousset[180] ». Alors que le modèle idéal d’association de laïcs pour Mgr Lefebvre semble être une Action catholique liée à la Fraternité sacerdotale saint Pie X plutôt qu’aux évêques progressistes, et dont toute la fierté consisterait à offrir à la Fraternité le nombre le plus élevé possible de vocations, l’action civique qu’Ousset a en vue rejette les prétentions directrices du clergé et des évêques — fussent-ils « amis » — avec une vigueur telle qu’elle rappelle le modèle d’un « anticléricalisme catholique de droite[181] » évoqué par l’historien René Remond (1918-2007).
Autoportrait
de Jean Ousset en 1973 |
« De droite[182] », précisément. L’Office d’Ousset reste un mouvement qui se situe politiquement à droite et qui est perçu comme tel. Tandis que sur le plan liturgique — et théologique — il est attaqué par des milieux traditionalistes pour son supposé modérantisme, l’Office continue à recevoir « depuis la gauche », à cause de ses positions politiques, des critiques qui, périodiquement, reviennent sur les événements d’Algérie et sur l’OAS. Ces critiques deviennent même plus virulentes après la « Révolution argentine » de 1966, à savoir le coup d’État militaire de juin 1966 dirigé par le général Juan Carlos Onganía Carballo (1914-1995).
En Argentine, dès le 19 mai 1959 est fondée une organisation sœur de la Cité catholique, La Ciudad Católica, avec une revue homologue à Verbe, Verbo, dont le premier numéro est daté de juin 1959. Parmi les fondateurs figurent un prêtre français, le père Georges Grasset C.P.C.R., et le colonel Juan Francisco Guevara (1922-2009), un officier très proche du général Onganía et ancien bras droit du général Eduardo Lonardi (1896-1956) lors du coup d’État de 1955 qui a renversé le président Juan Domingo Perón (1895-1974). La direction de Verbo est confiée à l’ingénieur Roberto Mateo Gorostiaga (1922-2003)[183]. L’organisation agit, elle aussi, avec le système des cellules de la Cité catholique, mais Verbo s’ouvre à des apports de la droite catholique et contre-révolutionnaire ibéro-américaine qui ne figurent pas dans la revue française Verbe. C’est ainsi qu’elle publie des articles du prêtre argentin Julio Ramón Meinvielle (1905-1973) et du penseur brésilien Corrêa de Oliveira, que l’on a déjà mentionné.
L’histoire de La Ciudad Católica est étroitement liée à celle de la droite catholique argentine, laquelle connaît des vicissitudes plutôt compliquées[184]. Il suffira de signaler ici que l’association jouit de l’appui du cardinal et archevêque de Buenos Aires Antonio Caggiano (1889-1979), qui signe un Prólogo à la traduction espagnole d’un ouvrage d’Ousset, El Marxismo-leninismo, publiée à Buenos Aires en 1963[185], et que — comme cela était arrivé en France — aussi bien les cellules de La Ciudad Católica que les Exercices spirituels prêchés par les Coopérateurs Paroissiaux du Christ-Roi, en particulier par le père Grasset, suscitent un vif intérêt dans certains milieux militaires[186].
En Argentine également — comme en France et en Algérie — le système des cellules rend difficile de dire qui est « membre » de La Ciudad Católica. Il est certain que des personnalités dirigeantes de l’organisation soutiennent le coup d’État de 1966 — ce qui, faut-il ajouter, correspond à une attitude majoritaire dans l’Église ainsi que dans la presse et l’opinion publique argentines, puisque le gouvernement du président Arturo Umberto Illia (1900-1983) est unanimement jugé incompétent et corrompu — et que certains d’entre eux sont nommés à des fonctions officielles par le régime militaire. Guevara, qui en 1965 avait aussi participé au congrès de l’Office à Lausanne, devient ambassadeur en Colombie : une fonction mineure, étant donné son amitié avec Ongania, selon certains un promoveatur ut amoveatur pour l’éloigner du pays[187], ce qui montrerait que, dès le début, sont à l’œuvre dans la Révolution argentine des courants idéologiques différents. Gorostiaga, le directeur de Verbo, assume la direction du Sepac, le Secrétariat d’État pour la promotion et l’assistance à la communauté, organisme qui dépend du ministère du Bien-être social et dont la création aurait été encouragée par La Ciudad Católica elle-même, pour mettre en pratique des idées d’Ousset sur l’aide aux élites locales naturelles[188]. En 1968, un ami de Guevara lié à La Ciudad Católica, Carlos Caballero (1917-1981), devient gouverneur de Córdoba.
Il ne s’agit pas, on le voit, de fonctions de tout premier rang, ni telles qu’elles permettraient de soutenir que, à la faveur des événements de 1966, « la Ciudad Católica prend le pouvoir»[189] ». Cette affirmation, sans aucun doute grossièrement outrancière, est de la journaliste française Marie-Monique Robin, auteure en 2004 d’un livre-enquête sorti en même temps ou presque qu’un autre livre analogue publié par le chroniqueur politique Horacio Verbitsky, au point que ce dernier parle de « livres simultanés[190] ». Les deux ouvrages soutiennent la thèse d’une responsabilité directe de La Ciudad Católica et indirecte d’Ousset — à travers les textes écrits à l’époque de la guerre d’Algérie, en particulier ceux signés « Cornelius », traduits en leur temps par Verbo — dans les cas des desaparecidos, à savoir des opposants et terroristes vrais ou présumés — selon Verbitsky et Marie-Monique Robin, en grande partie présumés — arrêtés et que le régime militaire argentin fit « disparaître » entre 1976 et 1983. Le lien, selon cette thèse, impliquerait la haute hiérarchie de l’Église catholique argentine, qui aurait organisé ou du moins permis le passage en Argentine — organisé par le père Grasset — de membres de l’OAS recherchés en France et qui avaient participé aux activités de la Cité catholique, ainsi que certains responsables des gouvernements français de l’époque, qui auraient favorisé ces contacts à travers des conseillers militaires envoyés en Argentine.
Les ouvrages de Verbitsky et de M.–M. Robin offrent les matériaux « historiques » sur lesquels s’appuie un roman à succès paru en Italie en 2009 et dû à l’écrivain turinois Alessandro Perissinotto. Per vendetta (Par vengeance) met en scène la capture, la torture et le meurtre d’un prêtre lié à La Ciudad Católica, le père Tino Scanderebech, un personnage imaginaire[191], par une jeune femme et par ses camarades, qui vengent ainsi la mort du père de l’héroïne à l’époque des desaparecidos. En l’occurrence, les faits relatifs à La Ciudad Católica sont rapportés de manière plutôt fantaisiste. Par exemple, il est affirmé que « [...] dans “Verbe” [...] Jean Ousset a publié ses thèses soutenant la torture[192] », «Je parie que tu n’as jamais lu “Verbe” ; si tu l’avais fait, tu aurais découvert que l’Église catholique admet l’usage de la torture pour la défense de la foi[193] », alors que, on l’a vu, Ousset ou, mieux, « Cornelius », soutenait plus ou moins le contraire. Et le contexte est typiquement « complotiste » : l’idée d’une expérience argentine qui culminera dans une sorte de génocide politique où les athées et les communistes seront physiquement exterminés, serait venue au Pape Paul VI et à Mgr Lefbvre, « divisés sur les questions de forme, non sur l’essentiel[194] ». D’après le roman, elle a comme relais, par rapport à la hiérarchie argentine, Mgr Pio Laghi (1922-2009), ensuite cardinal, nonce apostolique dans le pays ibéro-américain de 1974 à 1980, et se prolonge jusqu’à nos jours puisque les héritiers de l’Office — dont on fournit même l’adresse bien réelle à Paris[195], afin que ceux qui voudraient vraiment les frapper « par vengeance » sachent du moins où aller — se sont alliés à l’Opus Dei, à laquelle sont attribués tous les méfaits déjà énumérés dans le Da Vinci code de l’écrivain américain Dan Brown[196], dûment cité[197]. Dans un appendice intitulé « La vérité et la fiction[198] » on soutient, à la Dan Brown précisément, que toutes les références du roman à l’Église catholique, à Ousset et à La Ciudad Católica reposent sur des faits établis et que l’ombre décidément très longue du « lien entre Ichtus [à savoir la principale organisation héritière de l’Office] et l’Opus Dei[199]» s’étend aujourd’hui encore jusqu’au gouvernement du président Nicolas Sarkozy.
Jean Ousset
(1914-1994) |
On peut se demander quel sens cela a d’attaquer aujourd’hui des figures comme Ousset ou des associations comme La Ciudad Católica argentine, qui sont pour l’essentiel inconnues du grand public. L’intentio de cette littérature n’est autre qu’une attaque laïciste contre l’Église catholique, que l’on cherche à impliquer — jusqu’en la personne du Pape Paul VI — dans les faits liés aux desaparecidos, Ousset et les associations inspirées par lui servant à bâtir un organigramme extravagant. Mais le compte n’y est pas. Les histoires des desaparecidos commencent en 1976. À l’époque, trois éléments s’étaient vérifiés dont Verbitsky et M.-M. Robin — pour ne pas parler du roman de Perissinotto — ne tiennent pas compte. En premier lieu, « dès le milieu de l’année 1967[200] » La Ciudad Católica exprime sa déception à l’égard du régime militaire, qui apparaît en réalité médiocrement intéressé par un programme de formation doctrinale et d’appui aux élites locales. Sans ces facteurs, écrit Verbo en octobre 1967, « [...] la Révolution argentine [...] ne pourra pas trouver une raison d’être et ne sera pas très différente d’un vulgaire coup d’État d’Amérique centrale[201] ». La déception se traduit dans un désengagement : Gorostiaga démissionne de son poste de président du Sepac, dont les activités cessent en 1970 ; en 1969, Caballero est remplacé comme gouverneur de Cordoba par un militaire, après les troublés appelés El Cordobazo. Á partir de 1970, plus aucun représentant de La Ciudad Católica n’occupe des fonctions politiques importantes en Argentine.
