La nouvelle loi, connue sous le nom de loi About-Picard, fut adoptée par l'Assemblée nationale en mai 2001. Elle fut proposée par Nicolas About, sénateur de droite, puis présentée à l'Assemblée nationale par la député socialiste Catherine Picard. La loi fut conçue pour interdire les groupes qualifiés de sectes et faciliter l'accusation des leaders des sectes en créant une nouvelle catégorie de délit appelé l'abus de faiblesse. Ce délit avait pour but d'englober une vaste catégorie de déviances sociales : les nombreuses façons par lesquelles les adeptes vulnérables pouvaient être blessés par des leaders charismatiques qui ont recours à la fraude, les abus physiques, l'exploitation sexuelle, les incitations aux suicides en masse, le refus des traitements médicaux ou la pratique de la médecine sans diplôme. Toutes ces formes de déviances sociales sont rendues possibles par la force puissante et inéluctable de la manipulation mentale (« lavage de cerveau ») qui émane de l'identité charismatique du leader au moins tel est le postulat construit par la nouvelle loi. Tout leader de secte déclaré coupable de « l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse » sera passible de 5 années de prison et d'une amende pouvant aller jusqu'à 750.000 euros de dommages et intérêts. («La loi About-Picard renforce l'arsenal législatif contre les sectes » (Laïc info 2004-10-16).
En 1998, une version précédente de cette loi, plus draconienne, avait été proposée. Elle définissait les sectes comme des « milices ». Ceci les aurait placées sous la juridiction de la loi de 1936 qui donnait au Président le pouvoir de dissoudre les mouvements qui menaçaient la sécurité de l'Etat (Hervieu-Leger 2004 :57). Catherine Picard réécrivit cette loi de façon à ce qu'elle ne vise plus les sectes de façon directe en les définissant comme des gangs criminels. Elle évita le problème épineux de la définition d'une secte en se fixant sur le « danger sectaire » qui résultait du contrôle mystérieux des leaders des sectes sur l'esprit de leurs adeptes par la manipulation mentale. Ainsi le concept des techniques de lavage de cerveau fut introduit dans la loi commune.
Ceci souleva de nombreuses protestations. La difficulté de trouver des critères objectifs de manipulation mentale fut souligné par le Ministre de la Justice et divers juristes. Les responsables des églises y virent une mise en danger de la liberté de religion. En 2002, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe adopta une résolution (1309) critiquant la loi et invitant le gouvernement français à la reconsidérer. Les avocats des droits de l'hommes surnommèrent la loi un délit d'opinion.
Ainsi, dans la phase finale, une nouvelle version de la proposition de loi fut soumise qui circonvenait le problème de créer une loi contre le lavage de cerveau. Un article existant (313-4) dans le droit pénal qui traitait déjà de « l'abus d'ignorance et de faiblesse » fut réécrit pour inclure le concept de lavage de cerveau, connu en France comme manipulation mentale, et, dans les articles 10 et 11 de la nouvelle loi, il fut basé sur « un état de soumission psychologique ou psychique résultant de pressions fortes ou répétées sur une personne vulnérable ». 1. Le concept de lavage de cerveau fut enrobé dans les mots ambigus, « abus de faiblesse ». (Altglas 2000)
Cette nouvelle loi semblait un compromis parfait une façon de contrôler les sectes sans enfreindre la liberté religieuse. Mme Picard explique (2002) que toute la jurisprudence française protège la liberté de conscience et d'association mais ces libertés ne doivent s'appliquer qu'aux groupes qui n'attaquent pas les droits de l'homme, ne troublent pas l'ordre public et ne violent pas les libertés individuelles. Puisque les sectes commettent ces sortes d'attaques et de troubles, elles sont donc des associations « illicites », des « religions » non valides. Elle appelle les « pouvoirs publics à « empêcher toute nuisance à la société ou aux individus » (Picard 2002, 275)
La sociologue française, Mme Hervieu-Leger, a écrit "La loi de mai 2001, manquant à définir ce qu'est une secte d'un point de vue légal, n'a que peu de chance de devenir un outil légal efficace. » Elle soutient que la loi sert une simple « fonction emblématique » attestant de « la détermination de l'Etat à protéger ses citoyens des sectes dangereuses. » (Hervieu-Leger 2004:58).
Mais la loi About-Picard a rapidement prouvé être plus qu'un simple emblème. En octobre 2004, Arnaud Mussy, un prophète de Néo-Phare, une minuscule groupe apocalyptique de Nantes fut jugé par le Tribunal Correctionnel de Nantes pour « abus de faiblesse ». Il fut déclaré coupable et condamné à une peine de trois années de prison avec sursis ainsi qu'à une amende de 115.000 euros.
Ceci constitua une victoire retentissante pour la guerre menée par la France contre les sectes. « Une première en France trois ans avec sursis pour le leader d'une secte » chanta Le Bien Public (26 novembre 2004). On fit l'éloge de la loi About-Picard en tant qu'arme efficace (« Les tribunaux français sont restés démunis face aux sectes pendant des décennies »).
Les principaux groupes anti-sectes français manifestèrent leur satisfaction :
Jean-Pierre Brard, député à l'Assemblée nationale et membre du comité pilote qui forgea la loi, s'auto félicita : Ce sont d'excellentes nouvelles ! La loi est en effet le résultat d'un long processus de recherche parlementaire méticuleuse et de dur labeur. Nous avons aujourd'hui l'exemple d'un gourou qui exploite la faiblesse des personnes ignorantes et crédules et les soumet à des abus physiques et psychologiques ! Il est condamné la première condamnation de cette sorte en France ! (communiqué de presse de Jean-Pierre Brard, Assemblée Nationale, 26 novembre 2004).
Maître Jean-Michel Pesenti, avocat des parties civiles et de l'ADFI (Association de Défense des Familles et de l'Individu) représentait les parents du membre de Néo-Phare dont la faiblesse avait été abusée. Il s'exclama « Rien ne sera plus jamais comme avant…si Arnaud Mussy est coupable, c'est une victoire! » (« Un Christ condamné pour assujettissement psychologique » Libération 25 novembre 2004 par Christian Gauvry).
Dominique Hubert, la directrice de la section locale de l'UNADFI à Nantes, annonça "Avec cette loi, les droits des victimes seront enfin reconnus !" (Jean Yves Picaros, Presse Océan, 26 novembre 2004).
Il y a réellement en France un ministre du gouvernement voué à la lutte contre les "sectes" et leurs "dérives". Son président, Jean-Michel Roulet, a proclamé dans son Rapport au Premier Ministre de 2005 que « l'adoption en 2001 de la loi dite About-Picard a constitué une remarquable avancée de la jurisprudence dans la bataille contre le méfait de l'abus frauduleux et de l'état d'ignorance. »
Ainsi la condamnation d' Arnaud Mussy avait une valeur pédagogique ; elle avait pour but de constituer un avertissement à tous les « leaders de sectes » de cesser de pratiquer le lavage de cerveau et de décourager la jeunesse de la République de rejoindre des sectes destructrices. Comme le propre avocat de M. Mussy l'a admis « Il ne s'agit pas d'une condamnation anodine. Elle contient un avertissement très fort ! Nous avons là la première jurisprudence ! »
Voici les événements qui ont conduit à cette condamnation.
Le 14 juillet 2002, un membre de Néo-Phare, professeur de sports âgé de 29 ans, nommé Jérémie, se suicidait en se jetant sous les roues d'une voiture dans un village de Maine-et-Loire. En septembre un ouragan avait éclaté dans les media. De nombreuses informations prétendaient que deux autres membres de Néo-Phare avaient également tenté de se suicider dans les deux jours suivant la mort de Jérémie en escaladant les murs d'un château historique, le Château Clermont, et en chutant. Arnaud Mussy fut arrêté deux mois après la tragédie, le 16 octobre 2002. Il fut inculpé selon les provisions de la loi About-Picard du 12 juin 2001 (articles 223-15-2 et 223-15-3) qui fait de la manipulation mentale un délit (article 313.4). Il fut retenu pour interrogatoire pendant 48 heures. A l'audience le contrôle judiciaire lui ordonna de ne plus avoir de contact avec les membres de Néo-Phare, dispersant ainsi effectivement la secte.
Le jugement eut lieu deux années plus tard, les 14 et 15 octobre 2004, lorsque Arnaud Mussy fut déclaré coupable de "avoir abusé de l'état d'ignorance et de faiblesse de plusieurs personnes en état de sujétion physique et psychologique…pour les conduire à des actes ou des omissions qui leur étaient gravement préjudiciables". L'appel eu lieu le 6 juin 2005, auprès de la Cour d'Appel de Rennes. La condamnation d'Arnaud Mussy pour abus de faiblesse fut maintenue.
Le but de cette étude est d'examiner les événements et concepts qui ont conduit à ce moment important dans l'histoire de la jurisprudence française. La loi About-Picard ne semble pas attaquer directement les sectes. Elle ne définit pas les pratiques sectaires illégales per se, mais elle a pour but de ne s'appliquer qu'aux sectes. L'accusation d'abus de faiblesse est une sorte d'anomalie, car elle repose sur une étrange combinaison de concepts légaux et psychologiques et elle est basée sur le postulat que le tort fait aux victimes est le produit d'une sorte singulièrement puissante de lavage de cerveau maîtrisé par les prophètes et prétendus gourous qui président les sectes.
Depuis les années 1970 de nombreux érudits en dehors de la France (Dick Anthony 1988 ; Thomas Robbins1979 ; James T. Richardson 1993 ; Massimo Introvigne 2001 ; Eileen Barker 1984 ; et David G. Bromley 1998) ont soutenu que le lavage de cerveau est une théorie infalsifiable, donc impossible à prouver ou à réfuter. Ils l'ont rangée dans la catégorie des « pseudosciences », indiquant qu'elle manque de toute valeur scientifique. Mais, même si la théorie du lavage de cerveau fut estimée respectable et que l'abus de faiblesse était un type direct de déviance sociale tout à fait possible à prouver, il existe de nombreuses indications que leur application dans l'affaire Néo-Phare était imparfaite.
Mme Hervieu Leger (2004:57) note que "la loi de 2001 rend nécessaire de documenter soigneusement la ‘situation de faiblesse' qui rend ces pratiques dangereuses et illégales". Ceci demanderait vraisemblablement un examen détaillé de la relation dynamique entre le leader et les adeptes, une étude longitudinale du groupe, une étude des modèles de charisme et d'autorité et un examen de la nature et du degré d'engagement de la prétendue « victime » vis-à-vis du groupe. Sur les bases de mes entretiens avec les frères Mussy et les descriptions faites par les media du jugement, il semblerait que les outils et méthodes standards de recherche sociale scientifique n'ont pas été appliqués dans l'étude de cette affaire. Tout au long du jugement, le portrait du groupe et de son leader qui furent présentés de façon suivie était le modèle de la secte stéréotypé, sur simplifié, modèle unique qui prévaut dans la littérature de l'UNADFI. L'approche conceptuelle de l'accusation pour comprendre ce qu'est une secte reposait lourdement sur le réductionnisme psychologique. L'état d'esprit de la victime et le phénomène complexe de conversion religieuse furent expliqués par les clichés faciles de psychologie populaire qui pimentent la propagande anti-sectes.
En conséquence, ce document réfléchit à des explications alternatives pour les événements étranges qui ont conduit à la mort d'un adepte, la condamnation du leader et la dispersion de Néo-Phare. Nous commencerons par cinq questions :
1. La mort de Jérémie était-elle un suicide à motivations religieuses
2. Existe-t-il des preuves qu'Arnaud Mussy ait encouragé Jérémie à se suicider ?
3. Pourquoi deux autres membres ont-ils escaladé le mur extérieur du Château Clermont?
S'agissait-il, en fait, de tentatives de suicides ?
