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"Les faux espoirs du procés Tabachnik"

par Jean-François Mayer ("La Liberté", Fribourg [Suisse] 30 avril 2001)
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La France vient de nous offrir un procès qui se voulait pédagogique: le Temple Solaire comme illustration du "danger des sectes". Mais ce procès a aussi vu la mise en cause de l'enquête suisse: à en croire certains médiatiques avocats, elle aurait failli à sa tâche. Vraiment? Comme expert, j'ai participé à cette enquête dès l'après-midi du vendredi 7 octobre 1994, deux jours après la découverte des drames de Cheiry et de Salvan. J'ai vu travailler les juges et les policiers. Il n'est pas inutile de révéler ce qui s'est réellement passé.

  1. Les enquêteurs suisses ont-ils prêté attention au rôle de Michel Tabachnik? Oui, dès la première semaine. Assez rapidement, Tabachnik fut placé sous surveillance. Tant dans les documents saisis que dans les interrogatoires, les enquêteurs furent dès le début à l'affût de tout ce qui pouvait donner des indications sur son rôle.
  2. Michel Tabachnik était-il le chef idéologique de l'OTS? Il se trouvait placé dans une position élevée, mais son rôle était complexe. Admiré plus qu'aimé par les membres de l'OTS, il tenait des discours qui dépassaient la compréhension de beaucoup d'entre eux. On le constate dans une vidéo interne d'une conférence de Tabachnik à des membres initiés, dans la "salle des chevaliers" qui se trouvait à la rue des Vollandes, à Genève. A la fin de l'exposé: "Vous avez compris?" Silence gêné des auditeurs. Heureux de s'entourer de personnes plus brillantes que lui, Di Mambro craignait les concurrents potentiels: dans une autre vidéo, on le voit critiquer Tabachnik (absent) face à des membres. Toute l'enquête montre qu'un seul homme pouvait donner le sinistre ordre du "transit": Di Mambro. Rien ne suggère que les membres auraient obéi à un ordre venant de Tabachnik.
  3. Tabachnik a-t-il menti? Il a en tout cas joué avec les mots, en ne cessant de minimiser sa participation au moment où il a commencé à être mis en cause. Il a ainsi attisé les suspicions. Mais cela ne fait pas de lui un criminel. Cette maladresse même laisse d'ailleurs penser qu'il ne savait pas ce qui allait arriver: s'il avait été informé à l'avance des tragédies de 1994 et 1995, il aurait préparé alors un système de défense plus crédible! De plus, on ne trouve jamais sous sa plume le terme de "transit" - et Dieu sait si les enquêteurs suisses ont tout fait pour l'y découvrir! A l'époque où s'élabore l'idéologie du "transit", Tabachnik est éloigné de l'OTS. Les contacts se renouent dans les mois qui précèdent les drames de 1994.
  4. L'enquête suisse a-t-elle négligé des éléments importants? Tous les textes présentés aujourd'hui comme essentiels (le livre d'or de l'Ordre, des procès-verbaux, des textes doctrinaux.) étaient connus des enquêteurs suisses. dès les premières semaines de l'affaire de 1994! Ils ne les ont pas ignorés: ils les ont interprétés différemment. Et rien ne prouve qu'ils aient eu tort.
  5. Aurait-on pu en faire plus? On pouvait étudier encore plus à fond l'histoire de l'OTS et son fonctionnement, par exemple. Intéressant d'un point de vue historique ou sociologique: en revanche, cela n'aurait rien apporté de plus du point de vue judiciaire. Quant à prévenir l'affaire du Vercors, il aurait fallu pour cela un coup de chance: que l'un des participants appelés au "transit" informe la police, par exemple. Les convocations se faisaient de façon codée: même une surveillance permanente de lignes téléphoniques (d'ailleurs effectuée temporairement en octobre 1995, au moment du premier anniversaire) n'aurait sans doute rien révélé - ou trop tard. La France fait campagne

L'enquête suisse n'a pas débouché sur un procès à grand spectacle: frustrant, car chacun aurait aimé pouvoir traîner des coupables devant la justice; mais rien ne le permettait. Alors, pourquoi le procès de Grenoble?
La France se trouve engagée depuis quelques années dans une campagne contre les sectes. L'OTS paraissait offrir l'occasion d'un procès exemplaire: mais ne fait-on pas sortir la justice de son rôle en lui demandant d'être "pédagogique"? Et puis, chaque groupe qualifié de "secte" est différent: vouloir faire de l'OTS l'exemple de ce qui arrive aux sectes, c'est se livrer à un amalgame discutable.
Sans même rappeler que ce n'est pas l'intervention policière de l'Etat "laïc" qui pourra répondre aux quêtes de sens qui ont, malheureusement, attiré des hommes et des femmes sincères dans le sillage d'un Di Mambro.

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