Un deuxième événement décisif mais passé sous silence est l’assassinat à Buenos Aires du nouveau directeur de Verbo et président de La Ciudad Católica, Carlos Alberto Sacheri (1933-1974), abattu par le groupe terroriste ERP, l’Ejército Revolucionario del Pueblo, le 22 décembre 1974. Le meurtre brutal de cet avocat paisible et philosophe thomiste devant toute sa famille, alors qu’il rentre chez lui après avoir assisté à la Messe, prouve de façon tragique que le danger du terrorisme dans l’Argentine des années 1960 et 1970 n’était pas du tout imaginaire.
En troisième lieu, lorsque commence toute l’affaire des desaparecidos, les principaux représentants de la première génération de La Ciudad Católica ont désormais rompu avec Ousset à propos de la Messe et se sont rangés du côté de Mgr Lefebvre, dont la Fraternité sacerdotale saint Pie X a entamé une activité en Argentine. Tel est l’itinéraire de Gorostiaga[202], mais aussi celui du colonel Guevara, lequel cependant, dans les dernières années de sa vie, se rapproche de la pleine communion avec Rome, au point d’entrer comme novice, en 2009 et à l’âge de quatre-vingt-sept ans, dans l’Institut du Verbe Incarné[203], dont le fondateur, le père Carlos Miguel Buela I.V.I., reconnaît du reste parmi ses sources d’inspiration La Ciudad Católica[204] ainsi que dom Meinvielle et Pierre Boutang (1916-2000), disciple et biographe de Maurras[205].
Quant à Ousset, dans les années 1970 il attribue les difficultés de l’Office — qui toutefois réunit à Lausanne un nombre de plus en plus important de participants enthousiastes — non pas tant à la question liturgique et aux polémiques sur l’Argentine qu’à des points, encore une fois, de doctrine de l’action. Le passage de la Cité catholique à l’Office était censé, on l’a vu, réaffirmer la nature de l’organisation d’Ousset, œuvre auxiliaire et non mouvement. Mais, objecte maintenant Ousset, le succès même des congrès de Lausanne aurait réintroduit la tentation du mouvement, faisant des cellules des structures principalement vouées à préparer, d’année en année, les congrès. Selon Ousset, ceux-ci auraient absorbé toute l’énergie disponible de l’Office, « comme si la finalité de l’armée française pouvait se limiter au réconfort que les défilés annuels du 14-juillet apportent aux bons patriotes[206] ». Il est vrai également que l’on voyait revenir en force les difficultés inhérentes à une œuvre centrifuge, par définition difficile à tenir soudée : « [...] progressivement, les “organes périphériques” – qui n’auraient dû être qu’un prolongement actif du travail de l’Office dans des secteurs déterminés – prennent le pas sur ce dernier. Ils prospèrent, alors que le centre périclite[207] ».
L’idée même d’œuvre auxiliaire et centrifuge était sans doute difficile à mettre en pratique. Il se peut qu’elle ait conduit les militants, dont chacun devait aller animer une réalité extérieure, à se disperser dans la société civile, au détriment de la nécessaire cohésion unitaire. Mais, d’un autre côté, ce n’était pas Ousset qui avait tort : c’était la société qui avait changé. Pour citer le sociologue français Émile Poulat, la « civilisation paroissiale[208] » prenait fin. Et au fur et à mesure que la Révolution avance et produit ce que le sociologue italien Giuseppe De Rita a appelé la « société morcelée[209] » — , le phénomène ne concerne pas seulement la paroisse, mais toute les réalités qu’Ousset voulait aller aider avec son œuvre auxiliaire. En France, mais ailleurs aussi, ce bouleversement connaît son moment culminant durant l’année 1968, qui précède d’un an la réforme liturgique. Alors que Pour qu’Il règne avait décrit trois étapes de la Révolution, avec 1968 on entre aussi symboliquement dans ce que Corrêa de Oliveira appelle « IVe Révolution[210] » : une Révolution nouvelle, qui a également des conséquences dramatiques sur les perspectives d’action. Abstraction faite des difficultés des militants « auxiliaires », la question qui se pose c’est que, sous la IVe Révolution, ce sont les catholiques pratiquants, ceux qui sont prioritairement destinés à être « aidés » par les « auxiliaires », qui voient leur nombre diminuer. S’il en est bien ainsi, il s’agit donc, non pas de changer la doctrine, mais de prendre acte que la société a changé[211].
Ousset traduit cette prise de conscience par un geste en quelque manière dramatique. Il affirme : « Je me déclare contre Lausanne![212] », « Je me fous éperdument du succès du congrès de Lausanne![213] » — scandale absolu dans une organisation qui a mis le congrès annuel au cœur de ses préoccupations. En 1973, Ousset « disparaît ». Il quitte l’Office, sa famille, ses amis et — avec une perruque sur la tête et une fausse carte d’identité au nom de Jean Dussel — commence à sillonner la France, en se présentant non comme le leader catholique connu à l’échelle national, mais comme un homme revenu dans son pays et à la recherche d’un emploi après avoir été précepteur privé de jeunes Français installés en Argentine. Il fait la queue dans les bureaux de placement et accepte toute une série d’emplois très humbles — ouvrier, paysan, chauffeur, serveur — qui devraient lui permettre de « [...] rencontrer, parler, interroger, savoir de près — en direct — où en est le peuple de France[214] ».
Certes, tout dans cet épisode n’est pas clair : il est possible que des questions personnelles aient influencé le choix d’Ousset ainsi que des questions de leadership au sein de l’Office, pour ne pas parler d’une certaine lassitude devant la répétition de controverses à propos de la liturgie et de l’affaire Lefebvre[215]. Quoi qu’il en soit, le résultat de la curieuse « observation participante » d’Ousset est à la fois désolant et source, comme en témoignent ceux qui l’approchent lorsqu’il revient à Paris au printemps 1974, d’un enthousiasme renouvelé[216]. Le diagnostic d’Ousset est sans complaisance : après Mai 68, la Révolution a détruit jusqu’aux moindres structures de la vie en commun et de la convivialité humaine, les personnes sont devenues incapables de se parler et de vivre ensemble de façon normale. Avant de proposer la doctrine de Pour qu’Il règne — mais sans exclure qu’il faille revenir, en dernière analyse, à celle-ci —, il faut reconstruire le tissu minimal des rapports humains à travers une action qu’Ousset appelle « sociabiliste ». « Le sociabilisme — écrit-il en 1975 — n’est pas une manière de convertir les gens à quelque autre système que ce soit. Il a pour but spécifique (très limité) de permettre à des gens de vivre ensemble, même si ces gens ne veulent changer en rien[217] ».
Quand Ousset propose le sociabilisme aux dirigeants de l’Office, il en est peu qui le suivent. « Sociabilisme » ressemble trop à « socialisme ». Et bien qu’Ousset s’efforce de préciser qu’il s‘agit d’une action préliminaire, rendue nécessaire par les désastres de l’après-68, « [...] on parle d’”attitude minimaliste”, de compromission, ou bien on ne le prend pas au sérieux[218] ». La tentative d’Ousset d’organiser, avec quelques amis, l’action sociabiliste, dans le cadre d’un club Civisme et Culture, n’a pas de succès et s’achève avant la fin des années 1970. Quant à l’Office, si la rupture avec certains est brutale, Ousset continue à collaborer avec d’autres membres de l’organisation, mais sans jouer un rôle officiel ni occuper une fonction officielle. Ousset n’est pas étranger à la mise en place d’une collaboration féconde avec le professeur Jérôme Lejeune (1926-1994), généticien de réputation mondiale — dont le procès en béatification s’est ouvert en 2007 — aux côtés duquel bon nombre d’hommes qui avaient été des disciples d’Ousset organisent, à travers des réseaux, une action d’opposition à l’avortement.
La crise sociabiliste n’en est pas moins la dernière d’une série dont l’Office ne parvient pas à se remettre. Cependant, des membres de l’Office — lequel continue d’ailleurs à exister sous ce nom pendant quelque temps — donnent naissance en 1981 à son principal héritier, à savoir l’Ictus, l’Institut culturel et technique d’utilité sociale, qui se transforme en 1997 en Centre de formation à l’action civique et culturelle selon le droit naturel et chrétien, lequel reprend toutefois en 2006 la dénomination Ichtus, écrit cette fois avec un « h », de manière à coïncider plus précisément avec le mot grec qui signifie « poisson » et qui était, pour les premiers chrétiens, l’acronyme de « Jésus Christ Fils de Dieu Sauveur ». Cette organisation publie toujours la revue Permanences. Ousset y collabore discrètement jusqu’à sa mort, proposant en particulier des méditations et des activités qui partent de la notion de beauté. La découverte du beau, la voie de la beauté pour arriver à Dieu et à l’ordre naturel et chrétien ont toujours été des éléments constitutifs de la pensée d’Ousset, et mériteraient un approfondissement spécifique[219]. C’est précisément alors qu’il est en train de mettre en pratique ses enseignements sur le beau et qu’il cherche à faire « apprendre à voir[220] » un groupe d’animateurs en les guidant lors d’une visite du musée du Louvre qu’Ousset est frappé par un accident cérébral qui provoque son décès, le 20 avril 1994.
