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Massimo Introvigne - Domenico Maselli
Les Frères : de Plymouth à nos jours. Une critique protestante de la modernité

Compte-rendu par Bernard Blandre (Mouvements Religieux, numéro 334-335, mars-avril  2008, p. 15)

Massimo Introvigne

Le livre de M. Introvigne et D. Maselli présente un mouvement protestant aux multiples ramifications qui trouve ses origines dans le renouveau millénariste qui a accompagné et suivi la Révolution française de 1789 et dans l’œuvre du jésuite chilien Manuel Lacunza, Venida del Mesias e gloria y majesdad (1811) traduit en anglais par Edward Irving en 1827. Lacunza écrivait que le royaume de Dieu n’était pas encore établi, que l’Antéchrist se manifesterait dans le cadre d’une grande crise de la chrétienté dont la Révolution française était un début, que le clergé romain était devenu apostat et donc que les Juifs redevenaient la partie active de l’Eglise. L’Antéchrist persécutera les Juifs fidèles à Dieu ; alors Jésus ressuscitera les chrétiens morts et rencontrera au ciel les croyants vivants et ressuscités. Il apparaîtra en gloire, vaincra le clergé apostat, s’installera à Jérusalem d’où il règnera sur le monde. Alors surviendra le jugement dernier.

Ces thèses millénaristes ont été adoptées par des groupes plus ou moins informels de protestants britanniques attachés à la conversion personnelle, hostiles aux Eglises établies et à toute forme de structuration ecclésiastique, notamment à Oxford, Dublin, Plymouth et Bristol. Aucun chef ne dirigeait l’ensemble à lui seul, mais la personnalité de John Nelson Darby a profondément marqué le mouvement.

Darby croyait à la méchanceté innée de l’homme. Il voyait dans l’histoire une série d’interventions divines (dispensations), chacune ayant échoué à cause des hommes. Mais il subsiste un résidu fidèle. L’Eglise devait avoir des apôtres, des anciens et des diacres mais du fait de la défaillance des apôtres il est impossible de reconstituer une Eglise apostolique. Le résidu doit donc se détacher des Eglises établies et créer des assemblées locales qui attendent le retour du Christ et participent à la sainte cène. Du monde anglo-saxon, le mouvement s’est répandu sur le continent européen ; le livre contient des développements importants sur l’implantation en Suisse et en Italie.

Dans ce mouvement qui n’a jamais eu de dirigeant unique, les oppositions doctrinales, les réticences à toute forme d’autorité supérieure au groupe local et a contrario la tendance d’assemblées influentes pour des raisons historiques (à Londres notamment) à intervenir dans les affaires intérieures des autres, ainsi que le degré plus ou moins grand d’ouverture ou de fermeture aux contacts avec d’autres groupes religieux ont provoqué de multiples dissidences. Une lecture cursive du livre donne l’impression d’un extraordinaire fouillis résultant de processus complexes de composition – décomposition – recomposition suivi de nouvelles ruptures. Une classification établie par l’US Bureau of the census complétée par les travaux de Piepkorn aboutit à distinguer une dizaine de tendances, des Frères I aux Frères X, la distinction essentielle étant celle qui sépare les frères larges des frères stricts. Une lecture plus attentive permet d’y voir plus clair, et de remarquer l’existence de divers groupes qui n’ont pas fait l’objet d’une numérotation, certains importants comme l’Eglise locale de Watchman Nee et Witness Lee.

Un livre utile pour une première approche d’un mouvement religieux complexe.