5. Qu'étaient les facteurs internes de Néo-Phare, s'il y en avait, qui ont conduit à cette tragédie ?
Quels sont les facteurs sociaux, historiques et légaux qui ont produit la loi About-Picard?
Pour répondre à ces questions, j'ai cherché Arnaud Mussy. Par des entretiens avec lui et son frère jumeau, Olivier Mussy, j'ai tenté de reconstituer la courte histoire (1 an et demi) de Néo-Phare. En me référant à des informations d'interviews et à des reportages, j'ai tenté de trouver les facteurs internes aussi bien qu'externes (comme les efforts de contrôle social de la police et de l'ADFI) qui ont pu contribué à la décision fatale de Jérémie, ainsi qu'à la trajectoire du procès légal de A. Mussy. Enfin, pour comprendre le contexte social de la nouvelle loi, j'ai étudié l'histoire du mouvement français anti-sectes depuis le suicide en masse de l'OTS en 1994.
Cette étude constitue un travail en cours car de la documentation importante est actuellement indisponible. Mon interprétation des événements, à ce jour, repose essentiellement sur les informations glanées dans une série d'interviews avec les jumeaux Mussy qui semblent presque un « duo charismatique » (Arnaud était Jésus et Olivier Saint Pierre, le Pape du Nouvel Age). Il fut utile d'avoir leurs deux perspectives car Arnaud a tendance à expliquer les événements selon sa propre vue apocalyptique du monde, alors qu'Olivier ne proposait que peu d'interprétation à moins que je ne la demande. J'ai trouvé que les deux frères étaient très précis quant aux dates car elles étaient importantes dans leur travail numérologique. Je me suis aussi basée sur les rapports dans les média des activités controversées de Néo-Phare, filtrés par l'ADFI-Nantes, la section locale de la puissante association française anti-sectes, l'UNADFI et des rapports faits par les journalistes lors du procès. J'ai demandé une copie des transcriptions de la cour et des rapports de police par l'intermédiaire d'un avocat qui appartient à un réseau des droits de l'homme. J'ai téléphoné aux deux anciens membres de Néo-Phare dont il est dit qu'ils ont montré des tendances suicidaires, mais ils ont refusé de m'accorder une interview, comme l'avocat qui était en charge de la défense d'Arnaud Mussy. J'ai demandé une interview à Catherine Picard, co-auteur de la loi qui porte son nom, mais elle ne m'a pas répondu. Elle est actuellement la présidente de l'UNADFI, la plus puissante organisation anti-sectes française.
Arnaud Mussy est né en 1968 à Boulogne-Billancourt. A l'âge de 22 ans il découvre la philosophie ésotérique de Paco Rabanne. Il part pour l'Argentine peu avant ses trente ans avec les livres d'Auguste («André ») Bougenec dans ses bagages, puis revient en France en 1990. Après sa rencontre avec A. Bougenec en 1997, Arnaud devient un numérologue enthousiaste et rejoint Phare-Ouest. Il rapporte que lorsqu'il y adhéra, la plupart des autres étaient membres depuis au moins cinq ans.
Néo-Phare était un schisme d'un mouvement plus ancien appelé Phare-Ouest, fondé en 1989, par André Bougenec (1914-97) à Nantes. Celui-ci a écrit six livres, les plus célèbres étant Les Couples et l'Alchimie (1990)A. Bougenec avait été entraîné dans un ordre maçonnique et prétendait être la réincarnation de Jésus. Son but était "l'étude des rapports philosophiques des traditions avec la linguistique et la sémantique". A. Bougenec déconstruisit le langage français pour "révéler le Plan de Dieu" et développa la Kabbale française, un code mystique linguistique et numérologique. Il est mort en 1997, laissant Phare-Ouest, un groupe d'environ quarante membres.
Après sa mort, Arnaud Mussy prit la relève et la direction ; il fut le fer de lance d'un schisme. Il explique "J'ai trouvé que les gens du Phare étaient inactifs, très rigides, comme les Pharisiens. [« Nous les appelons Phare-Isiens » plaisante son frère Olivier]. Donc, j'ai dit « Faisons quelque chose ! Donc, vingt personnes m'ont suivi quittant le Phare et nous avons créé Néo-Phare le 1er janvier 2001".
Les 20 membres de Néo-Phare avaient tous entre 30 et 40 ans ; c'étaient pour la plupart des couples avec quelques enfants. Les frères jumeaux amenèrent leurs femmes et leur belle-mère Véronique (la seconde épouse du père décédé) dans le groupe. Les frères Mussy n'avaient pas besoin de travailler car leur père avait laissé un héritage en propriétés immobilières et ils pouvaient vivre confortablement de leurs revenus.
Néo-Phare déménagea dans un petit village à 20 km de Nantes. Le groupe central vécut ensemble, huit à Cellier et trois chez Olivier à Aigreseille. Ils pratiquaient un mode de vie coopératif plutôt que communal. Comme Olivier Mussy l'explique « Nous étions heureux de vivre ensemble. Nous travaillions à mi-temps, nous partagions les dépenses, mais nous avons tous gardé nos comptes bancaires individuels. » Aucun effort n'était fait pour recruter de nouveaux membres.
Néo-Phare se développa rapidement vers un milieu intensément apocalyptique après le 9/11 lorsqu'Arnaud annonça la fin du monde. Il indiqua que A. Bougenec avait prédit la destruction des Tours jumelles, mais donné pour date « 11/06 », ce qui, interverti, devenait 9/11 ; il conceptualisait l'apocalypse en termes positifs comme une transformation mystérieuse et plutôt plaisante, la naissance d'une humanité nouvelle, plus spirituelle, plutôt qu'une destruction violente du monde physique. Mais il continua à donner des dates spécifiques. La première était le 29 décembre 2001.
Au début, le rôle d'A. Mussy était celui d'enseignant et d'interprète de la philosophie de A. Bougenec. Il a tenu une conférence à Paris en novembre 2001 et deux à Vézelay les 15 et 16 décembre 2001. C'est à Vézelay que le groupe fit l'expérience de deux événements qui établirent le nouveau rôle messianique d'Arnaud Mussy. Ces manifestations faisaient penser à l'idée de Weber de « visualisation charismatique » car elles renforçaient l'affirmation d'Arnaud d'être le retour de Jésus et de Bougenec (qui était également Jésus).
Après la conférence de la journée à Vézelay, les membres de Néo-Phare se sont réunis dans la crypte située au-dessous de l'abbaye romane, près de la tombe de Marie-Madeleine. Ils y ont tenu une séance pour communiquer avec l'esprit de la Mère divine. Soudainement, le corps d'Arnaud se tordit selon la forme de Jésus sur la croix. « J'étais sur la pointe des pieds, mes bras étendus, ma tête pendante. J'ai crié « C'est la fin ! » Une adepte a alors crié : « Beaucoup ! Beaucoup ! Beaucoup ! » et elle est tombée au sol (Interview d'Arnaud Mussy le 20 février 2006 à Nantes).
Le second événement s'est produit après que le groupe soit rentré à Aigreseille. Les 6 et 7 février 2002, une jeune adepte "Aimée" a indiqué sentir que quelqu'un avait pénétré dans sa gorge, puis elle est entrée en transe et a commencé à capter une entité qui s'est présentée comme « André » [Bougenec]. André a dit "Arnaud, il est temps de révéler ta mémoire Akashique ». Elle a crié le mot « Apôtres ! Apôtres ! Apôtres" trois fois. Cette séance de deux journées est enregistrée sur vidéo et les messages ont été transcrits par Olivier. Les frères Mussy ont commenté qu'ils ont été surpris par ce développement car « la canalisation ne fait pas partie de notre tradition » mais ils pensaient que c'était bien A. Bougenec qui était capté. Les communications de l'esprit se sont produites pour soutenir les prétentions charismatiques d'Arnaud : « Jésus est revenu sur terre. C'est Arnaud ! »
Peu après cet épisode, le 5 mars, le transmetteur et son ami ont quitté le groupe. Après le suicide, Aimée a dénoncé Arnaud Mussy aux journalistes : « C'est vrai, c'est un séducteur, il sait comment vous submerger » (24 mars 2002 "Délires mystique, entrées en transe, réception des messages"). Elle a également écrit une déposition pour le tribunal dans laquelle elle se réfère à A. Mussy comme à un « manipulateur » et a insisté sur le fait qu'elle n'a jamais capté les messages, mais qu'Arnaud les avait captés lui-même « directement, du ciel ». Arnaud a suggéré que le tribunal devrait se référer aux bandes vidéos qui avaient été saisies par la police lors de son arrestation et regarder les séances sur bande d'Aimée, pour vérifier qui était le transmetteur, mais sa suggestion ne fut pas retenue par la cour.
Après ces épisodes, les attentes apocalyptiques du groupe étaient fortes. Lorsque la fin du monde ne s'est pas produite le 29 décembre, elle fut reprogrammée pour le 25 février 2002.
Néo-Phare a tenu de nombreux meetings sur des sites sacrés traditionnels, des abbayes romanes et des châteaux historiques, comme étant des lieux de puissance. 2 Pour Arnaud Mussy, la tombe de François II dans la cathédrale de Nantes fournit la clef de l'apocalypse. Cette tombe était mentionnée dans l'un des livres de A. Bougenec, qui explore le mysticisme ésotérique de Salvador Dali. Mon premier entretien avec les frères Mussy a eu lieu près de la tombe de François II où Arnaud a désigné les six patriarches assis sculptés dans la base « Ils n'étaient pas douze, mais seize apôtres qui ont suivi Jésus et ils n'étaient pas célibataires, mais c'était des couples ! Et François II représente Jésus Christ qui est allongé près de Marie non plus sa mère, mais, à la fin des temps, son épouse… Chaque homme doit trouver son âme sœur avant que le Plan de Dieu puisse être révélé. »
Dans la théologie de Bougenec, Dieu est androgyne. Il a prêché une vue de salut de complémentarité sexuelle, disant que les couples de Phare-Ouest étaient les couples de la Jérusalem céleste qui entreraient dans le Millénaire. A. Bougenec tenait des cérémonies formalisant la relation de « l'âme-sœur » entre les adeptes mariés. A. Mussy a porté ce concept un pas au-delà, en séparant beaucoup de couples de Néo-Phare et en leur réassignant de nouveaux partenaires, selon leurs « énergies » de façon à se préparer pour l'avènement de la Jérusalem céleste. (A. Mussy insistait sur le fait qu'il ne brisait pas des mariages, mais réunissait simplement des âmes qui avaient été séparées depuis des temps infinis dans le Monde déchu). A. Mussy expliquait « Nos couples, à Néo-Phare étaient les 16 couples de la Jérusalem céleste. Le 17ème couple était formé par moi et Marie, mon âme-sœur (ma femme m'a quitté). Ces couples représentaient tous les couples du monde ! »
Olivier indique "Il y a eu des changements 3 ou 4 fois. Tous les couples n'ont pas changé. » Il a décrit comment il avait assigné la femme de Jérémie, « Nadine » :
Un jour, Arnaud a dévoilé les couples de la Jérusalem céleste. Il m'a dit que mon âme-sœur était Nadine. Ma femme venait de me quitter, j'étais seul et triste. Lorsque Arnaud a dit « N. est ton âme sœur » je lui ai fait confiance ». Nadine était contente. Jérémie a dit qu'il était heureux pour elle; Il a dit qu'il comprenait qu'il n'était pas un bon mari pour elle…il était heureux.