Que reste-t-il de Jean Ousset ? Une association, que l’on aurait tort de sous-estimer, mais dont les dimensions sont demeurées relativement modestes. En toute rigueur de termes, il faudrait dire « plusieurs » associations : en effet, outre Ichtus, il faut mentionner l’Institut Civitas, qui défend des positions politiques et théologiques plus intransigeantes. L’Institut Civitas se sépare de l’Ichtus sur la question de la Messe, à propos de laquelle il adopte la position de la Fraternité sacerdotale saint Pie X fondée par Mgr Lefebvre, avec laquelle il collabore ouvertement: « [...] en effet — déclare-t-il — comment expliquer que Jean Ousset accepte le combat doctrinal et refuse le combat liturgique, puisque l’Église a toujours »affirmé que la manière de prier était une manière de croire, principe énoncé sous la forme de l’adage“lex orandi, lex credendi”?[221] ». D’un côté, l’Institut Civitas estime être « dans la lignée[222] » de la Cité catholique de l’époque antérieure à sa transformation en Office ; de l’autre, il affirme que celle-ci a « échoué[223] », car — à une époque où « [...] le pouvoir politique a été détenu uniquement par des hommes – ou par des groupes – acquis aux thèses de la Révolution[224] » —, la Cité catholique ne s’est pas posé explicitement le problème de renverser les détenteurs du pouvoir, se limitant ainsi à la sphère pré-politique. « C’est pourquoi l’Institut Civitas entend mener, en plus de son action de formation de cadres et de pression sur les pouvoirs publics, une réflexion sur la manière de conquérir le pouvoir politique, d’abord là où il est accessible, c’est-à-dire à l’échelle locale des municipalités[225] ». Le Cercle de travail Civitas — équivalent des cellules de la Cité catholique, mais, à la différence de celles-ci, toujours doté d’un chef, parce que « le Cercle de travail est comme une embarcation qui a besoin d’un capitaine[226] » — cherche ainsi explicitement, là où c’est possible, à préparer les participants aux réunions à leur rôle de futurs candidats aux élections municipales : développement assurément légitime, mais qui transforme l’association en quelque chose de différent de l’œuvre auxiliaire qu’Ousset avait en tête.
D’Ousset il reste également de nombreux ouvrages — dont un grand livre, et pas seulement par son nombre de pages, Pour qu’Il règne — qui sont désormais une pierre essentielle de l’histoire de la pensée contre-révolutionnaire et dont l’évocation du thème de la royauté sociale de Notre Seigneur Jésus-Christ et des modes historiques de sa négation reste un legs inaliénable. Ousset laisse aussi une longue et douloureuse réflexion sur les problèmes de l’organisation d’une avant-garde contre-révolutionnaire, qu’il a toujours cherché à concevoir d’abord et à résoudre ensuite. « Pour la première fois de son histoire, grâce à Jean Ousset — écrit Raphaëlle de Neuville —, le catholicisme traditionnel a pensé objectivement le problème des méthodes d’action, le résolvant à la lumière de la doctrine. Il s’est consacré à établir une stratégie d’action contre-révolutionnaire, fil conducteur évident de toute son œuvre[227] » .
A-t-il réussi ? Ousset pensait que non. Vers la fin de sa vie, il concluait: « J’ai fait des curés, j’ai fait de bons chrétiens, j’ai fait des doctrinaires, mais ce que je voulais, la véritable classe politique efficace, les mille qui, répandus dans le corps social, sont capables de l’animer en profondeur et de conduire le pays pour recréer une véritable civilisation, eh bien, ceux-là, je ne les ai pas sortis[228] ». Bien qu’ayant trouvé des dizaines de milliers de lecteurs et d’admirateurs, il craignait de n’avoir pas trouvé les mille qu’il cherchait. La Cité catholique, l’Office et quelques-unes de ses incarnations postérieures, tout en conservant un petit noyau central de permanents, offrent un modèle d’association contre-révolutionnaire décentralisée, dont les membres consacrent la plupart de leur temps à animer des réalités extérieures, mais en affirmant maintenir une inspiration commune. Ce modèle est constamment exposé au risque de la perte de l’intégrité et de la fragmentation de l’association centrale dans les différentes associations « satellites[229] » : terme employé dans l’Office, mais « [...] qui, en fait, n’est pas le plus approprié. Car les différents organismes gravitant autour du centre, bien loin d’être des organes téléguidés par ce dernier, exécutant les ordres venus “d’en haut”, vivent de leur vie propre[230] ».
Néanmoins, la façon dont est posé le problème de l’action contre-révolutionnaire dans les écrits et l’œuvre d’Ousset présente toujours un grand intérêt. Cela vaut pour la présentation de 1959 comme pour les tentatives, pas toujours couronnées de succès, de poser le problème autrement après la crise de 1968 et après ce « Mai 68 dans l’Église » qu’a été la période postconciliaire. Cela vaut, également, pour les tentatives d’Ichtus de mettre à jour une mission «pour qu’Il règne» adaptée aux besoins des hommes du XXIe siècle, quitte à adopter une orientation qui « inverse notre manière habituelle de travailler »[231], en proposant d’abord des actions concrètes par lesquelles la nécessité de la formation, qui demeure capitale, émergera d’elle-même.
Pour en venir à une conclusion qui est presque autobiographique, je dirai que l’on ne peut pas nier que le contact avec Ousset, avec ses organisations et les grands congrès organisés surtout dans les années 1970 à Lausanne, a été un point de référence — ni le seul, ni même le principal — pour Alleanza Cattolica, alors naissante. En effet, quelque chose de l’idée d’ « œuvre auxiliaire » fut longtemps mis en pratique, en Italie également, par Alleanza Cattolica. : les membres de celle-ci allaient, pour ainsi dire avec leur mallette, dans les paroisses, dans les associations et aux sièges de différents partis politiques, y développant une activité de propagande et d’animation, conscients qu’ils ne rencontreraient des associés potentiels que de manière occasionnelle.
Dans le même temps, observant précisément les difficultés rencontrées par l’Office en France, Alleanza Cattolica était sensible au risque que l’idée d’une œuvre de type auxiliaire pourrait conduire ses membres, si chacun était simplement allé animer une réalité extérieure, à se disperser dans la société civile, se privant ainsi des moments de rassemblement unitaire.
Alleanza Cattolica tint compte des vicissitudes connues par Ousset, dont elle jugeait les organisations trop fluides. Elle insista sur les réunions de groupe appelées « croix » — toujours dirigées, à la différence des cellules françaises, par un responsable — et sur les périodes de retraite périodique comme autant de moments de retrouvailles indispensables. Aux antipodes du modèle de la Cité catholique et de l’Office, qui se voulaient le plus possible centrifuges, Alleanza Cattolica étudia aussi, mais n’adopta pas, le modèle centripète de la TFP brésilienne, reposant sur des membres à temps plein ayant fait vœu de célibat et qui vivaient dans des maisons communes. Mais on allait constater, après la mort de Corrêa de Oliveira, que ce modèle lui-même est également exposé à certains risques[232].
Alleanza Cattolica a choisi une troisième voie, consciente qu’il ne s’agit pas à son tour de la formule magique de l’action contre-révolutionnaire et que chaque voie doit de toute façon prendre en charge les problèmes qui dérivent de l’émiettement de la société de la IVe Révolution. Depuis l’action auxiliaire auprès de milieux préexistants auxquels se présenter en diffusant des publications et en offrant une formation — action qui est possible aujourd’hui encore —, il sera donc nécessaire de passer aussi à la création directe de milieux qu’il s’agit d’abord d’« inventer » en réunissant des personnes autour de symboles, de mots d’ordre, de bannières et aussi d’exemples de vie chrétienne, vécue et présentée également dans sa capacité d’accueillir et de consoler ceux qui souffrent face à la « société enlaidie » de la IVe Révolution. Puis il faudra animer et former ces personnes.. Sur ce point, la leçon d’Enzo Peserico (1959-2008), l’un de ses dirigeants milanais prématurément disparu, reste pour Alleanza Cattolica tout à la fois providentielle et d’une importance cruciale.
Le fait que ce combat est difficile, qu’il doit être constamment pensé sous l’angle de l’action et non pas seulement sous celui des idées, le fait qu’il n’a de sens et peut-être d’issue que s’il est mené sous la bannière du Christ-Roi et pour la plus grande gloire, également sociale, de Dieu[233] — telle est la leçon que nous avons apprise, avec d’autres, de Jean Ousset. De cela, nous lui sommes et lui restons reconnaissants.
[1] Cf. Jean Ousset, Pour qu’Il règne, La Cité catholique, Paris, 1959. L’ouvrage se présente, et a été considéré par Ousset comme une première édition, bien qu’il rassemble des textes parus dans les numéros 50 à 88 de la revue Verbe. Dans la même édition de Pour qu’Il règne de 1959 Ousset fait allusion à une édition « de 1957 et 1958 » ayant pour titre Pour qu’Il règne sur nous (J. Ousset, Pour qu’Il règne, p. 728). Ce renvoi concerne Idem, Pour qu’Il règne sur nous… au combat pour la cité catholique. Dossier I, La Cité catholique, Paris, 1957; et Idem, Pour qu’Il règne sur nous… au combat pour la cité catholique. Dossier II, La Cité catholique, Paris, 1958, volumes qui semblent avoir eu une circulation plutôt limitée et par rapport auxquels Pour qu’Il règne de 1959 a été revu et augmenté, notamment dans l’illustration et la démonstration historiques des thèses ainsi que dans l’appareil scientifique.
