La souris qui rugissait

Un bref aperçu du rapport parlementaire français sur l'argent des sectes du 10 juin 1999, par Massimo Introvigne - Lire aussi le texte complet du rapport

Un nouveau rapport parlementaire français, daté du 10 juin, est consacré à l'argent des sectes. C'est un document de 322 pages, signé par le député Jacques Guyard (auteur du rapport "Les Sectes en France" de 1996) en tant que président de la commission et le député Jean-Pierre Brard (l'un des membres les plus extrémistes de la Mission interministérielle de lutte contre les sectes) en tant que rapporteur. La commission parlementaire et la Mission de lutte contre les sectes sont deux structures différentes et ne devraient pas être confondues, quoique Guyard et Brard soient membres des deux.

Le rapport est divisé en trois parties. La première a trait à la situation actuelle des sectes et à la façon dont elles sont organisées. Elle indique que la liste des sectes du rapport de 1996 est toujours valide, mais que de nouvelles "sectes", exclues à l'origine, car elles avaient (à tort) été déclarées non dangereuses, devraient à présent y être incluses, tout particulièrement l'Anthroposophie et l'ordre de la Rose-Croix AMORC. Elle tente de définir la structure "typique" d'une secte (comprenant une organisation internationale, une association pour les activités pseudo-religieuses, et une organisation différente pour les activités commerciales comme la vente de livres ou les séminaires). Le rapport indique qu'en France la plupart des sectes sont organisées soit en association (loi de 1901) ou en association cultuelle loi de 1905) ; certaines sont également organisées en partis politiques (la Méditation transcendantale et le Parti Humaniste, une façade pour une secte argentine). Les sectes internationalement reconnues comme organismes non gouvernementaux peuvent bénéficier de la Convention européenne pour une reconnaissance mutuelle des ONG de 1986, une possibilité extrêmement dangereuse selon le rapport. Le rapport propose de durcir les conditions que doivent remplir les associations en général, de refuser de façon uniforme le statut de cultuelles aux sectes, puisqu'elles sont opposées à l'ordre public, et de limiter l'accès des petits partis politiques sans représentation parlementaire à des apparitions télévisées gratuites, ou aux fonds publics. Enfin, la première partie s'interroge sur le fait de savoir si les sectes sont coordonnées par une seule structure cachée. Ici, est également incluse la référence habituelle, paranoïde et "complotiste", au CESNUR. La commission demande une autre "étude" pour savoir s'il peut exister une sorte de structure inter-sectaire coordonnant et défendant, en fait, tous les mouvements. Le CESNUR pourrait, en fait, être une telle structure cachée quoiqu'il puisse maintenant avoir été "relayé" par l'Omnium (un petit groupe de défense de la liberté religieuse en France).

La seconde partie traite de la façon dont les sectes font de l'argent et mentionne différents domaines : l'éducation, la santé et les séminaires de formation proposés aux sociétés et aux entreprises.

Des mesures sont proposées pour exclure les sectes et même les adeptes individuels de ces domaines. Il y a aussi une typologie financière des sectes, des plus riches (les Témoins de Jéhovah et la Scientologie), aux comparativement pauvres. Une bonne façon de rendre les sectes riches moins riches, suggère le rapport, serait de taxer leurs donations "manuelles" à 60 %, comme cela fut fait récemment avec les Témoins de Jéhovah.

Ici, des noms sont donnés. Des informations budgétaires et financières de nature évidemment confidentielle (y compris un nombre conséquent de noms d'individus) sont jetées au grand public. Elles ont été rassemblées à partir d'enregistrements d'impôts (quoique, dit le rapport, toutes les autorités des impôts n'ont pas coopéré), de rapports de services de renseignement, de réponses obligatoires à un questionnaire envoyé à 60 groupes et d'une participation également obligatoire à des audiences secrètes (les personnes absentes étaient menacées d'amendes et de prison, comme ceux qui divulgueraient le contenu des audiences). Tout autre individu ou association, n'importe où dans le monde, poursuivrait simplement en justice pour violation de la vie privée et gagnerait. En France, les commission parlementaires sont exemptées de toute responsabilité légale, et la vie privée des "sectaires" est évidemment considérée comme sacrifiable.

Dans la troisième partie, la commission cherche des crimes possibles (fraude, fraude à la sécurité sociale, fraude aux impôts nationaux et internationaux). Ici, le monumental rapport accouche d'une souris, car la commission admet que peu de sectes sont poursuivies et peu sont trouvées coupables. La logique du rapport est, toutefois "condamnés si vous le faites, condamnés si vous ne le faites pas." Si une secte est reconnue coupable d'évasion fiscale et autres crimes financiers, elle est dangereuse. Si ses comptes et enregistrements d'impôts sont plus ou moins en ordre et qu'il n'y a pas de preuve d'activité illégale, la secte a appris comment nager dans le système légal, et elle est encore plus dangereuse. En fait, la plupart des activités décrites par le rapport seraient parfaitement normales si ces activités était conduites par toute autre groupe que par une secte et elles sont communes dans les églises des tendances principales. En conséquence, nous sommes de retour à la case départ de toute cette affaire française : comment définissez-vous une secte ? Quoiqu'elle n'aurait dû discuter que des finances, la commission mentionne également d'autres points. Elle recommande de continuer la discussion pour savoir si un statut anti-manipulation mentale devrait être mis en place (quoiqu'elle mentionne des voix dissidentes parmi les anti-sectaires eux-mêmes - cela pourrait rendre les poursuites plus difficiles) et le lavage de cerveau ou déstabilisation mentale reste l'élément crucial pour identifier une secte. Le rapport expose aussi, en tant que stratagème répréhensible, tout changement de nom par un mouvement (comme les Enfants de Dieu qui sont devenus la Famille, Tabitha's Place qui est devenu "La Ferme", etc).

Dans ses conclusions finales, la souris rugit. Le rapport recommande plus d'activité de la part de la Mission de lutte contre les sectes, plus de co-opération avec les mouvements anti-sectes comme l'ADFI, et des initiatives spécifiques anti-sectes par chaque branche du gouvernement. Le niveau de connaissance des nouveaux mouvements religieux par la commission n'est pas très haut, comme d'habitude dans des documents français similaires, mais les procédés confirment les soucis les plus graves au sujet de la liberté religieuse en France. La commission se soucie de la critique internationale vis-à-vis de la France, mais elle a décidé de continuer sur la voie ouverte par le rapport de 1996. Le rapport a été voté à l'unanimité, quoique les partis de centre-droite aient ajouté à leur vote un avertissement indiquant que, alors que la lutte contre les "sectes'" devrait continuer, la liberté religieuse devrait être respectée. De quelle façon ces deux éléments peuvent être menés ensemble reste à voir.


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