Lorsque février fut passé et que la fin du monde n'est pas survenue, Mussy la prorogea au 2 septembre 2002 et plus tard au 24 octobre 2002 (la date de la mort d'André Bougenec).
Le premier conflit sérieux avec les autorités survint au début de mars 2002. Tous les membres reçurent l'ordre de se présenter à la gendarmerie locale pour des interrogatoires. Les parents des membres avaient fait part de leur souci quant aux attentes apocalyptiques du groupe et du refus de certains de fêter Noël avec leurs familles, du fait de leurs attentes de la fin des temps. ("Le gourou du Néo-Phare s'exprime sur sa communauté spirituelle" AFP 5 septembre 2002, par Christophe Schmidt). Se souvenant des suicides en masse de l'OTS, un parent a contacté la section locale de l'ADFI-Nantes. L'ADFI, à son tour, a contacté des journalistes locaux et des articles sont parus parlant de la déviance du groupe, raillant le délire de leur scénario de fin des temps et ridiculisant la prétention de A. Mussy d'être « la réincarnation de Jésus ». La police a lancé une enquête auprès des enfants des membres, mais il fut trouvé qu'ils ne participaient pas aux réunions et allaient régulièrement à l'école publique, ainsi les gendarmes furent satisfaits. Mais l'effet de la pression extérieure sur le groupe fut débilitant. Beaucoup des 20 membres d'origine quittèrent le groupe après l'enquête de la police, ne laissant que huit membres. ("L'évolution d'une secte apocalyptique intrigue la police de Nantes" AFP 1er août, 2002, Christophe Schmidt.) Ce groupe de huit personnes déménagea à Cellier pour vivre dans la maison de Frédéric et plus tard dans la maison du couple qui escaladerait Château Clermont ; je me référai à eux comme « Claude » et « Sylvie ».
Le 14 juillet 2002, Jérémie se jeta devant une voiture "les bras croisés sur la poitrine" (selon les journalistes). A. Mussy indique « Je n'étais absolument pas à proximité lorsqu'il s'est suicidé et je ne l'avais pas vu depuis quatre jours ». Le 15 juillet, Claude escalada la tour de Château Clermont, et selon les rapports des journalistes, se lança par une fenêtre, mais ne fut pas blessé dans sa chute. Le jour suivant, son épouse Sylvie escalada la plus haute tour de Château Clermont « nue, une rose entre les dents » Elle fut aperçue par une femme à l'intérieur du château qui hurla, faisant tomber S. (contrairement aux rapports des journalistes) elle ne fut pas blessée. Elle fut hospitalisée dans un pavillon psychiatrique et examinée par un psychiatre. Les deux frères Mussy nient qu'il s'agissait de tentatives de suicide.
Le récit suivant du procès repose uniquement sur des entretiens avec les frères de Mussy et sur les rapports d'un journaliste portant sur des déclarations faites par des acteurs clés dans la salle d'audience.
En octobre 2004 Arnaud Mussy a été jugé devant le Tribunal correctionnel de Nantes pour abus de faiblesse. Le mouvement anti-sectes s'est pleinement montré. L'avocat de la partie civile, Me Jean-Michel Pesenti, était un meneur du mouvement anti-secte qui travaillait pour l'UNADFI et représentait la famille de Jérémie. La directrice de l'ADFI de Nantes a apporté son témoignage. Le témoin expert à charge était un psychologue, Jean-Marie Abgrall, qui est en France une autorité en matière de lavage de cerveau dans les sectes et l'auteur de plusieurs livres anti-sectes. L'avocat de Arnaud Mussy fut nommé par la cour mais il ne reçut pas beaucoup de coopération de la part de son client. Comme le fit remarquer Mussy,
Je ne me suis pas préparé pour mon procès, j'ai seulement vu mon avocat une fois en deux mois. J'ai senti qu'il était important que je ne me prépare pas pour le procès, cela ne m'intéressait pas. Ce qui était important c'était de travailler sur mon livre. C'est ce qui m'intéressait. La loi About-Picard est stupide mais je ne peux pas perdre mon temps à la combattre. Il était clair que l'assemblée nationale avait là une nouvelle loi et on voulait l'essayer sur un petit groupe pour faire un exemple pas sur une secte importante et puissante comme la Scientologie qui a beaucoup d'argent pour se défendre. Je n'ai pas d'argent. Je savais que je ne pouvais pas gagner.
Mussy a dit aux journalistes qui s'attroupaient autour du tribunal : « Au début je décidais de ne pas prendre d'avocat car je me voyais comme testé par les cieux ». (« Le profil du gourou de la secte Neo-Phare à Nantes passé aux cribles ». AFP 14 oct. 2004 Nantes). Il a utilisé sa présence au tribunal comme une tribune à partir de laquelle il pouvait diffuser son message du millenium. Les journalistes, comme prévu, ont ridiculisé ses prophéties et ses revendications charismatiques mais Mussy semblait apprécier leur attention et affirmait qu'il n'était pas embarrassé par une prophétie qui ne se confirme pas (« On se relèvera, riche de cette expérience ! »)
Quatre victimes etaient nommés dans le proces : Jeremie, sa femme « Nadine », et le couple qui ont grimpé le Château Clermont. Le loi About-Picrd s'inclus un provision qui donne permission à les associations privés d'initier les actions criminels contre les sectes en representent leurs victimes - sans leur permission ou connaissance.
Le procès s'est ouvert, selon Arnaud Mussy, avec le juge d'instruction disant « j'accuse ! » (« Il me pointe du doigt directement et me dit, ‘Vous êtes ceci, vous êtes cela. Vous êtes coupable!' ») Le substitut du procureur, François Touron en écho avec le juge : « Vous êtes moralement responsable de la mort de Jérémie. Vous avez provoqué le décès de Jérémie ! » Me Pesenti a dit que Mussy était responsable du suicide de Jérémie en appliquant sur la victime une « pression répétée de façon à altérer son jugement » et en utilisant des « techniques qui façonnent la pensée ». Il prétendit que Mussy n'avait jamais « manifesté l'ombre d'une repentance ou de regret » (Mussy commenta « jamais ne vient l'idée personne ne pense, au grand jamais,…que peut être je puisse être innocent »)
On a souvent fait référence à la nature expérimentale de ce procès au tribunal. Le substitut du procureur fit remarquer « si cette loi n'existait pas, on ne pourrait pas inquiéter Arnaud Mussy ». Me Pesenti mentionna pendant sa plaidoirie que la nouvelle loi était « perfectible » et posait « des difficultés quant à son interprétation ». Me Petit, l'avocat de la défense objecta que son client était utilisé comme cobaye (ou un sujet d'expérimentation) pour cette nouvelle loi qui n'avait pas encore été testée. (« 3 ans de prison dont 6 mois ferme, requis pour le gourou du Néo-Phare ». AFP 6 juin 2005). Il avertit la cour : « On vous demande d'être des magistrats psychiatres. Ni vous ni moi n'avons les compétences pour juger de la « manipulation mentale ». »
Me Petit remit en question la notion d'abus de faiblesse en mettant en évidence que les membres de Neo-Phare n'étaient pas vraiment des personnes faibles : « Ils étaient pour la plupart d'entre eux, des adultes responsables avec dans certains cas des capacités intellectuelles « supérieures » - et ils étaient capables de faire un choix en toute liberté. Parmi eux se trouvait un docteur des urgences du CHU de Nantes, deux enseignants et une conseillère principale d'éducation ». (« Procès du gourou de la secte Neo-Phare » AFP, Nantes 15 octobre 2004). Il mit également en évidence le point important suivant : Arnaud Mussy n'avait pas en fait converti les membres à Neo-Phare. Ils étaient déjà les adeptes d'André Bougenec dans Phare-Ouest avant de former le schisme de Neo-Phare.
Le magistrat concéda : « Nous n'avons pas de preuves absolues que l'accusé a maîtrisé tout ce qui s'est passé ».
Lorsque Mussy s'est levé, il argumenta que Neo-Phare était trop petit, trop pauvre et trop discret pour être une secte. « Il n'y a ni argent, ni prosélytisme, ni trouble a l'ordre public ».
Cependant, Mme Dominique Hubert de l'ADFI Nantes, réfuta ce point :
« Neo-Phare représente la nouvelle face de la secte : la secte du futur la petite secte qui n'a pas l'air d'une secte. C'est vrai qu'il n'y pas d'argent, pas de manipulation apparente mais cela en fait quelque chose d'autant plus dangereux car ça ne ressemble pas à une secte ! Les jeunes y entreront sans réaliser qu'ils rejoignent une secte » (Interview avec Olivier Mussy).
Un point clé dans le réquisitoire du ministère public a été de démontrer qu'Arnaud Mussy correspondait au profil du chef d'une secte ou du « gourou ». La « preuve » dans ce cas se résumait à rien de moins que des attaques ad hominem et des injures. Mme Hubert, la directrice de l'ADFI Nantes disait de Mussy, « Il bluffe tout le monde. C'est un manipulateur dont l'ego est surdimensionné ! » (le Pannier, 05.09.02). Le Dr Abgrall psychologue, qualifia Mussy de « manipulateur », entouré d'apôtres qui pratiquent « la destruction de la pensée et du langage » (« Le profil du gourou de la secte Neo-Phare à Nantes passé aux cribles ». AFP 14 oct. 2004 Nantes).
Mussy protesta au tribunal qu'il n'avait rien à voir avec la mort de Jérémie, que « cela n'avait rien à voir avec notre projet. Les choses se passaient bien jusqu'à ce désastre. C'était juste un accident de parcours ». (Le gourou de la secte Néo-Phare comparaît jeudi et vendredi á Nantes," AFP, 10 octobre 2004 par Julien Dumont). Il nie avoir planifié un suicide avec des « pensées froides calculées » et il a eu l'impression qu'il recevait une réponse positive de la cour :
Quand je leur parle et que je leur expose mon côté de l'histoire, même le procureur dit : « Il semble être très franc et sincère ». « Aha ! » dit la directrice de l'ADFI. « Ceci prouve que c'est un manipulateur. Tous les gourous ont cette capacité à sembler sincère. C'est de cette façon qu'il manipule ! ».
Mussy objecta à ce rôle de gourou qu'on voulait lui imposer :
Mais je ne sais pas comment on fait du lavage de cerveau ! Je ne suis pas un gourou. Dans le groupe c'est plus un rôle d'animateur que je tiens. Pourquoi ? Car personne d'autre ne ferait quoi que ce soit. Je m'arrange pour que nous nous rencontrions, j'organise des colloques, j'écris des livres diffusés sur Internet. J'ai de l'énergie. Mais il n'y a pas de hiérarchie dans notre groupe. Je n'ai pas d'argent, les gens de Neo-Phare, ce ne sont pas mes disciples, ce sont mes amis ! (Interview avec Arnaud Mussy, le 20 février 2006)
Mais il déteste se faire psychanalyser par des personnes complètement étrangères :
La responsable de l'ADFI Nantes, elle ne m'a jamais rencontré, je ne l'avais jamais vu de ma vie, mais elle se tient devant la cour et leur dit qui je suis, ce qui se trouve dans mon esprit comme si elle me connaissait mieux que je ne me connais moi-même. Et le psychologue [Jean-Marie Abgrall] il s'avance, portant un beau costume et un attaché-case et on le présente comme le « grand expert » sur les sectes, et donc à tout ce qu'il dit, le juge lui fait des courbettes et dit, « ce doit être correct car c'est un expert ! ». C'est comme s'il était le gourou du juge ! Le psychologue dit à la cour exactement comment j'ai réagi dans ma tête à la mort de Jérémie ! Comment peut-il savoir ? Il dit : ‘Arnaud Mussy est comme ceci et comme cela'. Il utilise la Scientologie comme exemple pour la comparer au Neo-Phare. Le juge dit, 'Oh ! et bien, si c'est ce que vous dites. Vous êtes le spécialiste.' J'avais l'impression d'être de retour à l'Inquisition. Le Tribunal était le grand « inquisiteur », et l'Église catholique était remplacée par la République.