[2] Cf. Plinio Corrêa de Oliveira, Revolução e Contra-Revolução, numéro spécial (n° 100) de la revue Catolicismo, Campos, 1959; voir l’édition italienne du cinquantenaire, avec une présentation et un appareil scientifique de Giovanni Cantoni, Rivoluzione e Contro-Rivoluzione. Edizione del cinquantenario (1959-2009) con materiali della «fabbrica» del testo e documenti integrativi, Sugarco, Milan, 2009.
[3] Cf. G. Cantoni, « Plinio Corrêa de Oliveira al servizio di un capitolo della dottrina sociale della Chiesa: il commento del Magistero alla “parabola dei talenti” », in Cristianità, XXIIe année, n° 235, novembre 1994, pp. 17-24, à présent in Idem, Per una civiltà cristiana nel terzo millennio. La coscienza della Magna Europa e il quinto viaggio di Colombo, Sugarco, Milan, 2008, pp. 143-161 (pp. 150-153).
[4] Cf. Pie IX, Epist. enc. «Inter multiplices» de cura et studio in catholica doctrina sustinenda, du 21-3-1853, in Enchiridion delle Encicliche, vol. 2, Gregorio XVI. Pio IX. (1831-1878), éd. bilingue, EDB - Edizioni Dehoniane Bologna, Bologne, 1996, pp. 286-299.
[5] Sur ces disputes cf. Daniel Moulinet, Les Classiques païens dans les collèges catholiques? Le combat de Mgr Gaume (1802-1879), Cerf, Paris, 1995.
[6] Cf. Léon XIII, Lettre encyclique « Au milieu des sollicitudes » sur la situation de l’Église en France, du 16-2-1892, in Enchiridion delle Encicliche, vol. 3, Leone XIII. (1878-1903), EDB - Edizioni Dehoniane Bologna, Bologne, 1997, éd. bilingue, pp. 692-719.
[7] Dans le même sens cf. Florian Michel, L’Action Française et l’intégrisme catholique : les paradoxes d’un antiromanisme ultraromain, in Idem et Bernard Sesboüé S.J., De Mgr Lefebvre à Mgr Williamson. Anatomie d’un schisme, Lethielleux-Desclée de Brouwer, Paris, 2009, pp. 11-76; cf. également F. Michel, « Intégrisme catholique et politique », in Études. Revue de culture contemporaine, CLIIIe année, vol. 411, n° 3 (4113), Paris, septembre 2009, pp. 211-222, qui fait aussi spécifiquement référence à Ousset (p. 211).
[8] Guy Augé, Les Blancs d’Espagne. Contribution à l’étude d’une composante du royalisme français contemporain, 2e éd., Association des Amis de Guy Augé-La Légitimité, Paris, 1995, p. 156. Le même auteur estime à environ 8% le pourcentage des « Blancs d’Espagne » parmi les monarchistes français à la fin du XIXe siècle (cf. ibid., p. 150).
[9] Cf. Grégoire Kauffmann, Édouard Drumont, Perrin, Paris, 2008, qui est l’ouvrage le plus complet sur Drumont, bien qu’écrit d’un point de vue explicitement hostile au personnage.
[10] Cf. Georges Bernanos, La Grande peur des bien-pensants, Bernard Grasset, Paris, 1931.
[11] Sur toute l’affaire de 1926 il existe une vaste bibliographie. Mais un ouvrage est véritablement essentiel : Jacques Prévotat, Les Catholiques et l’Action française. Histoire d’une condamnation, 1899-1939, Fayard, Paris, 2001.
[12] Raphaëlle de Neuville, Jean Ousset et la Cité catholique, Dominique Martin Morin, Bouère, 1998, p. 42.
[13] Parmi de nombreux ouvrages, c’est par exemple le cas de celui de Horacio Verbitsky, L’isola del silenzio. Il ruolo della Chiesa nella dittatura argentina, trad. it., Fandango Libri, Rome, 2006, p. 17.
[14] Cf. J. Ousset, Fondements d’une doctrine, supplément à Bastions, n° 1, Vichy, 1944, mais il est possible que l’indication soit erronée et que la publication remonte en réalité à l’année 1943; réédité sous le pseudonyme de Jean Marial, Au commencement. Rappel de quelques principes et notions, Éditions Dillen, Issoudun-Verbe, Salon-de-Provence, 1946, cet ouvrage sera dans les années 1950 un outil de formation important pour les groupes inspirés par Ousset.
[15] Cf. Idem, Histoire et génie de la France, supplément à Bastions n° 2, Vichy, 1943.
[16] Cf. Idem, Fondements d’une doctrine, op. cit., p. 39.
[17] Ibidem.
[18] Ibid., p. 40.
[19] Cf. ibid., p. 93.
[20] Cf. Antoni Sospedra Buyé C.P.C.R., Per carrers i places. La premsa de Catalunya i l’obra dels exercicis parroquials del p. Vallet, Edita Biblograf, Barcelone, 1977; Idem, Fa cinquanta anys. Assaig històric sobre el naixement de l’obra dels exercicis parroquials del p. Vallet, Editorial Balmes, Barcelone, 1975; Idem, El Padre Vallet (1883-1947). Un apóstol de los hombres en los tiempos modernos, chez l’Auteur, Barcelone, 1995; Philippe Barbier C.P.C.R., Le Père Vallet en mission avec les Exercices de Saint Ignace pour les hommes adultes, Saint-Paul, Versailles, 1996; ainsi que deux textes d’inspiration « lefebvriste »: Jean-Jacques Marziac, Un grand convertisseur du XXème siècle. Le Père François de Paule Vallet Fondateur des Pères C.P.C.R., Maison d’Exercices Spirituels St. Joseph, Caussade, 1995; et Maurice Conat, « L’Apôtre du Règne »: François de Paule Vallet, 1884-1947, 2a éd., Maison d’Exercices Spirituels St. Joseph, Caussade, 2003. En effet, le séminaire de Mgr Lefebvre à Ecône, en Suisse, a eu longtemps pour directeur spirituel le père Ludovic-Marie Barrielle C.P.C.R. (1897-1983), qui avait quitté en 1973, se trouvant en désaccord avec les nouvelles constitutions de la congrégation, les Coopérateurs Paroissiaux du Christ-Roi, dont il avait été élu supérieur général en 1944. Le P. Barrielle avait aussi été le plus fameux prêcheur des Exercices ignatiens dans la maison française des Coopérateurs Paroissiaux du Christ-Roi à Chabeuil, dictant les Exercices, plusieurs fois, à Ousset. En Italie, de nombreux dirigeants d’Alleanza Cattolica, y compris l’auteur de ces lignes, firent leurs premiers Exercices spirituels avec le père Barrielle.
[21] R. de Neuville, op. cit., p. 52.
[22] Arnaud Ferron, Le Traditionalisme catholique en France (1946-2000). Histoire et sociologie d’un mouvement contre-révolutionnaire, thèse de doctorat en Sciences politiques, 2 vol., Université de Rennes I, Rennes, 2000, vol. I, p. 73.
[23] J. Ousset, Les arguments de notre espoir, in Actes du Congrès de Lausanne VIII. L’éducation des hommes, Office international des œuvres de formation civique et d’action culturelle selon le droit naturel et chrétien, Paris, 1973, pp. 189-209 (p. 207).
[24] Rodolphe Ferron, Aux sources du traditionalisme catholique: La Cité catholique, mémoire de D.E.A. en Sciences politiques, Université de Rennes I, Rennes, 1997, p. 85.
[25] Sur cette revue cf. Paul Airiau, La Pensée catholique, 1946-1956. Romanité à la française ou intégrisme?, mémoire de D.E.A. en Histoire du XXe siècle, Institut d’études politiques, Paris, 1995. Il est intéressant de souligner que les animateurs de La Pensée catholique, Mgr Lefebvre et de nombreux prêtres qui sont alors ou bien seront par la suite proches de l’organisation d’Ousset ont en commun des liens de différentes natures avec le père Henri Le Floch C.S.Sp. (1862-1950), supérieur du Séminaire français de Rome et, de 1923 à 1927, procureur général de la Congrégation du Saint-Esprit — dont Mgr Lefebvre lui-même sera supérieur de 1962 à 1968. En 1927, le père Le Floch avait démissionné de toutes ses charges ecclésiastiques en raison de son désaccord avec la publication de la condamnation de l’Action française.
[26] Quant au nom, cf. Pie X, Lettre « Notre charge apostolique » à propos des théories sociales du Sillon et le mirage d’une fausse démocratie, op. cit., n° 11: «Non, Vénérables Frères, — il faut le rappeler énergiquement dans ces temps d’anarchie sociale et intellectuelle où chacun se pose en docteur et en législateur, — on ne bâtira pas la cité autrement que Dieu ne l’a bâtie ; on n’édifiera pas la société, si l’Église n’en jette les bases et ne dirige les travaux ; non, la civilisation n’est plus à inventer, ni la cité nouvelle à bâtir dans les nuées. Elle a été, elle est ; c’est la civilisation chrétienne, c’est la cité catholique. »
[27] R. Ferron, op. cit., p. 7.
[28] Cf. ibidem.
[29] J. Ousset, Pour qu’Il règne, op. cit., p. 743.
[30] C’est ce qu’affirme par exemple A. Ferron, « Intégrisme et traditionalisme catholique. Réflexions autour de la réactivation d’un mouvement contre-révolutionnaire », in Jean Baudouin et Philippe Portier (sous la dir. de), Le Mouvement catholique français à l’épreuve de la pluralité. Enquête autour d’une militance éclatée, Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2002, pp. 171-209 (p. 182).
[31] J. Ousset, Pour qu’Il règne, op. cit., p. 597.
