Il ne reste plus rien des dossiers judiciaires parisiens visant l'Eglise de scientologie. La juge d'instruction de Paris Colette Bismuth-Sauron a rendu, vendredi 26 juillet, une ordonnance constatant la prescription de l'action publique dans un dossier ouvert en 1989 pour des faits d'escroquerie contre des membres de la Scientologie. Après une première ordonnance rendue le 12 juillet et concernant une instruction ouverte en 1983, c'est la seconde fois en moins d'un mois que Mme Bismuth-Sauron, qui a hérité des dossiers anciennement instruits par la juge Marie-Paule Moracchini, constate que les faits visant l'association, classée parmi les mouvements sectaires par la Mission interministérielle de lutte contre les sectes, sont prescrits.
Entraînant l'extinction des poursuites envers les personnes mises en examen, cette décision a aussitôt été qualifiée de "nouvelle victoire" par l'Eglise de scientologie, qui a estimé que ces dossiers étaient "de toute façon vides de tout fondement". La juge Bismuth-Sauron s'est vu confier les deux dossiers d'instruction visant la Scientologie à la suite du dessaisissement, le 18 octobre 2000, de sa collègue parisienne Marie-Paule Moracchini, qui instruisait ces affaires depuis plus de dix ans. La juge parisienne avait en effet été gravement mise en cause, en 1998, à la suite de la disparition en plein Palais de justice de Paris, et dans des conditions restées mystérieuses, d'un tome et demi du dossier d'instruction ouvert en 1989. Poursuivie au disciplinaire, devant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), la juge Moracchini avait finalement été relaxée, le 13 décembre 2001 : le CSM avait estimé qu'elle n'avait pas "manqué aux devoirs et aux charges de son état de juge". Une information judiciaire sur les circonstances de la disparition des pièces d'instruction a cependant été confiée, le 21 juillet 2000, à Mme Bismuth-Sauron.
Entre-temps, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris (ex-chambre de l'instruction) avait estimé, dans un arrêt du 29 septembre 1999, que les deux instructions visant la Scientologie, restées en sommeil depuis le début des années 1990, pouvaient reprendre. La chambre d'accusation avait ainsi affirmé que la règle de la prescription (qui implique que les poursuites sont éteintes trois ans après le dernier acte de procédure) n'affectait pas ces deux dossiers : bien qu'aucun acte de procédure n'ait été accompli depuis le 4 février 1993, la cour a fait valoir que la disparition des pièces du dossier constituait un "obstacle de droit", "imputable au service public de la justice", et de nature à suspendre la prescription. C'est cette analyse qui vient d'être contredite par la juge Bismuth-Sauron, qui a finalement estimé, après une nouvelle analyse du dossier, que l'action publique était éteinte.
S'appuyant sur une requête formée par Me Olivier Metzner, avocat de l'Eglise de scientologie, la magistrate fait ainsi valoir, dans son ordonnance du 26 juillet, que "l'incident de la disparition des pièces ne permet plus à lui seul de constater la suspension de la prescription, compte tenu des éléments recueillis sur la nature des pièces disparues". A défaut de reconstituer entièrement le dossier judiciaire, les investigations menées par Mme Bismuth-Sauron sur la disparition d'un tome et demi de la procédure ont en effet permis d'identifier la nature des pièces volatilisées. Il s'agit essentiellement de courriers échangés entre des plaignants et l'ancienne juge Marie-Paule Moracchini, soit des pièces qui ne "constituent pas des actes interruptifs de prescription". La magistrate en conclut que la prescription est acquise depuis février 1993 : les poursuites sont donc désormais éteintes dans ce dossier, alors que trois membres de la Scientologie venaient d'être mis en examen pour escroquerie, entre décembre 2001 et mars 2002.
Le parquet et les parties civiles ont immédiatement fait appel de l'ordonnance de la juge, qui sera soumise à la chambre de l'instruction. Cette décision obère cependant largement cette affaire, qui tourne au naufrage judiciaire. Le 12 juillet, la magistrate avait ainsi déclaré prescrit le premier dossier d'instruction ouvert en 1983, au motif que la jonction de cette procédure avec celle de 1989, qui aurait pu interrompre la prescription, n'avait jamais été effectuée formellement par Mme Moracchini. Plus de vingt ans après les faits et après avoir mis au jour de nombreux dysfonctionnements du service public de la justice, l'affaire de la Scientologie pourrait donc ne pas connaître de véritable issue judiciaire.
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