Me Petit plaida, « Mais il n'y a rien de concret ici. Il n'y a rien que son expertise [faisant référence à Abgrall]. Il objecta que Abgrall n'était pas un « expert », c'était un témoin à charge et son témoignage était « orienté ».
Neo-Phare avait l'habitude d'enregistrer toutes leurs séances sur des bandes vidéo mais quand la police arrêta Arnaud Mussy, ils ont saisi les archives du groupe, y compris un lot de cassettes vidéo. Pendant le procès de Mussy, plus d'une heure et trente minutes de réunions sur bande de Neo-Phare ont été visionnées au tribunal. Dans ces vidéos il y avait un grand nombre de prises du visage de Jérémie, que Abgrall décrivit comme « ayant l'air effrayé » et « désorienté ». Mussy expliqua le contexte de la manière suivante :
À Neo-Phare nous venions avec un carnet de notes et un crayon et nous nous asseyions autour d'une table. Les réunions étaient un cours, comme une université. Abgrall se concentra sur une scène où Jérémie me pose une question, a l'air perplexe et exprime une certaine confusion au sujet d'un point que je soulève. S'il s'agissait d'une vidéo d'un cours à l'université, ceci serait considéré comme un moment entièrement normal mais du fait que Abgrall veut l'utiliser pour prouver sa théorie psychologique, il dit que cela montre que Jérémie était fragile et désorienté et que je l'abusais psychologiquement.
Un rapport de l'AFP citant Abgrall dit que Jérémie a été dupé de façon cynique et opportuniste par Mussy qui « portait le masque d'une pseudo-conviction religieuse ». Abgrall diagnostiqua Mussy comme "un grand manipulateur pour qui le suicide de Jérémie était nécessaire, car dans le fonctionnement de Neo-Phare, il fallait un mauvais disciple ». (« Le profil du gourou de la secte Neo-Phare à Nantes passé aux cribles ». AFP 14 oct. 2004 Nantes).
Lors d'un interview après le procès, Me Pesenti concéda que la victoire avait été obtenue sur le fil du rasoir : « Le tribunal avait un texte à propos duquel le tribunal n'avait aucun repère. D'où un risque que le Tribunal correctionnel se déclare incompétent pour le terme de 'sujétion psychologique' un terme qui est au cœur de cette nouvelle loi ». Ainsi met-il le doigt sur les problèmes essentiels : comment prouver que la direction dans une secte peut être qualifiée de manipulation mentale ? ; comment prouver que la victime était sous l'influence d'un lavage de cerveau et n'agissait pas de sa propre volonté, non-influencée par d'autres facteurs ? ; et qui peut avoir la compétence d'en décider ?
Il est clair que le réquisitoire du ministère public reposait fortement sur le témoignage expert du psychiatre Abgrall qui une fois fit part de son point de vue sur les sectes à la télévision, de la manière suivante : « En dépit de ce qu'elles revendiquent, les sectes ne sont pas des mouvements religieux, mais plutôt des mouvements criminels organisés par des gourours qui utilisent des techniques de lavage de cerveau pour manipuler leurs victimes ».
Jean-Marie Abgrall est né à Toulon en 1950. Il étudia pour devenir docteur en médecine, puis psychiatre et s'est également formé comme expert psychiatre auprès de la police. Il rejoignit ISKCON dans sa jeunesse, s'est associé avec les Enfants de Dieu (selon des sources journalistiques) puis devint un membre à long terme d'une des loges maçonniques majeures en France. C'est une autorité en matière de sectes en France et un témoin expert dans les cas impliquant les NMR (Nouveaux mouvements religieux), tels que la Scientologie, les Raëliens et le Mandarom.
Abgrall faisait partie du conseil d'administration de la « Mission Interministérielle de Lutte contre les Sectes » (MILS), fondée suite au rapport Guyard de 1996 qui a produit une liste ou figurent 173 sectes. Il quitta ses fonctions en mai 2004, déclarant qu'on l'avait « démissionné ».
Il apporta son concours dans l'investigation des suicides en masse de l'OTS dans le Vercors en décembre 1995 et ce fut au cours de ses fonctions en tant qu'expert dans le procès du chef d'orchestre Michel Tabachnik (ancien mentor de l'OTS) que Abgrall subit un échec cuisant dans sa carrière professionnelle. La famille des victimes du temple solaire avait lancé une plainte collective contre les autorités pour ce qu'elles considéraient être une investigation bâclée qui reposait sans discernement sur la théorie du lavage de cerveau et passait sous silence certaines des anomalies parmi les évidences trouvées dans le Vercors qui semblaient impliquer la police secrète dans les meurtres. Ils firent appel du cas lorsque les résultats des investigations de la police sont sortis en 2003, en 2004, en 2005 et en 2006. Abgrall avait publié un livre dans lequel le dossier d'instruction fut révélé au public en 1999 (La secte de l'apocalypse) et en mars 2002 (Les mécaniques des sectes) avant que le cas ne soit résolu. De plus, Abgrall avait formulé une interprétation des suicides qui s'est avérée prématurée et erronée. Et donc, l'avocat d'une des parties civiles, Me Alain Leclerc, fit en sorte que Abgrall soit disqualifié en tant qu'expert au procès (entrevue avec Mme. Loth-Schmidt, 5 mars, 2006).
Me Leclerc a aussi demandé à ce que les affaires financières de Abgrall fassent l'objet d'une investigation. Celle-ci fut bloquée par deux fois par le magistrat. Mais le juge d'instruction, Baudoin Thouvenot déclara finalement qu'en 2001-02 Abgrall reçu la somme de 45.699,49 Euros de la secte, Landmark Education, alors qu'il était en même temps un membre et expert associé à la MILS. Landmark Education, fondée sous le nom de "Est" par Werner Erhardt à la fin des années 70, incorpore des techniques du Human Potential Movement, et n'est pas, comme l'a écrit une journaliste Martin Mireille, « une branche de la Scientologie ». En 1996 les avocats de Landmark n'ont pas apprécié de trouver leur groupe parmi la liste des 173 sectes alors ils ont engagé le Dr. Abgrall pour qu'il "audite" leur mouvement et écrive un rapport corrigeant leur statut de secte. Abgrall écrivit dans son rapport que « aucun des six éléments principaux relatifs aux sectes ne s'applique à Landmark ».(entrevue avec Mme Loth-Schmidt, 5 Mars, 2006).
Après que le scandale ait éclaté, l'interview de Abgrall apparut dans Le Parisien (« le rapport embarrassant de l'expert anti-secte », le 28 mai 2004). Nice Matin (le 29 mai 2004) a aussi interviewé Abgrall et l'a cité disant que l'action du juge d'instruction était une stratégie pour bloquer le procès de l'OTS. Il démentit qu'il y avait un conflit d'intérêt quand il écrivit le rapport pour Landmark, du fait que « j'étais renvoyé de la MILS ». « Sans compter que j'ai écrit un rapport défavorable et que j'ai payé mes impôts ». . Une lecture approfondie du rapport du Dr. Abgrall indique que ce sont des organisations inoffensives qui ne correspondent pas à sa définition de secte - mais ensuite il conclut avec une référence prudente à des signes possibles d'avertissement dans le groupe. Abgrall a dit au journaliste qu'après une longue et belle carrière à lutter contre les sectes, il songeait maintenant à se retirer. On se demande si Abgrall a été relevé de ses fonctions à la MILS parce que son audit de Landmark présentait un conflit d'intérêt ou si c'était pour d'autres raisons (voir preventsectes.com/rer0405.html28a).
Alors un troisième coup, venu d'où on ne l'attendait pas, porta atteinte à l'intégrité professionnelle de Abgrall il fut porté par l'un des Aumistes du Mandarom, peut être le NRM le plus stigmatisé et ridiculisé dans les médias français. La capacité d'Abgrall à conduire une psychanalyse à longue distance sur des étrangers a été mise en cause par la responsable administrative du Mandarom, le Dr Christine Amory. Dans son livre Les mécaniques des sectes, Abgrall présente un profil psychologique du leader spirituel des Aumistes, non découragé par le fait que ses demandes d'audience avec lui ont été refusées à deux reprises. Dr Amory écrivit une lettre à l'Ordre des Médecins demandant si cette méthode de psychanalyse était en fait cohérente avec le code d'éthique professionnelle. L'Ordre a soutenu Abgrall, mais ils réécrivirent leur code avec des directives plus précises quant à cette question (entrevue avec le Dr Christine Amory à Paris le 1er mars 2006).
Alors, quand Abgrall est apparu dans le procès du Neo-Phare, en octobre 2004, ce fut six mois après qu'il ait été renvoyé de la MILS ; une série d'articles humiliants étaient apparus dans les média mettant en cause son intégrité professionnelle ; sa théorie de la manipulation mentale conduisant au suicide avait été discréditée dans le procès de l'OTS en faveur d'une théorie alternative concernant une conspiration franc-maçonnique de la police secrète ; il avait été disqualifié en tant qu'expert dans un célèbre procès qui fit beaucoup de bruit et il fut mis dans l'embarras devant l'Ordre des médecins. On peut spéculer sur le fait que là, dans le procès d'Arnaud Mussy, il vit l'opportunité de se racheter ; si l'on applique une fois encore sa théorie sur le lavage-de-cerveau-conduisant-au-suicide . Il semble étrange que l'avocat de Mussy n'ait pas essayé de le disqualifier en tant qu'expert sur la base de tous ses échecs récents.
Pour comprendre l'affaire Néo-Phare, il est nécessaire de comprendre l'impact des suicides de masse de l'OTS en 1994-97 sur les pouvoirs publics et le public français.
En 1994, les suicides/homicides collectifs de l'OTS ont envoyé des ondes de choc sur la France ; l'Assemblée nationale a répondu en lançant une commission pour étudier le problème des sectes ; cette commission a publié le rapport Guyard en 1996. Le rapport Guyard a listé 173 groupes présumés être des sectes dangereuses. Ceci fut à l'origine d'un tollé, car les sources d'information sur les groupes étaient tenues secrètes et aucune raison ne fut donnée aux groupes pour les avoir inclus sur cette liste noire. Le mouvement « anti-sectes », subventionné par le gouvernement, fut alors pressé de fournir une définition claire ou un ensemble de normes sur les caractéristiques d'une secte, par lesquelles les religions non conventionnelles ou trop enthousiastes pourraient être mesurées. Mais il résista à cette pression. Comme le note Catherine Picard « Nous avons réussi à convaincre les députés européens de ne pas donner de définition du mot « secte ». Si vous donnez une définition, la personne que vous accusez se débrouille pour se trouver hors de la définition. ».