[32] Cf., sur le cas de Bastien-Thiry, avant tout la défense de l’officier lui-même: Jean-Marie Bastien-Thiry, Déclaration du colonel Bastien-Thiry, 2 février 1963, Éditions du Fuseau, Paris, 1963. Des membres de sa famille et des amis à lui ont aussi publié un livre dix ans après sa mort : cf. Geneviève Lagane et René Wittmann (sous la dir. de), Jean Bastien-Thiry. Sa vie. Ses écrits. Témoignages, Éditions d’Histoire et d’Art-Éditions Albatros, Paris, 1973. À son tour, sa fille l’a évoqué : cf. Agnès Bastien-Thiry, Mon père, le dernier des fusillés, Michalon, Paris, 2005. Pour une reconstitution journalistique des faits, cf. Jean-Pax Méfret, Jusqu’au bout de l’Algérie française. Bastien-Thiry, Pygmalion, Paris, 20072.
[33] R. de Neuville, op. cit., p. 242.
[34] J. Ousset, Pour qu’Il règne, op. cit., p. 744.
[35] Cf. R. de Neuville, op. cit., p. 246.
[36] Ibidem.
[37] Ibidem.
[38] Cf. in memoriam, avec une bibliographie, in Cristianità, XXXVIe année, n° 346, mars-avril 2008, pp. 14-16.
[39] Claude Mouton (sous la dir. de), La Contrerévolution en Algérie. Le combat de Robert Martel et de ses amis, Diffusion de la Pensée Française, Chiré-en-Montreuil, 1973; et Idem, Robert Martel. Un exemple de combat contrerévolutionnaire contemporain, Civitas, Argenteuil, 2009.
[40] Cf. R. de Neuville, op. cit., p. 241.
[41] Cf. en particulier Pierre Chateau-Jobert, Doctrine d’action contrerévolutionnaire, Éditions de Chiré, Chiré-en-Montreuil, 1972. Au congrès de Lausanne de 1974, organisé par les héritiers de la Cité catholique, le colonel Chateau-Jobert tint une réunion avec les participants italiens, présentant cet ouvrage. Je m’en rappelle bien, pour avoir traduit ses propos en italien, et j’en conserve un souvenir sous la forme d’une dédicace « à Monsieur Massimo Introvigne, qui a été mon interprète fidèle et efficace auprès d’un groupe italien contre-révolutionnaire qu’il m’a présenté ». Sur le rôle de Chateau-Jobert dans l’OAS cf. l’ouvrage monumental — assurément partisan, dans la mesure où il exprime le point de vue anti-indépendantiste, mais indispensable sous l’angle de l’information — de Georges Fleury, Histoire secrète de l’O.A.S., Bernard Grasset, Paris, 2002.
[42] R. de Neuville, op. cit., p. 236.
[43] A. Ferron, op. cit., vol. I, p. 306.
[44] Jean Madiran, « Mort d’un activiste », in Itinéraires. Chroniques et documents, n° 74, Paris, juin 1963, pp. 99-107 (p. 107).
[45] Contrairement à une légende répandue, il semblerait que la date du 13 mai n’ait pas été choisie parce que correspondant à la fête de la Vierge de Fatima. Cette coïncidence ne semble avoir été « découverte » par Robert Martel à Paris que durant l’automne 1958, au cours d’une conversation avec dom Luc Lefèvre, déjà mentionné, et immédiatement considérée comme providentielle. La découverte avait « réveillé en Robert tout ce mysticisme latent, qui ne demandait encore qu’à se développer » (C. Mouton [sous la dir. de], La Contrerévolution en Algérie. Le combat de Robert Martel et de ses amis, op. cit., p. 333). Mais la question n’est pas définitivement tranchée, puisque le général Claude Mouton lui-même, intime et biographe de Martel, revenant sur le sujet trente-six ans après l’ouvrage cité, se déclare au contraire convaincu que le choix de la date avait un rapport explicite avec Fatima, dont Martel « connaissait parfaitement » (Idem, Robert Martel. Un exemple de combat contrerévolutionnaire contemporain, op. cit., p. 11) l’histoire et qui constituait sa principale source d’inspiration avec la spiritualité du bienheureux Charles de Foucauld (1858-1916).
[46] J. Ousset, Pour qu’Il règne, op. cit., p. 577.
[47] Ibidem.
[48] Cf. Madeleine Garrigou-Lagrange, « Intégrisme et national-catholicisme », in Esprit, XXVIIe année, n° 11, Paris, novembre 1959, pp. 515-543; Eadem, « La Cité catholique propose un patron aux soldats d’Algérie : Saint Longin, le bourreau du Christ », in Témoignage chrétien. Journal hebdomadaire d’actualité, n° 736, Paris, 15-8-1958, p. 9; et Eadem, « Les chevaliers de la cité catholique montent — prudemment — à l’assaut d’un univers laïcisé », ibid., n° 737, Paris, 22-8-1958, p. 9. Le célèbre théologien dominicain Réginald Garrigou-Lagrange (1877-1964) était le cousin du grand-père de cette journaliste et écrivaine catholique progressiste.
[49] Cf. Jean-Hervé Nicolas O.P., « L’œuvre de coopération paroissiale du Christ-Roi », in La Vie spirituelle. Ascétique et mystique, XXXIe année, n° 368, Paris, décembre 1951, pp. 465-497.
[50] Cf. Jacques Maître, « Le Catholicisme d’extrême droite et la croisade anti-subversive », in Revue française de sociologie, vol. II, n° 2, Paris, 1961, pp. 106-117. Sur l’effet — négatif pour la Cité catholique — des campagnes de presse dans les séminaires français de l’époque , cf. J.-J. Marziac, Des évêques français contre Mgr Lefebvre. Tome II. Mystères douloureux, Éditions « Fideliter », Eguelshardt, 1989, pp. 143-144.
[51] Lettre de J. Ousset reproduite, sans indication de date, in Jean-Marie Le Blond S.J., « Pour et contre Cornélius », in Études. Revue de culture contemporaine, CVe année, n° 2 (300), Paris, février 1959, pp. 238-250 (p. 243).
[52] Cf. J.-M. Le Blond S.J., « Les Dangers religieux de la politique », in Études. Revue de culture contemporaine, CIVe année, n° 12 (299), Paris, décembre 1958, pp. 385-396. Suivent une lettre d’Ousset et la réplique de Le Blond dans « Pour et contre Cornélius », art. cité., où le jésuite fait également état d’une lettre, selon lui beaucoup plus agressive, contre son article « Les Dangers religieux de la politique » envoyée par un certain « M. P. » à tous les évêques français.
[53] Lettre de J. Ousset in J.-M. Le Blond, « Pour et contre Cornélius », art. cité., p. 242.
[54] Ibid., pp. 242-243.
[55] Par la suite Le Blond modérera son jugement sur la Cité catholique. Il sera d’ailleurs celui qui accordera le nihil obstat pour l’imprimatur de l’ouvrage de J. Ousset, Le Marxisme-Léninisme, La Cité catholique, Paris, 1960.
[56] Cf. J.-M. Le Blond S.J., « Les Dangers religieux de la politique », art. cité, p. 385.
[57] Je n’ai pas pu consulter directement ce Supplément au n° 96 de Verbe, que je cite d’après la thèse d’A. Ferron, Le Traditionalisme catholique en France (1946-2000). Histoire et sociologie d’un mouvement contre-révolutionnaire, op. cit., vol. I, p. 304.
[58] Ibidem.
[59] Cf. ibid., p. 305.
[60] Ibidem.
[61] R. de Neuville, op. cit., p. 203.
[62] A.[lfred] de Soras S.J., Documents d’Église et options politiques. Points de vue sur « Verbe » et sur la « Cité catholique », Éditions du Centurion, Paris, 1962. La Cité catholique a répondu à ce livre à travers un numéro spécial de Verbe, XVIe année, n° 129, mars 1962, qui contient la reproduction d’une partie du texte de Soras avec, en regard, les réponses, anonymes mais vraisemblablement dues à Jean Ousset : « Trois chapitres du R. P. A. de Soras », ibid., pp. 1-87. Le même numéro de Verbe invite à « considérer comme un instrument de travail dans les cellules » (ibid., p. 2) un texte publié à part comme supplément au n° 129 di Verbe, œuvre de Madiran, « extérieur » à la Cité catholique, et déjà paru sous une forme quasi identique dans la revue Itinéraires. Chroniques et documents dirigée par lui : cf. J. Madiran, La Cité catholique aujourd’hui, Verbe, Paris, 1962. Il s’agit d’une autre réplique, point par point, au livre d’A. de Soras.
[63] L’essentiel est reproduit dans le livre d’A. de Soras, op. cit., pp. 42-43. Ce rapport était destiné à rester secret, et il semble qu’il s’agisse de la simple transcription d’un exposé oral. En réaction aux protestations d’Ousset, le quotidien catholique La Croix publie le 15 novembre 1961 une déclaration de l’archevêque d’Alger, devenu ensuite cardinal, Léon-Etienne Duval (1903-1996) — lequel s’était opposé à la Cité catholique à propos des événements d’Algérie — qui confirme l’existence du rapport (cf. ibid., p. 42). Naturellement, une note secrète d’un évêque à destination de ses confrères n’est pas, en toute rigueur de termes, un acte de magistère épiscopal. L’auteur anonyme du rapport n’a pas été identifié avec certitude, mais certains indices conduisent à Mgr Jean-Julien Weber (1888-1981), évêque de Strasbourg, lequel avait publié pour son diocèse — en 1954 (cf. R. Ferron, op. cit., p. 79) et de nouveau en 1961 — des mises en garde contre la Cité catholique qui, sans la condamner formellement, en jugent la présence à Strasbourg inopportune, y compris parce que celle-ci « risque de nuire à l’Action catholique » (cité in A. Ferron, Le Traditionalisme catholique en France (1946-2000). Histoire et sociologie d’un mouvement contre-révolutionnaire, op. cit., vol. I, p. 89).
