Maître de conférences au département dethnologie de luniversité de Montpellier, Maurice Duval sest immergé pendant plus de quatre ans dans la secte du Mandarom. Son étude Un ethnologue au Mandarom (PUF) est publiée le 25 janvier.
LE FIGARO. - Votre livre est sous-titré : Enquête à lintérieur dune "secte". Pourquoi ces guillemets ?
Maurice DUVAL. - La notion de secte ne veut rien dire ; on ne sait pas quoi mettre dedans. Le rapport parlamentaire sur les sectes dit texto quil ne sait pas définir ce mot et sattaque donc à une notion quil ne connaît pas. Il faut évidemment se poser la question de la criminalité de ces groupes religieux. Mais à ma connaissance, il ny a pas dentrave au droit au sein du Mandarom.
LE FIGARO. - Vous reconnaissez pourtant vous-même que vous navez pas pu tout voir
Maurice DUVAL. - Quand pendant quatre ans on se rend régulièrement au Mandarom, quon arrive à limproviste, quon va chez les adeptes, quon dort parfois chez eux, on sent même les non-dits. Honnêtement, je ne pense pas quon mait caché quelque chose. Bien sûr, je nai pas tout vu ; aucun ethnologue ne voit jamais tout. Je ne suis jamais entré dans le temple du gourou. Je nai pas pu voir les livres de comptes mais je nai jamais rencontré même chez les "renégats" qui ont quitté le Mandarom daccusations sur les finances. Les enfants ? Il ny a pas denfants au Mandarom.
LE FIGARO. - Pour vous, le Mandarom est donc une religion ?
Maurice DUVAL. - Cest une nouvelle religion marginale qui puise dans toutes les religions précédents en essayant de les synthétiser. Il y a un dogme très reduit, un ordre monastique, un corpus de prières, des initiations, un clergé La seule différence est quelle est tout à fait embryonnaire ; le Mandarom na pas dhistoire.
LE FIGARO. - Nouvrez-vous pas la porte à la banalisation de tous ces mouvements religieux qualifiés de sectes ?
Maurice DUVAL. - Puisque lon dit que ces mouvements sont dangereux, le devoir de lEtat serait de stimuler des recherches indépendantes et intègres. Je suis le seul à avoir fait une enquête de fond. La peur quon puisse légitimer certains groupes religieux fait quon préfère limmobilisme. La mission interministérielle sur les sectes ne finance aucune recherche. La missiona parlementaire cest complètement bidon. Il faut envoyer des chercheurs et ne pas se baser uniquement sur les rapports des RG.
LE FIGARO. - Pourtant le CNRS a utilisé cet argument pour émettre un avis défavorable à la poursuite de votre étude
Maurice DUVAL. - Il nest pas facile quand on est attaché à une conviction de découvrir du jour au lendemain que cest faux même pour un chercheur. Cest comme si un militant du Parti communiste découvrait dans les années 50 la réalité des pays de lEst, il pouvait pas laccepter car cela détruisait toutes ces convictions. La société pense dans son ensemble que le Mandarom cest le mal. Cela me fait frémir que la société puisse être dans lerreur et que des scientifiques préfèrent sen remettre à lopinion publique plutôt quà la vérité. Pour ce groupe, il y a une présomption de culpabilité qui a remplacé la présomption dinnocence classique alors que personne ne se soucie dune association loi 1901 créée en 1996 dont le but est la restauration de linquisition.
LE FIGARO. - Comment expliquez limage dangereuse qui est associé au Mandarom dans la société ?
Maurice DUVAL. - Il existe un religieusement correct et un religieusement incorrect. Larrivée dune nouvelle religion est un élément perturbateur car elle remet en question lordre établi. Au deuxième siècle, Pline écrivait à lempereur Trajan quil ne voyait rien dautre chez les chrétiens que des superstitieux bizarres. Cest une question de relativisme culturel. Les croyances venues dailleurs nous étonnent. Si je vous raconte quen Afrique on égorge des poulests et on colle les plumes sur une pierre pour obtenir quelque chose de lau-delà, cela va vous faire sourire.
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