A la suite du rapport de 1996 de la commission Guyard, un comité de surveillance fut créé par le gouvernement, l'Observatoire interministériel des sectes. Il fut remplacé en 1998 par la Mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS). Celle-ci fut dissoute et remplacée en 2002 par la MIVILUDES (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires). Selon une modification intéressante, la lutte ne visait plus les sectes mais les "dérives sectaires". Ceci signifiait qu'au lieu de se focaliser sur la secte per se en tant qu'entité proto-criminelle, l'idée était d'attraper la secte commettant un acte dommageable ou illégal et d'appliquer des sanctions légales qui faciliteraient la dissolution du groupe lui-même et l'incarcération des leaders de la secte. (Il y a un parallèle intéressant ici avec une tendance dans le mouvement anti-secte américain, où nous voyons un changement dans les anciens déprogrammeurs et théoriciens du lavage de cerveau qui s'opposaient habituellement aux « sectes » pour agrandir leur portée en offrant des services de conseil concernant « la pensée sectaire » ou le « comportement sectaire » (voir le dernier site Internet de Margaret Singer).
La commission Guyard avait basé son analyse des dangers posés par les sectes sur des décisions judiciaires prises dans le passé. Mais celles-ci n'étaient pas assez nombreuses pour satisfaire le mouvement anti-secte. Ce problème (qui viole certainement l'éthique « innocent jusqu'à être reconnu coupable ») fut expliqué au Rapporteur spécial des Nations Unies comme une justification pour la loi About-Picard :
Les condamnations judiciaires n'étaient pas suffisamment nombreuses pour démontrer les dangers représentés par ces groupes parce que la victime n'est pas toujours conscience du mal qui lui a été fait ou que peu de membres se plaignent volontiers. Il est également difficile d'obtenir des preuves et le droit pénal existant ne couvre pas tous les actes qui suscitent des préoccupations.6.
Ainsi, la loi About-Picard semblait offrir une solution brillante au dilemme auquel le mouvement anti-sectes français était confronté dans sa lutte contre les sectes.
Ce contexte historique étant expliqué, il est possible de voir comment le souvenir de la tragédie de l'OTS a eu un impact sur le jugement d'A. Mussy et comment le jugement de M. Tabachnick se répercutait tout au long du jugement d'Arnaud Mussy qui se déroulait simultanément.
Le juge qui présidait le procès de M. Tabachnick note : « Le suicide du Vercors est une persuasion d'endoctrinement suffisamment forte pour saper la volonté et conduire à la mort dans les mêmes conditions que ceux qui se sont déjà suicidés. » En se référant au suicide en masse de cinq personnes le 22 mars 1997 à Saint Casimir, au Québec, il note « Ceci confirme le caractère particulièrement pernicieux et mortel de cette endoctrinement dans les témoignages des trois enfants survivants ». (Actualités sur les sectes (www.preventsectes.com/rev0101.htm))
Il exprime le sens de frustration des pouvoirs publics français confrontés à une société secrète qui perpétrait une mystérieuse chaîne de suicides trans-atlantiques en masse. Ces événements étaient imprédictibles, géographiquement parlant (se produisant au Québec, en Suisse et en France) et continuèrent pendant trois ans après la mort des leaders. Des enfants, des membres sans méfiance, d'anciens membres, des épouses et même des ex-épouses furent brutalement exécutés, mais les auteurs ne purent pas être punis parce qu'ils étaient tous morts, ne laissant qu'un texte de suicide, écrit de façon condescendante, moralisatrice, justifiant leur « transit » dans les limites leur idéologie radicale gnostique. Les suicides en masse de l'OTS semblent avoir un parfum d'étrange ou du surnaturel. On est tenté de s'émerveiller : "Le pouvoir du lavage de cerveau est-il si fort, si inéluctable, qu'il soit réellement possible de programmer un groupe de personnes pour qu'elles commettent un suicide de masse rituel trois ans après la mort de leur leader charismatique ? »
La condamnation de l'ancien leader et mentor de l'OTS, Michel Tabachnik, aurait apporté un dénouement satisfaisant au mystère irrésolu de l'OTS. Jean-François Mayer (1999), qui est l'érudit principal dans l'histoire de l'OTS et fut impliqué dans l'enquête suisse de 1994 sur les meurtres-suicides de l'OTS à Salvan et à Cheiry, a expliqué comment l'échec du procès de M. Tabachnik fut très frustrant pour les pouvoirs publics français :
[Le jugement de Tabachnik] devait être un jugement exemplaire, avec une valeur pédagogique. Comment est-il possible que tant de personnes soient mortes et qu'il ne reste personne de vivant à blâmer ? Dans le jugement de M. Tabachnik à Grenoble, ils tentaient de soutenir que ce qu'il avait écrit pouvait influencer les autres pour qu'ils se suicident. Mais il n'y avait rien dans cette littérature pour l'incriminer. J.M. Abgrall était le grand flambeau des sectes et de la manipulation mentale - mais il se trouva un juge qui ne voulait pas accepter des théories tirées par les cheveux. Les parents des victimes ont depuis fait appel et veulent que M. Tabachnik soit rejugé ; ainsi il est à présent tombé dans l'oubli. En conséquence, le cas de l'OTS était un cas extrêmement frustrant, sans fermeture et personne à blâmer. » (Entrevue avec Jean-François Mayer à Fribourg, 22 février 2006.)
Du fait de ce contexte, on peut soutenir que le cas Néo-Phare, qui s'occupait d'un suicide dans une secte apocalyptique, fut une affaire avidement bienvenue par le public et les pouvoirs publics français comme étant une opportunité de punir des leaders de sectes (perçus comme des marchands de suicide - laveurs de cerveau) et pour, en quelque sorte, compenser l'échec du procès de l'OTS.
Cette analyse est soutenue par les liens fréquents faits dans les media entre l'OTS et Néo-Phare. A. Mussy s'est plaint que son groupe était appelé « une branche de l'OTS » et que « les journalistes ont dit que j'étais comme Luc Jouret et Joseph Di Mambro. » Le Figaro étiqueta Néo-Phare comme "le nouvel OTS" et « la plus dangereuse secte en France » (Le Figaro, 01.09/02, "percer à jour les nébuleuses infections de Néo-Phare"). J.M. Abgrall a également déclaré que Néo-Phare était "tout comme l'OTS" ; en effet, les deux groupes enregistraient sur bandes vidéo leurs rencontres et pratiquaient les échanges d'épouses.
Arnaud Mussy a raconté une histoire amusante sur la façon dont il a été contacté par une chaîne de télévision importante qui voulait les droits exclusifs de son histoire. « Donc, ils sont venus ici, dans cet appartement, avec leurs caméras et preneur de son, et le présentateur a regardé tout autour, surpris « Où sont vos cierges, vos capes, vos croix ? Je ne vois aucun symbole ! Où est votre salle de cérémonie ? » Je lui ai expliqué que nous ne croyons pas en tout ceci des trucs religieux. Mais ils voulaient que nous ressemblions au Temple Solaire, donc ils nous ont proposé de nous prêter des capes et des cierges. J'ai refusé, alors le producteur a dit « Laissez tomber ! » Et l'équipe a remballé tout son équipement et ils sont partis. »
Que la manipulation mentale soit un concept enchâssé dans la loi de 2001 est rendu clair par son co-auteur, dans son livre, Sectes, démocratie et mondialisation (2002). C. Picard prétend « La manipulation mentale est l'un des moyens les plus évidents et les plus sournois de nier la liberté des autres. Faire que ceci soit un délit pénal est un moyen donné aux victimes et aux magistrats pour mieux protéger la liberté. » Elle insiste sur le fait que cette nouvelle loi ne viole pas la liberté religieuse, mais bien plutôt protège la liberté des « vraies religions » en éliminant les fausses : « Car on ne peut pas de bonne foi parler de liberté d'opinion lorsque la spiritualité ou des croyances alternatives sont utilisées comme un écran pour placer une personne en état d'emprise ouvrant la voie à toutes sortes d'escroqueries. »
La manipulation mentale a été catégorisée par le psychologue américain Dick Anthony (1999) comme une « version de la troisième génération » de la théorie du lavage de cerveau. La première recherche sur le phénomène de lavage de cerveau fut conduite par les psychologues américains Edgar Schein (1961) et Robert Jay Lifton (1961) qui ont étudié les effets des techniques de réforme de la pensée communiste sur des soldats américains alors qu'ils étaient incarcérés dans les camps de prisonniers de guerre en Corée. Ces deux chercheurs concluent que tandis que ces techniques sont efficaces en persuadant les sujets d'altérer temporairement leur position idéologique, les menaces et punitions reçues pendant qu'ils étaient enfermés et impuissants à s'en aller étaient une partie essentielle du processus de « coercition mentale ». En d'autres termes, les sujets doivent être d'abord contraints et ensuite persuadés. D. Anthony (1999) souligne qu'alors que J.M. Abgrall prétend baser sa théorie de la manipulation mentale sur cette légitime recherche de base, il ignore en fait les conclusions très importantes de Schein (1961) et Lifton (1961).
Comme nous le voyons dans le cas de Néo-Phare, il n'y avait pas de coercition physique des adeptes. Leur présence aux dîners bi-hebdomadaires de Phare-Ouest et la phase pré-communautaire de Néo-Phare étaient entièrement volontaires ; même après que le groupe soit entré dans sa phase millénaire, semi-communautaire, les adeptes étaient toujours libres de partir comme le prouve le haut taux de défection (voir Barker, 1984). Jérémie ne vivait même pas avec Arnaud Mussy au cours des semaines précédant son suicide et ne fut pas soumis à des punitions ou menaces physiques. Ainsi, selon les découvertes de Lifton et Schein sur la réforme de la pensée (1961) il est invraisemblable que Jérémie fût dans un état de lavage de cerveau lorsqu'il se suicida.
Dick Anthony indique que le modèle de lavage de cerveau de J.M. Abgrall est basé sur les modèles de Lifton et Schein, mais il est "esthétiquement altéré" de façon à « sembler bon face à un tribunal ». Les révisions de JM. Abgrall simplement « dotent la théorie d'un vernis de rigueur scientifique et de respectabilité académique ». La théorie d'Abgrall de manipulation mentale échoue à satisfaire le critère de falsifiabilité de Sir Karl Popper (1963) car les propositions scientifiques sont si vagues qu'elles ne peuvent pas être testées, prouvées ou réfutées. De façon à démarquer la science de la pseudo-science, Sir Popper dit qu'il faut regarder si les propositions sont formulées précisément de façon à pouvoir être testées, confirmées ou réfutées par l'observation empirique. Une étude des écrits d'Abgrall sur le lavage de cerveau montre qu'ils sont emplis d'arguments circulaires, de mots à la mode et émotionnellement chargés ; un langage chargé de valeurs. Ses artifices rhétoriques tirent leurs informations d'un fort préjugé contre les vues mondiales irrationnelles religieuses qui menacent la plausibilité structurelle de l'humanisme laïque. Ainsi, le travail théorique d'Abgrall épouse les caractéristiques de Sir Popper d'une « pseudo-science ».
Dick Anthony (2002) souligne que les "formulations de lavage de cerveau sectaire de troisième génération" reposent lourdement sur la notion d'hypnose. JM. Abgrall insiste que les sectes utilisent l'hypnose pour induire des états primitifs de conscience, diversement appelés hypnose, transe ou dissociation comme une phase nécessaire dans leurs techniques de lavage de cerveau. Le fait qu'à Néo-Phare il y ait une absence remarquable des rituels habituels trouvés dans les nouveaux mouvements religieux comme la méditation, les psalmodies, les exercices respiratoires qui induisent des états de conscience altérés ou « désorientés » n'a pas semblé dissuader J.M. Abgrall d'appliquer sa théorie de lavage de cerveau à Néo-Phare.