[64] J.-M. Le Blond, « Les Dangers religieux de la politique », art. cité, pp. 395-396.
[65] Ibidem.
[66] J. Ousset, Pour qu’Il règne, op. cit., p. 578.
[67] Cf. Concile Œcuménique Vatican II, Décret sur l’apostolat des laïques « Apostolicam actuositatem », du 18-11-1965.
[68] Cf. Dracula (États-Unis, 1931). Metteur en scène : Charles Albert « Tod » Browning, Jr. (1882-1962). Principaux interprètes : Bela Lugosi, Helen Chandler (1906-1965), David Manners (1900-1998).
[69] Cité in A. de Soras, op. cit., p. 43.
[70] J.-M. Le Blond, « Les Dangers religieux de la politique », art. cité, p. 395.
[71] Ibidem.
[72] A. de Soras, op. cit., p. 60.
[73] Ibidem.
[74] Ibid., p. 62.
[75] J.-M. Le Blond, « Les Dangers religieux de la politique », art. cité., p. 396.
[76] A. de Soras, op. cit., p. 91.
[77] Ibidem.
[78] Ibid., p. 120.
[79] Cf. Ralph McInerny (1929-2010), Vaticano II. Che cosa è andato storto?, trad. it., préface de Massimo Introvigne, Fede & Cultura, Vérone, 2009.
[80] Pour démontrer que les enseignements des Papes en matière sociale et politique changent au cours de l’histoire, donc sont réformables et peuvent faire l’objet d’un désaccord licite, A. de Soras (op. cit., pp. 87-89) soutient que sur le thème de la liberté de propagande et d’action des non-catholiques les positions du Pape Pie XII (1939-1958) sont différentes de celles du bienheureux Pie IX, et inconciliables avec ces dernières. Abstraction faite de l’exactitude des interprétations d’A. de Soras, il est intéressant de souligner que la question se posait déjà avant la déclaration sur la liberté religieuse Dignitatis humanae du Concile Œcuménique Vatican II.
[81] Cf. ibid., pp. 52-54.
[82] Cf. J. Ousset, Pour qu’Il règne, op. cit., pp. 588-589.
[83] Cf., par exemple Benedetto XVI, Discorso ai membri del Movimento per la Vita italiano, du 12-5-2008, in Insegnamenti di Benedetto XVI. IV, 1. 2008. Gennaio-giugno, Libreria Editrice Vaticana, Cité du Vatican, 2009, pp. 777-780 (p. 779).
[84] R. Ferron, op. cit., p. 71.
[85] Cf. Annick de Lassus Saint-Geniès, Jean Le Cour Grandmaison. Un homme dans l’action et la contemplation : itinéraire spirituel à travers ses écrits et sa vie, retracé par sa fille, Beauchesne, Paris, 1980.
[86] C’est l’avis d’Émile Poulat, Une Église ébranlée. Changement, conflit et continuité de Pie XII à Jean-Paul II, Casterman, Tournai-Paris, 1980, p. 264. Ces rapports ont été étudiés de façon plus détaillée dans l’ouvrage d’un prêtre de la Fraternité sacerdotale saint Pie X : J.-J. Marziac, Des évêques français contre Mgr Lefebvre, tome II, Mystères douloureux, op. cit., pp. 127-157, lequel montre que le conflit entre Mgr Lefebvre et les évêques français à propos de la Cité catholique commence dès avant les années 1961-1962.
[87] Cf. J. Ousset, Pour qu’Il règne, op. cit., pp. 19-30.
[88] Ibid., p. 19.
[89] Ibidem.
[90] Ibid., p. 51.
[91] Ibid., p. 57.
[92] Ibid., p. 65.
[93] Ibid., p. 65.
[94] Ibid., p. 93.
[95] Ibidem.
[96] Ibid., p. 103.
[97] Ibid., p. 105.
[98] Ibid., p. 106.
[99] Ibid., p. 124.
[100] Ibidem.
[101] Ibid., p. 128.
[102] Ibid., p. 129.
[103] Ibidem.
[104] Ibid., p. 175.
[105] Ibid., p. 172. Il est à peine besoin de souligner que ce terme n’est pas employé ici dans le sens courant qu’il avait dans la sociologie des religions de l’époque.
[106] Ibidem.
[107] Ibid., p. 251.
[108] Ibid., p. 250.
[109] Ibid., p. 251.
[110] Ibid., p. 252.
[111] Ibidem.
[112] Ibid., p. 122; ce passage est tiré de Mgr J.-J. Gaume, La Révolution, recherches historiques sur l’origine et la propagation du mal en Europe, depuis la Renaissance jusqu’à nos jours, 4 vol., vol. I, Gaume Frères, Paris, 1856, pp. 16-17.
[113] J. Ousset, Pour qu’Il règne, op. cit., p. 257.
[114] Ibid., p. 325.
[115] Ibid., p. 378. Sur les polémiques relatives à l’emploi par Ousset de citations du père Descoqs, cf. « Trois chapitres du R. P. A. de Soras », art. cité. Le jésuite avait en effet la réputation d’être « un homme de droite. On prétend que Maurras dit un jour de lui : “c’est un ami, mais un ami sévère”» (ibid., p. 25).
[116] J. Ousset, Pour qu’Il règne, op. cit., p. 380.
[117] Cf. ibid., pp. 372-373.
[118] Ibid., p. 407, sans note qui renvoie à l’ouvrage de Bonald d’où est tirée la citation.
[119] Ibid., p. 410.
[120] Ibid., p. 543.
[121] Cf. J. Ousset, Pour qu’Il règne sur nous… au combat pour la cité catholique. Dossier II, op. cit., p. 537.
[122] Cf. J. Ousset, Pour qu’Il règne, op. cit., p. 553.
[123] Cf. A. Ferron, Le Traditionalisme catholique en France (1946-2000). Histoire et sociologie d’un mouvement contre-révolutionnaire, op. cit., vol. I, p. 95.
[124] Comme le fait R. de Neuville, op. cit., pp. 137-142.
[125] A. Ferron, Le Traditionalisme catholique en France (1946-2000). Histoire et sociologie d’un mouvement contre-révolutionnaire, op. cit., vol. I, p. 97.
[126] Ibidem. Quand dans les années 1970 les critiques traditionalistes d’Ousset s’efforceront de mettre en lumière des atténuations du discours dans les éditions de Pour qu’Il règne postérieures à celle de 1959, ils s’apercevront que les modifications les plus importantes — emploi d’expressions moins polémiques, omission de citations particulièrement « fortes » d’auteurs du XIXe siècle — étaient celles qui différenciaient déjà les deux volumes de Pour qu’Il règne sur nous… au combat pour la cité catholique de 1957-1958 d’avec le texte de 1959. On trouvera une longue liste de ces modifications dans le livre de dom Augustin-Marie [Joly] O.S.B., Une fausse Contre-Révolution : l’Office, Monastère Saint-Joseph, Martigny, 1975, sur lequel nous reviendrons. Naturellement, il faut aussi tenir compte du fait que les dossiers de 1957-1958 étaient des instruments de travail à diffusion relativement limitée, alors qu’en 1959 Pour qu’Il règne prévoit, outre l’usage ad intra, un usage ad extra, pour expliquer publiquement à l’extérieur, après les polémiques, ce que pense vraiment la Cité catholique.
[127] J. Ousset, Pour qu’Il règne, op. cit., p. 559.
[128] Ibid., p. XI.
[129] Ibid., p. XXI.
[130] Ibid., p. 587.
[131] Ibid., p. 576.
[132] Ibid., p. 564.
[133] Ibid., p. 572.
[134] Ibid., p. 578. Il est intéressant de souligner que Corrêa de Oliveira emploiera pour son organisation, la Société Brésilienne de Défense de la Tradition, Famille et Propriété (TFP), une image très proche de celle de la « charnière », se servant des mots portugais presilha et agrafe, lesquels désignent l’épingle ou le trombone qui tiennent ensemble, par exemple, deux feuilles de papier (celles-ci restent distinctes et ne se confondent pas, tout en acquérant un lien et une articulation), pour illustrer la fonction de la TFP au service d’un lien entre Église et société temporelle : cf. mon livre Una battaglia nella notte. Plinio Corrêa de Oliveira e la crisi del secolo XX nella Chiesa, Sugarco, Milan, 2008, p. 191.
[135] J. Ousset, Pour qu’Il règne, op. cit., p. 572.
[136] Ibid., p. 581.
[137] Ibid., p. 582.
[138] Ibid., p. 571.
[139] Ibidem.
[140] Ibid., p. 568.
[141] Ibid., p. 572.
[142] « Trois chapitres du R. P. A. de Soras », art. cité, p. 53.
[143] Ibidem.
[144] Ibidem. Un exemple particulièrement réussi de l’« auxiliarité » de la Cité catholique sera, dans les années 1960, les relations avec les Scouts d’Europe, scission catholique et fidèle au Magistère pontifical des Scouts de France, dont le fondateur Pierre Géraud-Keraod (1917-1997) est le cousin de Jean Ousset et dont de nombreux dirigeants ont fréquenté les cellules (cf. Jean-Luc Angelis, La véritable histoire des guides et scouts d’Europe, Presses de la Renaissance, Paris, 2008, p. 171).
[145] J. Ousset, Pour qu’Il règne, op. cit., p. 745.
[146] Cf. ibid., p. 748.
[147] Ibid., p. 664.
[148] Cf. ibid., pp. 736-737.