Le psychologue Ralph Hood 1995 a démontré que l'engagement religieux et l'expérience à laquelle il est souvent relié, et dont il est même le produit, altérait les états de conscience. Assumer que la conversion religieuse est involontaire parce qu'elle implique des états irrationnels est un jugement de valeur, plutôt qu'une conclusion scientifique. Aucun psychologue ou sociologue des religions n'a encore établi de critères empiriques par lesquels l'expérience et les conversions religieuses pourraient être distinguées l'une de l'autre en tenant compte du fait qu'elles sont volontaires ou involontaires. Mais J.M. Abgrall définit simplement tous les états de conscience non rationnels impliqués dans la conversion religieuse comme non désirables, sans fournir des critères empiriques réfutables pour évaluer cette hypothèse. Selon Dick Anthony (2002:232-3), sa théorie est de "la propagande anti-religieuse".
Étant donné le consensus au sein de la communauté universitaire que la théorie du lavage de cerveau est basée sur une méthodologie défectueuse et est qualifiée de « pseudo-science », la notion de condamner un homme sur une accusation basée sur le concept du lavage de cerveau semble risible. Dans le cas d'Arnaud Mussy, le procès était une parodie de justice, parce qu'il n'y avait aucune évidence pour soutenir l'accusation. Ma critique du procès est la suivante :
D'abord, il n'y a aucune évidence convaincante que Jérémie ait eu un « lavage de cerveau ». Il était membre de Phare-Ouest depuis 1998, et donc on pourrait supposer qu'il avait été soumis à trois années d' « abus de faiblesse » dans cette secte avant qu'il se joigne à Neo-Phare. Mussy n'a pas converti Jérémie à une spiritualité ésotérique, parce que Jérémie avait déjà épousé la philosophie mystique/apocalyptique/hérétique de Bougenec. Arnaud Mussy ne semble pas avoir été un laveur de cerveau particulièrement efficace; c'était plutôt un jeune prophète inexpérimenté qui essayait juste ses ailes.
Les données de l'entrevue suggèrent qu'il était un prédicateur efficace, mais un pasteur faible (Palmer 1988). Neo-Phare affiche un taux extraordinairement élevé de défection - 14 membres sur 20 sont partis en 1 an 1⁄2. Ce seul fait suggère que les pouvoirs de « manipulation » de Mussy n'étaient pas très efficaces (voir Barker 1984).
Ensuite, on trouve dans les rapports d'Abgrall, de Me Pesenti, de l'agent des RG, des officiels de l'ADFI et des médias, l'assomption que la nature apocalyptique du groupe per se faisait appel à la peur et à l'instabilité mentale chez les membres - et que c'était un facteur qui a conduit Jérémie au suicide. Marie-Claire Moirel qui était l'agent responsable des sectes aux RG de Nantes, affirme que le groupe commençait à « paniquer » à l'approche du jour J : « Les suicides de cet été n'étaient pas programmés, mais ils sont allés si loin dans leur délire qu'ils pouvaient ne pas réussir à remettre les pieds sur terre. » (« L'évolution d'une secte apocalyptique intrigue la police de Nantes » AFP 1er août, par Christophe Schmidt)
Les études des mouvements apocalyptiques ne soutiennent pas l'hypothèse que la prophétie déstabilise les communautés et cause des maladies mentales (voir Balch, Tumminia, Penton). Le ministère public et le témoin expert n'ont fait aucun effort pour vraiment rechercher ou explorer les innovations du type d'apocalypse particulier de Neo-Phare en lisant les livres de Bougenec ou le manuscrit de 800 pages d'Arnaud Mussy. Une étude de la pensée prophétique de Mussy indique qu'il n'envisageait pas une fin cataclysmique violente, mais plutôt une transformation subtile. De plus, il a toujours approché la date finale avec un échappatoire. Par exemple, quand j'ai interviewé Mussy en février, il m'a dit que la fin se produirait le 30 mars « mais c'est comme la date d'accouchement d'une femme enceinte cela peut arriver avant ou après. »
Troisièmement, Abgrall a affirmé dans le procès que Jérémie avait été choisi et était devenu le bouc émissaire du groupe, qui lui avait donné le rôle de « Judas ». Ceci a l'air « négatif » dans le christianisme conventionnel, mais un examen plus soutenu de la théologie hérétique de Neo-Phare montre que ce n'était pas nécessairement un rôle stigmatisant car Judas est une figure positive, en tant que disciple le plus proche et le plus aimé de Jésus. De plus, les rôles de Neo-Phare étaient seulement temporaires car les membres étaient constamment mis à l'essai ou recevaient des réincarnations précédentes, à l'instar de masques. Quand j'ai rencontré les frères de Mussy pour la première fois, j'étais étonné d'entendre de la bouche d'Arnaud que « mon frère m'a tué dans le passé quand il était Cain et que j'étais Abel. » (Perplexe, j'ai regardé Olivier qui a souri et hoché fièrement la tête). Olivier a également été le pape St Pierre, et il m'a aussi dit que ce n'était pas bizarre d'être avec la femme de Jérémie, parce que « tu dois comprendre - Jérémie et moi étions la même personne ». Arnaud a expliqué qu'Olivier était une version plus mûre et plus évoluée de Jérémie. Ceci soulève le troisième facteur la nature collective de ces rôles. Par exemple, Arnaud Mussy affirme que Jésus était une version d'Abraham bien plus évoluée. La Vierge et Marie-Magdeleine étaient « la même personne ». Donc afin d'analyser la fonction sociale et psychologique des exercices de jeux de rôles de Neo-Phare, on doit être un initié bien versé dans leur grammaire. Le fait qu'Abgrall ait choisi juste un fait pour soutenir sa théorie de lavage de cerveau sans faire le moindre effort pour explorer sa signification culturelle spécifique au sein de Neo-Phare est typique de sa méthodologie.
Quatrièmement, si nous comparons le suicide de Neo-Phare à ceux de l'OTS, de Heaven's Gate et de Jonestown, il ne correspond pas au modèle de « suicide collectif de secte ». Jérémie s'est jeté devant une voiture, ne laissant aucune justification écrite de son acte. Ce n'était pas un suicide collectif, et il n'y a aucune évidence que Mussy ou le groupe l'ait programmé ou s'y attendait. Aucun des textes de Neo-Phare ou de Phare-Ouest mentionnés au procès ne préconisait le suicide, même de manière cryptique. De plus, nous manquons de la présence rituelle et du conseil idéologique du leader charismatique qui préside et participe au suicide religieux, comme l'ont fait Luc Jouret, Di Mambro, Herff Applewhite et Jim Jones (Wessinger 2000). Arnaud Mussy n'était pas dans la même ville quand le suicide s'est produit et affirme qu'il n'avait pas vu Jérémie depuis quatre jours.
Bon nombre des nouveaux rapports sur le cas impliquent un suicide collectif en rapportant des tentatives de suicide de la part de deux autres membres dans les jours qui ont suivi la mort de Jérémie. Ceci renforce la notion du lavage de cerveau qui se produit dans une secte destructive, et place Neo-Phare dans le même panier que l'OTS. Mais ni Claude ni Sylvie n'ont jamais porté plainte contre Mussy, ni ne sont apparus au procès. Ils ont simplement écrit une déposition, qui a été lue à la cour par Me Petit et qui était en faveur d'Arnaud Mussy. Ils ont rejeté la notion que Mussy était un « manipulateur » et l'ont dit « sincère ». Ils ont dit que leur participation à Neo-Phare étaient entièrement volontaire et qu'ils n'ont jamais reçu de pression de la part d'Arnaud Mussy pour les faire agir contre leur volonté et certainement pas de commettre le suicide.
Selon Arnaud Mussy, le juge a rejeté leur déclaration en disant que Claude et Sylvie étaient « fragiles » et « psychologiquement impressionnables », et que c'était la seule raison pour laquelle ils n'accusaient pas Mussy. Abgrall a expliqué leur réticence de s'opposer à Mussy comme le « syndrome de Stockholm » (entrevue avec Olivier Mussy). Jusque-là, il n'y a aucune évidence que d‘autres membres songeaient au suicide ou qu'Arnaud Mussy prévoyait ou incitait des suicides collectif ou individuel. La notion d'un suicide collectif a été « inventée et partagée par les journalistes, les politiciens, le juge et le psychiatre » déclare Mussy; « ils n'arrêtaient pas de parler de Neo-Phare comme le « nouvel OTS » ou « une branche de l'OTS ».
Il est intéressant de noter que le rapport de 1995 du rapporteur spécial de l'ONU sur la liberté de religion ou de croyance contient deux erreurs concernant Neo-Phare d'évidence dues à une source incertaine. Elle écrit, « le 25 novembre 2004, sur la base d'investigations indiquant des risques de suicide collectif, inter alia, le tribunal correctionnel de Nantes a condamné la première personne en vertu de la loi About-Picard... pour avoir abusé de l'état d'ignorance de quatre membres du groupe. »
Mais il n'y a jamais eu « d'investigation sur le risque de suicide collectif ». Tout ce que nous trouvons sont des rumeurs de journalistes (voir « Chronique d'un suicide collectif annoncé », Le Figaro, 31 août 2002, par Christophe Cornevin). La seule investigation policière impliquait le rôle des enfants dans Neo-Phare. Il serait intéressant de savoir qui a donné au Rapporteur spécial cette version incertaine des événements, et quels en étaient les motifs sous-jacents. (Le rapport des droits de l'homme de la Commission des Nations Unies : « Droits civils et politiques, incluant la Question de l'intolérance religieuse. » Le rapport est soumis par Asma Jahangir, rapporteur spécial sur la liberté ou croyance religieuse, Supplément 2 : « Mission en France » du 18 au 29 septembre 2005.
Ceci soulève ma cinquième critique : la recherche insatisfaisante d'avant le procès. L'effort des avocats et du juge pour étudier l'histoire, les croyances, les pratiques, l'organisation sociale, les coutumes sexuelles et les modèles d'autorité de ce NMR, ou pour les placer dans le contexte de l'histoire des religions alternatives en France, a été très superficiel. D'anciennes données qui collaient au portrait standard de « secte dangereuse » du mouvement anti-secte ont été citées devant le tribunal, tandis que les données qui étaient en conflit ou qui compliquaient les stéréotypes étaient ignorées. L'omission la plus sérieuse fut qu'il n'a été fait aucune mention pendant le procès qu‘un développement significatif dans l'histoire de Neo-Phare s'était produit pendant la dernière semaine de Jérémie.
D'après mes entrevues avec les frères de Mussy, il semble qu'il y a eu une crise d'autorité dans le groupe au cours de la semaine précédant la mort de Jérémie. Je ne prétends pas résoudre le mystère du suicide de Jérémie, je suggère simplement que cette crise aurait dû être mentionnée au tribunal.
Si les raisons menant à la décision d'une personne de se suicider sont difficiles à comprendre pour un étranger, c'était la tâche de la cour d'étudier les circonstances qui entouraient la mort de Jérémie.
Les frères de Mussy rapportent que Claude et Sylvie, des anciens membres de Phare-Ouest pendant sept ans, avant d'entrer à Neo-Phare, avaient tenté un coup pour destituer Arnaud Mussy et prendre le pouvoir. Ceci s'est produit pendant la semaine qui a précédé la mort de Jérémie, du 8 au 13 juillet, à Cellier. Olivier décrit l'événement comme suit :
Nous étions tous là, une dizaine d'entre nous à Cellier. Arnaud nous a laissés le 8 pour retourner à Nantes et c'est le 9 que [Claude] a montré son vrai visage. Ce soir-là quand nous avons parlé pendant le dîner, il a commencé à faire le patron. Il nous a dit qu'il avait eu la révélation qu'il était Le Père, et que nous devions passer par lui pour faire le passage. Il a dit « vous ne devez pas manger autant » et « vous devez m'obéir et faire ce que je veux pour préparer votre passage à la Jérusalem céleste ». Il a mentionné plusieurs choses qui s'étaient mal passées dans la maison avec notre groupe - et il a blâmé Arnaud.
C'était une période de 8 jours dans la même maison, tous ensemble. Le 11 juillet [Sylvie] montre également son vrai visage. Elle nous dit qu'elle était La Mère que nous devions lui obéir ou que nous serions punis. Et ce fut notre erreur, à ce moment-là, en tant que groupe de le croire. Nadine, mon âme-sœur, et moi-même nous l'avons tous cru. J'aurais dû refuser, j'aurais dû voir alors qu'il était mauvais, un manipulateur.
Olivier décrit la réaction de Jérémie :
Jérémie avait peur de lui. Jérémie m'a dit que quand il regardait [Claude et Sylvie] il voyait des ténèbres qu'ils étaient très dangereux. J'ai commencé à avoir peur d'eux également quand il m'a dit cela. J'ai senti que Jérémie demandait de l'aide, mais je ne pouvais pas l'aider. J'ai senti alors que [ils] étaient trop puissants. Je pouvais voir beaucoup de noirceur dans leur attitude. (entrevue avec Olivier, mercredi 24 février, à 14 h 00, par téléphone)
Olivier décrit une longue discussion entre lui, le couple et Jérémie le 13. Le couple a dit à Jeremy qu'ils étaient les deux visages de Dieu, le mâle et la femelle, et que Jérémie était Lucifer, l'ange rebelle. Il dit que Jérémie semblait effrayé et avait confié plus tard à Olivier qu'il voyait beaucoup de noirceur (ténèbres) dans le couple.
Après avoir établi leurs prétentions charismatiques au sein du groupe, le couple est alors allé à Nantes pour s'occuper d'Arnaud. Olivier rapporte que :
Le 11 juillet, Claude et Sylvie sont allés voir Arnaud. Ils sont allés chez lui à Nantes et lui ont dit « Je suis le Père et la Mère ». Arnaud a été étonné. Il a dit « Où est l'amour dans votre discours ? André nous a toujours dit quand nous le lisions et quand nous l'avons rencontré, que nous étions censés agir avec amour ! »
Après une longue discussion, le 12 juillet, le couple est revenu à Cellier avec Arnaud et a essayé de le destituer officiellement devant le groupe tout entier. Olivier Mussy rapporte que :
Ils ont répété le même message devant Arnaud, mais ensuite [Claude] a ajouté « Je suis André [Bougenec] ! ». Puis Arnaud a dit « Stop ! Assez ! » Nous avons alors réalisé que nous avions fait une erreur de croire en eux, qu'il n'y avait aucun amour dans leur relation que nous avions été manipulés. [Sylvie] a dit à Arnaud : « Je te hais ! Je te hais ! Je te hais ! Je te hais ! ». Arnaud a dit « Ne dis pas cela ! Tu vas le regretter ! » Après le 12, la noirceur de [Claude et Sylvie] a augmenté. Il y a eu une dispute. Arnaud passait seulement quelques heures par jour ici, puis revenait en soirée. [Le couple] agissait comme s'ils étaient les leaders. Il était très difficile de réagir. Nous avons réalisé que nous avions fait une erreur. Mais [ils] ne voulaient pas changer. Nous avions encore peur. [Ils] ont continué à essayer de nous manipuler. Ils nous ont dit de ne pas tant manger ! Ils n'arrêtaient pas de blâmer Arnaud pour tout. Arnaud est venu à Cellier le 13 juillet, et quand il est parti et qu'il a dit au revoir, [Claude]a dit calmement « Je vais me tuer ! » Il était calme, mais nous avons noté son comportement démentiel. Il semblait brutal comme s'il allait exploser d'une minute à l'autre. Sylvie a réagi différemment. Elle était assise sur une chaise et ne disait rien. Elle était très passive, mais de temps à autre elle agissait violemment. Elle [attaque]mon âme-sœur…elle l'a contournée et a crié sur elle et lui a donné un coup dans l'estomac.
Arnaud décrit les mêmes événements dans son entrevue, mais avec une perspective différente.
Il explique qu'il avait quitté Cellier le 8 parce que Claude lui avait suggéré de rentrer chez lui pour quelques jours. Il lui avait dit qu'il sentait qu'Arnaud était sur le point de rencontrer son âme-sœur s'il allait à Nantes. Arnaud a obéi, mais quand Claude et Sylvie sont allés le voir à Nantes, le 11 juillet, il a été étonné par leurs prétentions charismatiques. Arnaud a interprété ce coup comme une manière de renforcer ses propres prétentions charismatiques : « Ils reculent le mal de la révolution angélique symbolique de la révolte dans l'histoire humaine. »
Quand Arnaud revient à Cellier vers 13 h 00, le 13 juillet, il constate que Jérémie vient de partir. Le jour suivant, le 14 juillet, Jérémie l'appelle trois fois depuis son téléphone cellulaire - le matin, au déjeuner et en soirée. La première fois, il dit : « J'appelle d'un hôtel à Nantes. » La deuxième fois il appelle pour avertir Arnaud de la tentative de coup. Arnaud l'invite chez lui, mais il dit : « Non, il n'y a rien à faire, le mal est trop puissant. »
Le récit de Mussy du second coup de téléphone, le plus significatif, est celui-ci :
J'ai parlé à Jérémie le jour où il s'est tué. Il m'a averti que le « mal de [Claude et Sylvie] est grave ». Il a dit, « je suis Jésus et si je suis Dieu, je peux déclencher les événements ! Je suis le visage de Dieu, donc je dois mourir pour que Dieu se manifeste... » Il a dit qu'il était Jésus et qu'il devait mourir. Mais je n'ai pas pris sa menace sérieusement. Je sais que je suis Jésus, et j'écris et parle à ce sujet, mais je n'essaye jamais de me tuer. La différence avec Jérémie c'est qu'il a dit « Je suis Jésus - et boum ! Il se tue immédiatement ! »
La troisième fois, Jérémie l'appelle brièvement pour dire qu'il faisait de l'auto-stop pour aller à Angers [chez lui] et qu'il rappellerait plus tard. Il dit qu'il appelle de la voiture qui l'a pris sur la route. Plus tard ce soir-là, les membres de Neo-Phare apprennent sa mort. (Entrevue avec Arnaud Mussy, 20 février 2006 à Nantes),
Comment le groupe a-t-il réagi à la nouvelle de la mort de Jeremy ? Olivier a dit, « Nous étions assommés ; personne ne s'attendait à ça. Nous ne savions pas comment réagir. Notre premier souci était de réconforter Nadine, son épouse. Elle était très silencieuse, elle était sous le choc, elle a pleuré - et puis le lendemain, elle est partie et est retournée vivre chez ses parents.
Olivier rapporte qu'en apprenant la mort de Jérémie, le couple charismatique était très silencieux, mais le jour suivant, le 15, Claude a escaladé le mur d'un château du 18e siècle, le Château Clermont, aux environs de Cellier. Le jour suivant, le 16, Sylvie a escaladé le même mur (nue avec une rose dans la bouche, selon les rapports des médias). Avant cela, ils avaient dit aux frères de Mussy : « Nous sommes les deux visages de Dieu, donc nous pouvons faire des choses extraordinaires ! » Sylvie fut repérée par une femme à l'intérieur du château, qui s'est mise à crier. Elle a glissé et est tombée, mais ne s'est pas fait mal. Il y avait une clinique dans le Château et elle y a été emmenée pour un examen psychiatrique. La police a questionné le couple, mais une copie de leur rapport n'est pas disponible.
Cette nouvelle information pourrait être appropriée pour comprendre l'état d'esprit de Jérémie pendant sa dernière semaine. On pourrait dire qu'il réagissait à la déstabilisation de son monde social. Il avait été éprouvé par la perte de son épouse et par les menaces extérieures à son monde social posées par l'enquête policière et la couverture médiatique négative. Il était d'évidence alarmé par le chaos au sein de Neo-Phare, et peut-être découragé par la faible réaction d'Arnaud face au défi que le couple portait à son leadership.
Cet événement suggère que le charisme est une entreprise plus complexe et plus communautaire que le lourd modèle monolithique du gourou puissant qui impose sa volonté aux fidèles. Comme le note Roy Wallis (1985) : « Le charisme généré va du bas vers le haut ». Les disciples ont un rôle important dans le soutien de la personnalité charismatique du leader et la forme que ses prétentions devraient prendre. Tandis que les frères de Mussy étaient peu familiers avec le concept de charisme de Max Weber, les situations qu'il décrit sont d'excellents exemples des mécanismes de construction de charisme. Le charisme est un processus collectif et des processus continus ouverts de formation d'identité tant pour les fidèles que pour les leaders.
Les études universitaires ont exploré les nombreuses formes différentes de relations charismatiques - duos charismatiques, enfants messianiques - et ont placé plus d'emphase sur le rôle important des administrateurs ou des épouses qui définissent ou gèrent la personnalité charismatique du leader (Palmer, 1994). Il y a suffisamment de données sur Neo-Phare pour montrer que les membres étaient activement impliqués dans la construction du charisme. Nadine et Aimé réclamaient du charisme pour elles-mêmes en soutenant les prétentions d'Arnaud à travers un comportement similaire à la transe. Trois autres membres en plus d'Arnaud prétendaient être « Jésus » ou « André ». La possibilité que les jumeaux de Mussy aient constitué un « duo charismatique » tout comme Herff Applewhite et Bonnie Nettles de la Porte du Paradis devrait être présente à l'esprit. Le fait que l'« abus de faiblesse » repose sur la prétention aveugle que l'autorité charismatique peut être réduite à un stéréotype monolithique qui nie la richesse des données de recherches et des développements théoriques depuis Max Weber est l'une des faiblesses principales de la loi About-Picard. L'abus de faiblesse est un modèle explicatif très brut d'un phénomène complexe - l'interaction subtile et dynamique entre les leaders spirituels et leurs disciples. S'il en résulte le mal, il n'y a qu'une explication trop simplifiée, comme si le concept de lavage de cerveau était la seule approche valide pour évaluer pourquoi ou si la participation dans de nouvelles religions a des conséquences sociales ou psychologiques nocives. Mais il y a d'autres modèles « dehors ». Plusieurs de ces mêmes universitaires qui ont critiqué la théorie du lavage de cerveau, se sont concentrés sur les questions du mal dans les NMR, ont développé des théories et ont mené une recherche pour comprendre les trajectoires violentes de certains mouvements (Wessinger 2000; Bromley et Melton 2003; Mayer 1999). Mais ces études sont ignorées par le mouvement anti-secte français.
Si un cas va devant le tribunal, on peut s'attendre au moins à ce qu'un effort soit fait pour fournir une documentation sur les circonstances qui ont mené à la deiti alléguée. Comme le note Hervieu-Leger (2004:57) : « la loi About-Picard... implique la documentation de la situation de faiblesse qui rend [les pratiques sectaires] dangereuses et illégales. » Cette documentation manquait dans le procès d'Arnaud Mussy.
En effet, il est rare de trouver une documentation adéquate sur n'importe lequel des NMR en France. C'est un champ si controversé que les universitaires et les étudiants diplômés évitent prudemment les NMR comme une action contre-productive pour leur carrière. En l'absence d'une telle documentation, comment les avocats peuvent-ils prouver si la « victime » a été ou non contrôlée par la force mystérieuse et inéluctable du lavage de cerveau ?