[149] Ibid., p. 708.
[150] Ibid., p. 773.
[151] Ibid., p. 706.
[152] Ibid., p. 755.
[153] Ibid., p. 671.
[154] Ibid., p. 771.
[155] Ibid., p. 731.
[156] Ibidem.
[157] Ibid., p. 704.
[158] Ibid., p. 687.
[159] Ibid., p. 647.
[160] Ibid., p. 689. J. Maître estime que cette idée « des mille » (op. cit., p. 110) « s’inspire des structures que revêt un parti communiste clandestin » (ibid., p. 112). Il n’est pas le seul à formuler cette critique. Mais en réalité il n’est pas nécessaire d’être communiste pour constater les effets multiplicateurs de l’action d’un petit nombre de militants bien formés.
[161] Comme l’écrit R. de Neuville, op. cit., p. 216.
[162] Ibid., p. 217.
[163] Ibid., p. 53.
[164] Ibidem.
[165] Anne Perrin, Autorité et Charisme. Histoire et fonctionnement d’un petit groupe traditionaliste entre 1973 et 1986, thèse soutenue à l’École pratique des hautes études (EPHE), Section des Sciences religieuses, Paris, 1999, p. 36.
[166] Ibidem.
[167] A. Ferron, Le Traditionalisme catholique en France (1946-2000). Histoire et sociologie d’un mouvement contre-révolutionnaire, op. cit., vol. I, p. 98.
[168] Cyril Duchâteau, La Cité catholique et l’Office en France (1949-1982), mémoire de D.E.A. en Histoire des religions, Université de Paris-Sorbonne (Paris IV), Paris, 1997, p. 28.
[169] C’est précisément le sujet de la thèse citée d’Anne Perrin, qui suit le groupe dissident et analyse en particulier le schisme ultérieur et la naissance en 1973 d’un groupe plus radical dirigé par Bernard Dumont, appelé par ses membres, à partir de 1977, « le Parti » (A. Perrin, op. cit., p. 47), groupe dont l’auteur étudie les relations avec les milieux traditionalistes et sédévacantistes français. Après un itinéraire compliqué, B. Dumont est devenu directeur de la revue Catholica, publiée à partir de l’année 1987.
[170] R. de Neuville, op. cit., p. 57.
[171] J. Ousset, Les arguments de notre espoir, op. cit., pp. 189-209 (p. 204).
[172] Ibid., p. 202.
[173] Ibidem.
[174] Ibid., p. 203.
[175] Ibidem.
[176] Ousset avait d’ailleurs prévu les problèmes qu’allait poser le Concile. Son ami Jacques Trémolet de Villers rappelle : «“Ousset, attendez, ne dites rien… j’ai une grande nouvelle à vous annoncer… Il va y avoir un Concile!”. C’était dans les jardins de la Maison des Pères du Saint-Esprit, rue des Pyrénées, à Paris, par un bel après-midi de fin de printemps, [et ainsi parlait] le très aimé Mgr Lefebvre. “Pardonnez-moi, Monseigneur, de ne pas partager votre enthousiasme. Pour moi, ce n’est pas une bonne nouvelle”. “Comment ? mon cher Ousset, mais ce concile sera le concile de la Cité catholique!”. “Monseigneur, quand le royaume est ébranlé de toutes parts, on ne réunit pas les Etats-Généraux!” » (Jacques Trémolet de Villers, « Nous voici, grâce à vous, fondés en Jésus-Christ », in Permanences, n° 312-313, juin-juillet-août 1994 [numéro spécial publié à l’occasion de la mort de Jean Ousset], pp. 6-23 [p. 16]). Je trouve intéressant le fait que — alors que j’interrogeais en 2008 des personnes qui avaient été très proches de Corrêa de Oliveira pour mon livre Una battaglia nella notte. Plinio Corrêa de Oliveira e la crisi del secolo XX nella Chiesa, op. cit. — on m’ait rapporté, sans que mes interlocuteurs connaissent l’épisode relatif à Ousset, un échange de propos tout à fait analogue, exemple des états généraux compris, entre le penseur catholique brésilien et Mgr Antonio de Castro Mayer — l’évêque brésilien qui suivra plus tard Mgr Lefebvre et rompra avec Corrêa de Oliveira — quand le prélat lui annonça, le premier, la tenue du Concile.
[177] R. de Neuville, op. cit., p. 59.
[178] Ibidem.
[179] Cf. dom Augustin-Marie [Joly] O.S.B., Une fausse Contre-Révolution: l’Office, op. cit. Dom Augustin-Marie, dans le siècle Maurice Joly (1917-2006), est un ancien officier de la gendarmerie française devenu moine bénédictin, proche de Mgr Lefebvre jusqu’au milieu des années 1980, jusqu’au moment où le monastère qu’il a fondé à Martigny, en Suisse, accepte la nouvelle liturgie de la Messe. Le monastère Saint-Joseph de Martigny est fondé en 1972 et se transfère en 1976 à Flavigny, en France, où se trouve aujourd’hui l’abbaye Saint-Joseph de Clairval, reconnue en 1988 comme monastère bénédictin de droit diocésain et élevée en 1992 au rang, précisément, d’abbaye. Mais selon A. Ferron (Le Traditionalisme catholique en France [1946-2000]. Histoire et sociologie d’un mouvement contre-révolutionnaire, op. cit., vol. II, p. 443) une part essentielle aurait été prise dans la rédaction de l’opuscule contre Ousset par Louis-Marie de Blignières, dans le siècle Olivier de Blignières. Celui-ci, fils du commandant Hervé de Blignières (1914-1989), impliqué dans les événements du 13 mai 1958 avant de devenir l’un des chefs de l’OAS, est à l’époque moine bénédictin au monastère Saint-Joseph. Plus tard, il sera ordonné prêtre par Mgr Lefebvre, avant de connaître une carrière compliquée dans le monde traditionaliste puis sédévacantiste (cf. ibid., vol. II, pp. 590-592). L.-M. de Blignières est revenu à la communion avec l’Église de Rome en 1987, à la tête de la famille spirituelle d’inspiration dominicaine nommée Fraternité Saint-Vincent-Ferrier, fondée en 1979 et élevée en 1988 au rang d’institut religieux de droit pontifical.
[180] Renaissance catholique, Livre blanc des relations entre Renaissance catholique et la Fraternité sacerdotale saint Pie X, document relié, 1991, p. 6, cité in A. Ferron, « Permanence d’une militance catholique intransigeante : le traditionalisme catholique, un mouvement de laïcs militants », in Brigitte Waché (sous la dir. de), Militants catholiques de l’Ouest. De l’action religieuse aux nouveaux militantismes. XIXe-XXe siècle, Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2004, pp. 213-224 (p. 222).
[181] René Remond, L’Anticléricalisme en France de 1815 à nos jours, Fayard, Paris, 1976, p. 346.
[182] Ibidem.
[183] Cf., sur les origines de La Ciudad Católica, Elena Scirica, Bases de acción para actuar frente a la democrazia y sus bases contractualistas. Matriz y despliegue de una propuesta contrarrevolucionaria, exposé inédit fait devant le VIIe Corredor das Idéias do Cone Sul, Universidade do Vale do Rio dos Sinos, São Lepoldo (Rio Grande do Sul, Brésil), 17-19 août 2005 ; Eadem, Ciudad Católica. «Verbo» : Discurso, redes y relaciones en pos de una apuesta [contra]revolucionaria, version augmentée du texte précédent, s.d., exclusivement disponible dans la bibliothèque online du Programa Buenos Aires de Historia Pólitica à l’adresse <www.historiapolitica.com/datos/biblioteca/scirica.pdf> [dernière visite le 28.10.2009]. Ces textes traduisent une certaine antipathie pour leur objet d’étude et contiennent quelques-unes des erreurs habituelles, comme celle qui fait d’Ousset le « secrétaire de Charles Maurras » (ibid., p. 3), mais — dans le cadre d’un panorama historiographique encore dominé par la polémique politique — constituent, somme toute, l’approche la plus équilibrée du sujet.
[184] Cf., sur les origines de la moderne droite catholique en Argentine et sur ses rapports avec la pensée de Maurras, Sandra McGee Deutsch, Counterrevolution in Argentina, 1900-1932. The Argentine Patriotic League, University of Nebraska Press, Lincoln (Nebraska)-Londres, 1986 ; Eadem, Las Derechas. The Extreme Right in Argentina, Brazil, and Chile 1890-1939, Stanford University Press, Stanford (Californie), 1999, pp. 193-247.
[185] Cf. J. Ousset, El Marxismo-leninismo, trad. espagnole, Iction, Buenos Aires, 1963. Du même auteur la même maison d’édition argentine avait publié en 1961 Introducción a la política, alors que pour ce qui concerne Pour qu’Il règne La Ciudad Católica diffuse l’édition espagnole Para que Él reine, La Ciudad Católica-Speiro, Madrid, 1961.
[186] Cf. — mais avec de nombreuses réserves, étant donné les intentions ouvertement polémiques de l’auteur — Mario Ranaletti, « La guerra de Algeria y la Argentina. Influencia e inmigración francesa desde 1945 », in Anuario de Estudios Americanos, vol. 62, n° 2, Séville, juillet-décembre 2005, pp. 285-308.
[187] Cf. E. Scirica, Ciudad Católica. «Verbo» : Discurso, reded y relaciones en pos de una apuesta [contra]revolucionaria, op. cit., p. 12.
[188] Cf. Eadem, Bases de acción para actuar frente a la democrazia y sus bases contractualistas. Matriz y despliegue de una propuesta contrarrevolucionaria, op. cit., p. 7.
[189] Ainsi que l’affirme Marie-Monique Robin, Escadrons de la mort, l’école française, La Découverte, Paris, 2004, p. 230.
[190] H. Verbitsky, op. cit., p. 155.
[191] Cf. Alessandro Perissinotto, Per vendetta, Rizzoli, Milan, 2009. Parmi les autres traits singuliers du roman, on peut signaler le fait que l’auteur, lequel vit et travaille à Turin, a donné au « méchant » de son histoire le nom d’un homme politique plutôt connu dans la capitale piémontaise, à savoir l’ingénieur (et, dès 2010, député) Deodato Scanderebech, qui était, à l’époque de la publication de Per vendetta, président du groupe de l’UDC, l’Union des démocrates-chrétiens et du Centre, au Conseil régional du Piémont.
[192] Ibid., p. 223.
[193] Ibidem.
[194] Ibid., p. 220.
[195] Ibid., p. 225.
[196] Cf. Dan Brown, Il codice da Vinci, trad. it., Mondadori, Milan, 2003 ; trad. fr. : Da Vinci code, Jean-Claude Lattès, Paris, 2004.
[197] Cf. A. Perissinotto, op. cit., p. 225.
[198] Ibid., pp. 241-244.
[199] Ibid., p. 243.
[200] E. Scirica, Bases de acción para actuar frente a la democrazia y sus bases contractualistas. Matriz y despliegue de una propuesta contrarrevolucionaria, op. cit., p. 9.
[201] Cité ibidem.
[202] Sur la collaboration de Gorostiaga avec la Fraternité sacerdotal saint Pie X en Argentine, cf. Roberto Bosca, El significado de un gesto, 2009, texte disponible sur le site Internet de l’Acton Institute, Section argentine, à l’adresse <www.institutoacton.com.ar/articulos/rbosca/artbosca7.pdf>, pp. 7-8.
[203] Comme le précise Luis Gregorio, « Juan F. Guevara, un mendocino entre la “libertadora” y el Verbo Encarnado », in Diario Uno (Mendoza), 30 août 2009.
[204] Cf. Carlos Miguel Buela I.V.E., Actualidad de la Ciudad Católica, disponible online à l’adresse < www.padrebuela.com.ar/pag_res.asp?id=100>.
[205] Cf. Idem, Un juicio sobre Meinvielle, disponible online à l’adresse <www.padrebuela.com.ar/pag_res.asp?id=189>.
[206] R. de Neuville, op. cit., p. 60.
[207] Ibid., p. 59.
[208] É. Poulat, L’ère postchrétienne. Un monde sorti de Dieu, Flammarion, Paris, 1994, p. 11.
[209] Aldo Cazzullo, « Una società a coriandoli. De Rita spiega 10 anni d’Italia », in Corriere della Sera, Milan, 25 août 2007: « La société est de plus en plus éparpillée. Morcelée. C’est une mutation que je ne sais pas expliquer. Il y a dix ans j’aurais parlé de nouvelle bourgeoisie, il y a vingt ou trente ans de marché noir social ou de postmodernité. La société d’aujourd’hui est une société émiettée. On ne peut pas l’étudier autrement que sous l’angle anthropologique. »
[210] P. Corrêa de Oliveira, op. cit., p. 177.
[211] Une grande partie de l’ouvrage cité de dom Augustin-Marie [Joly] O.S.B. Une fausse Contre-Révolution: l’Office, op. cit., est consacrée à la critique de la notion d’auxiliarité. L’affirmation selon laquelle cette méthode est « pratiquement maçonnique » (ibid., p. 118) apparaît outrancière : à la différence de nombreux francs-maçons, les adhérents à l’Office non seulement s’identifient explicitement comme tels, mais expliquent leur stratégie dans de nombreuses publications qui ne sont pas secrètes. Il s’ensuit que l’auxiliarité n’est pas une forme d’infiltration clandestine. Pour autant — même s’il expose ses critiques de façon particulièrement malveillante — l’auteur de la brochure touche un point sensible lorsqu’il remet en cause la thèse de l’Office selon laquelle « [...] si l’État est révolutionnaire, la société est encore relativement “saine” » (ibid., p. 111), « d’où la nécessité d’être auxiliaire, par rapport au pays réel » (ibidem). Selon la critique, cela pouvait être vrai « peu ou prou jusqu’à la dernière guerre » (ibid., pp. 112-113) : désormais, en, 1975, « […] la société et les fameuses “hiérarchies naturelles” sont aujourd’hui quasiment aussi révolutionnaires que l’Etat » (ibid., p. 113), si bien que « l’analyse de l’Office a […] quarante ans de retard» (ibidem). Même s’il reconnait l’existence de « quelques ilôts » (ibidem), la vis polemica de la brochure conduit l’auteur à généraliser et à exagérer. Mais le problème qu’il soulève n’est pas imaginaire.
[212] J. Trémolet de Villers, art. cité, p. 15.
[213] Ibidem.
[214] Ibid., p. 17.
[215] Cf. C. Duchâteau, op. cit., pp. 19-20.
[216] Cf. J. Trémolet de Villers, op. cit., p. 18.
[217] [J. Ousset], Pratique du sociabilisme, Club Civisme et Culture, Marseille, 1975, p. 13. Cf. également [Idem], Sociabilité, sociabilisme!, sans mention d’éditeur, Marseille, 1974; et les revues publiées de 1975 à 1978 : L’Action sociabiliste, puis La Convention sociabiliste, dans lesquelles Ousset écrit sous le pseudonyme de Jacques Haisshy.
[218] R. de Neuville, op. cit., pp. 63-64.
[219] Cf. J. Ousset, À la découverte du Beau, Montalzat, Paris, 1971. Sur l’élaboration par Ousset d’une doctrine catholique et contre-révolutionnaire de la beauté — de la nature, de l’art, de l’Église et aussi de l’amour humain, autre thème qui lui tient à cœur (à ce sujet, cf. Idem, Amour ou sexualisme?, Dominique Martin Morin, Bouère, 1987) —, on ne peut pas ne pas mentionner l’influence des frères Charlier. Henri Charlier (1883-1975) est considéré par beaucoup comme le principal sculpteur de sujets religieux du XXe siècle, mais il est aussi l’auteur d’ouvrages doctrinaux de grande qualité. André Charlier (1895-1971), proviseur de l’École des Roches de Maslacq, le plus prestigieux internat privé français depuis le XIXe siècle, le transforme, durant la période où il le dirige, en un centre de formation d’une élite catholique et contre-révolutionnaire. C’est dans cette école que fut aussi formé, entre autres, dom Gérard Calvet O.S.B. (1927-2008) — cf. in memoriam, in Cristianità, XXXVIe année, n° 346, mars-avril 2008, p. 17 —, futur fondateur et premier abbé de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux et qui compta parmi ses professeurs, à l’internat de Charlier, le déjà cité Jean Madiran. Également influent sur l’approche d’Ousset du thème de la beauté : le père Marie-Dominique Philippe O.P. (1912-2006), dont les idées sur la beauté sont mentionnées comme une référence autorisée par le document du Conseil pontifical de la culture, La Via pulchritudinis, chemin privilégié d’évangélisation et de dialogue. Document final de l'Assemblée Plénière, 2006, du 27/28-3-2006, note 9.
[220] Ibid., p. 73. Jean-Baptiste Maillard, Dieu est de retour. La nouvelle évangélisation de la France, Éditions de l’Œuvre, Paris, 2009, pp. 118-134 souligne que ces tentatives d’« évangéliser par la beauté » (ibid., p. 118) se poursuivent dans le cadre d’Ichtus, soit à travers des visites guidées, soit à travers la projection de diapositives, puisque « Jean Ousset et ses amis ont sélectionné 5 000 œuvres de peinture, 3 000 œuvres de sculpture et autant d’architecture, caractéristiques du patrimoine occidental depuis les Égyptiens jusqu’à nos jours » (ibid., p. 121).
[221] Pierre Martin, « Deux combats pour la royauté sociale du Christ. La Fédération nationale catholique du général de Castelnau et la Cité catholique de Jean Ousset », in Civitas. Pour une cité catholique, n° 12, Paris, 2° trimestre 2004, pp. 35-46 (p. 43).
[222] Ibid., p. 43.
[223] Ibid., p. 44.
[224] Ibidem.
[225] Ibid., p. 45 ; de P. Martin cf. également les précisions sur les positions de l’Institut Civitas in L’État catholique : ses caractéristiques, sa nécessité, Civitas, Argenteuil, 2009.
[226] Robert Davion, « Un outil efficace : le Cercle de travail », in Civitas. Pour une cité catholique, n° 1, Paris, juin 2001, pp. XV-XVIII (p. XVIII).
[227] R. de Neuville, op. cit., p. 252.
[228] Ibid., p. 67.
[229] Ibid., p. 55.
[230] Ibidem.
[231] Nicole Buron, «Une volonté de mission adaptée aux besoin des hommes», in Permanences, n° 474-475, juillet-août 2010, pp. 15-17 (p. 17). Voir dans ce numéro de Permanences tout le dossier Ichtus : action-formation, pp. 14-31.
[232] Cf. mon étude « Fundadores, TFP e Araldi del Vangelo dopo la morte di Plinio Corrêa de Oliveira », parue en appendice de Una battaglia nella notte. Plinio Corrêa de Oliveira e la crisi del secolo XX nella Chiesa, op. cit., pp. 219-256.
[233] Cf. PierLuigi Zoccatelli et Ignazio Cantoni (sous la dir. de), A maggior gloria di Dio, anche sociale. Scritti in onore di Giovanni Cantoni nel suo settantesimo compleanno, Cantagalli, Sienne, 2008.