Picard affirme la nécessité de confirmer les principes de la liberté de conscience et d'opinion, comme partie intégrante de la déclaration des droits de l'homme de 1789 et de la loi de 1905. Néanmoins, elle évite ces principes mêmes en insistant sur le fait que les sectes ne sont pas des religions authentiques, par conséquent cette liberté de conscience ne s'applique pas. Les croyances religieuses des membres de secte n'ont jamais été choisies librement, dit-elle, mais imposées à eux par le biais d'un « abus frauduleux de leur ignorance et de leur faiblesse ». Picard les voit comme « mis en état de sujétion » et mûrs pour toutes sortes « d'escroqueries ».8. Elle nie que la nouvelle loi viole les droits et les libertés de l'homme, et prétend qu'elle protège les individus contre les sectes totalitaires qui privent les membres de la liberté et des droits de l'homme.
« Sanctionner les actes graves, non les croyances » est la devise de Picard (2002:278). Elle insiste sur le fait que cette loi de 2001 respecte les plus hauts standards de la liberté religieuse inhérents à la loi de 1905 et à la Déclaration des droits de l'homme parce qu'elle censure les « crimes et non les croyances ». Mais ce n'est tout simplement pas vrai. Les crimes qui viennent des dérives sectaires ne sont pas des crimes ordinaires ; ils ont quelque chose de spécial. La loi About-Picard n'ignore pas les croyances religieuses car elle est conçue pour cibler les groupes distingués principalement par leurs visions du monde inhabituelles et alternatives. À l'avenir, le gourou qui se tiendra devant le tribunal sous l'accusation d'abus de faiblesse ne sera pas traité comme un citoyen ordinaire mais plutôt comme la réincarnation de Luc Jouret ou de Joseph Di Mambro des adeptes sinistres des techniques occultes de lavage de cerveau dont les plans de suicide collectif furent contrecarrés.
La version de Picard (2002) contient beaucoup d'erreurs, de prétentions non prouvées et de généralisations, mais je ne me concentrerai que sur trois des prétentions les plus problématiques :
D'abord, Picard déclare que toutes les sectes ne sont pas des religions authentiques parce qu'elles assaillent la liberté et le bien-être individuel. Ceci dit, elle n'offre aucun critère clair pour distinguer une secte d'une religion authentique. Beaucoup de religions respectables du passé n'ont-elles pas assailli la liberté individuelle, torturé les dissidents et tué les hérétiques de façons que nous considérons déplorables aujourd'hui ? Le Christianisme et le Bouddhisme n'ont-ils pas commencé comme des sectes, des schismes ou des dérives sectaires du Judaïsme et de l'Hindouisme ? Les premiers chrétiens n'étaient-ils pas une secte avant la conversion de l'empereur Constantin ?
En second lieu, Picard semble impliquer que des cerveaux sont lavés seulement dans les confins des sectes, puisque la loi de 2001 est conçue pour s'appliquer spécifiquement aux leaders des sectes, par opposition aux entraîneurs de football autocrates, aux directeurs de chorale charismatiques ou aux vendeurs d'aspirateur persistants. Mais qu'est-ce qu'une secte ? Ses caractéristiques ne sont pas définies. La prétention plutôt vague semble être qu'une secte est là où se produit le lavage de cerveau avec de graves conséquences. Si une personne dans une secte subit un tort, c'est parce qu'il ou elle est dans une secte. Mais si personne dans la secte ne subit un dommage ou ne veut se plaindre, est-ce encore une secte ? Oui, parce qu'ils sont tenus dans l'état de soumission ou de souffrance du « syndrome de Stockholm ».
Troisièmement, Picard nous assure que toutes les sectes sont intrinsèquement dangereuses, que des crimes et des méfaits résulteront inévitablement si nous leur permettons de continuer. Mais montre-t-elle des statistiques qui le prouve ? Si on devait comparer les événements nocifs qui se produisent dans des sectes à ceux qui se produisent pendant les matchs de football ou les concerts de rock, constaterait-on nécessairement que les membres de secte encourent plus de dommages physiques que les joueurs de football - ou se livrent à plus de sexe illicite et de drogues illégales que les musiciens de rock ? Et si les leaders des sectes réussissent à rester discrets et que les fidèles réussissent d'une façon ou d'une autre à se comporter comme des citoyens modèles - que faire ? Et bien, le mouvement anti-secte français a déjà conçu plusieurs stratégies pour surmonter ce problème :
1. Éviter les méthodes standards de recherches (groupes de contrôle, méthodes de sciences sociales dans la recherche ou sources primaires).
2. Compter sur les Renseignements Généraux ou les ex-membres hostiles pour obtenir des données. Inviter les ex-membres à porter plainte contre leur groupe, et les récompenser pour cela
3. Dans les cas qui vont devant le tribunal, ne citer que les allégations initiales, pas le jugement ou les résultats du procès.
4. Écarter et dénier les témoignages, opinions et descriptions de toutes les constructions de réalité primaires et secondaires qui ne sont pas conformes à la position « anti-secte » - tels que les membres actuels, les ex-membres non-hostiles ou les sociologues et les chercheurs. Leurs opinions sont peu fiables parce qu'ils ont des préjugés, ont été achetés, subissent du chantage ou sont sous l'influence du lavage de cerveau ou du syndrome de Stockholm.
Certaines sectes sont destinées à réussir par leurs efforts évangélistes et par l'éducation de leur deuxième génération, et elles peuvent devenir très peuplées et commencer à s'étendre sur deux, trois, voire même quatre générations. Comme dans la société séculière, il y aura l'exemple isolé de la fraude, de l'exploitation financière ou sexuelle, du suicide, de l'abus d'enfant, de la négligence médicale, de retenues d'impôt, etc.. Si ces formes de déviances sociales sont perpétrées par des humanistes ou des catholiques séculiers, elles seront vues comme des « mauvaises choses arrivant à de bonnes gens ». Mais quand elles se produisent dans les limites d'une secte, ce sont des dérives sectaires, émanant tout droit du c&œur noir de la secte, l'évidence de la maîtrise du gourou des techniques inéluctables de la manipulation mentale. Comme nous n'avons pas de statistiques pour prouver que les NMR sont intrinsèquement plus (ou moins) enclins au crime que les autres organisations humaines, le mouvement anti-sectes commandité par le gouvernement français, a besoin de rassembler et même de créer plus de crimes et de délits pour les dérives sectaires pour maintenir la plausibilité de sa structure d'où la loi About-Picard. Et d'une façon similaire à la secte apocalyptique confrontée avec la dissonance cognitive et la non-confirmation prophétique, les fonctionnaires et les bureaucrates de la MIVILUDES et de l'UNADFI chercheront à attirer des militants avec tambours et trompettes, et soutiendront leurs principes irrationnels en se lançant avec ardeur dans une activité missionnaire (Festinger et al.1952).
En novembre 2000, le gouvernement chinois a invité des représentants des MILS, CCMM et FECRIS à un colloque international sur les « sectes destructives » (Dasi, 2001:74). Alain Vivien de la MILS a présenté la loi About-Picard au gouvernement chinois à Beijing, qui prévoyait de l'imposer à Hong Kong, comme une façon de traiter Falungong et les autres « sectes du mal ».
« L'adoption d'une loi anti-secte en France a ouvert la voie pour Hong Kong pour proscrire le Falun Gong. Le directeur de la Surveillance des Droits de l'Homme, Law Yuk-kai, dit : « Hong Kong payera le prix, non seulement politiquement mais économiquement, parce que le monde verra le traitement de Falun Gong comme un indicateur des libertés ici. »
Le mouvement vers une telle loi a été motivé par une pression de Beijing. Comme le gouvernement de Hong Kong n'est pas une « institution démocratique », il pourrait facilement abuser d'une telle loi. Une loi anti-secte pourrait même être utilisée pour interdire le Taoïsme, le Bouddhisme et même l'Église catholique, dit-il. Il doute également qu'une telle loi tiendra devant un tribunal. » (Yip et Schwartx, Hong Kong Mail, 31 mai 2001)
En 2004, en Belgique, un groupe est formé sous le député André Frédéric pour considérer les recommandations de la Commission d'enquête sur les sectes de 1996-7 afin de créer une loi qui permettrait la poursuite des leaders de secte pour « abus de faiblesse ». La proposition mise devant le Ministre de la Justice, Laurette Onkelinx, était d'augmenter la section du code pénal concernant les « abus de faiblesse » pour inclure la phrase suivante :
Quiconque abuse de l'état d'ignorance ou d'une situation impliquant un mineur ou une personne vulnérable en raison de l'âge, de la maladie, de l'infirmité, de l'insuffisance physique ou psychologique, d'un état précaire ou de grossesse, pour amener cette personne à commettre un acte ou s'abstenir d'une action qui affecte son intégrité physique ou mentale, ou leur transmission, sera punie... .
Les peines recommandées pour les personnes condamnées pour abus de faiblesse vont de 3 mois à 3 ans en prison avec des dommages à payer de 250 à 20 000 euros. En cas de mort de la victime, le tribunal a le pouvoir de publier le jugement dans la presse, aux dépens du leader de la secte condamnée, afin d'avertir le public.
En janvier 2005, la MIVILUDES a publié un guide pour les fonctionnaires, les instruisant sur comment repérer les « sectes dangereuses ». (Rapport international sur la liberté 2005, émis par le département de la démocratie, des droits de l'homme et du travail). En mai 2005 le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a publié une circulaire indiquant que les listes du rapport Guyard ne devraient plus être utilisées pour identifier des sectes, mais que les autorités devraient concentrer leurs énergies sur ces « petits » groupes « fluides » qui sont moins facilement identifiables et qui utilisent Internet pour le recrutement.
Catherine Picard a récemment dit « ce dont nous avons besoin est plus de condamnations ! »
Aujourd'hui Mussy habite seul, au cinquième étage d'un vieil immeuble de Nantes, et passe ses journées à travailler à son manuscrit de 800 pages, une synthèse raffinée de la philosophie gnostique, exégèse de la Révélation de St John, des calculs et de l'herméneutique hérétique des symboles chrétiens dans l'art comme les clefs de l'apocalypse imminente. Il s'est plaint dans notre entrevue : « On m'appelle un maître de la manipulation, un profiteur des victimes faibles mais, mes amis... j'ai si peu d'influence sur mes amis qu'ils m'ont abandonné dès que j'ai eu des ennuis ! Quand je suis allé devant le tribunal, ils n'ont pas voulu être impliqués avec des avocats. Mon image est écrasée ! Depuis trois ans je n'ai rien fait avec le monde extérieur. Je reste à la maison et écris mon livre. Si un autre de mes amis proches se suicide, je vais en prison ! Maintenant mon frère est mon seul ami. »
Mais le prophète de Nantes continue à prophétiser :
C'est fini. Il va y avoir un grand bouleversement du monde, un déroulement complet de la coquille de la planète ! Les journalistes aiment me décrire comme violent. Mais je n'ai jamais parlé de la mort ! Je parle d'une naissance ! Toute l'humanité du monde, ensemble, forme un placenta. Il y aura une naissance et l'humanité devra faire face à Dieu juste comme un enfant qui est né voit le visage de ses parents. Entre le 28 février et le 1er mai, ce sera, non pas la fin du monde, mais la fin d'un monde un monde. Mais le temps est élastique... comme la date de naissance du bébé.
En préparant cet article à présenter au Président lors de la réunion du CESNUR, je lui ai demandé s'il voulait le regarder pour vérifier qu'il n'y avait pas d'erreurs. Il a répondu : « Oui, mais vous feriez bien de me l'envoyer avant le 24 mai ! »
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