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] Jen viens tout de suite à la question qui vous intéresse plus particulièrement, je veux dire à lorganisation chrétienne à laquelle jai fait allusion dans ma précédente lettre et au sujet de laquelle vous avez, je crois, écrit dernièrement à M. Guénon, à la fois en votre nom et au nom de Mme la Comtesse Humnicka. Le plus simple est que je reprenne les choses par le commencement, cest-à-dire en remontant à lépoque déjà lointaine où jai eu connaissance de cette possibilité dinitiation. Vers lannée 1932, je fus frappé par des allusions faites par M. Charbonneau-Lassay dans plusieurs de ses articles à des organisations chrétiennes fermées dont lenseignement lui avait permis de mieux comprendre la signification de certains symboles chrétiens. Comme M. Charbonneau-Lassay avait personnellement connu M. Guénon, il me fut assez facile dentrer en relations avec lui (je veux dire avec M. Charbonneau-Lassay), et je me permis de linterroger sur les dites organisations. M. Charbonneau-Lassay me parla seulement, tout dabord, dune seule organisation, lEstoile Internelle dont il avait vu les documents originaux remontant au XVème siècle. Cette organisation, depuis cette époque tout au moins, navait jamais comporté que 12 membres se recrutant par cooptation, cest-à-dire quil sagissait dune Organisation vis-à-vis de laquelle on ne pouvait pas faire acte de postulant. Chaque membre se choisissait un successeur, qui prenait sa place lors de sa mort. M. Charbonneau-Lassay se défendait dêtre membre de cette organisation et affirmait quon lavait seulement autorisé à compulser les archives. Lexistence de lEstoile Internelle ne fournissait aucune solution au problème du rattachement initiatique pour des Catholiques mais javais limpression que M. Charbonneau-Lassay tenait certaines choses en réserve. Jentretins pendant plusieurs années des relations assez suivies avec M. Charbonneau-Lassay et jeus même loccasion de lui rendre quelques services pour ses travaux. Nos relations devinrent à la longue plus intimes, et comme je revenais sans cesse sur cette impossibilité pour des Chrétiens de trouver une initiation dans leur propre tradition, il finit par me révéler quil y avait, en effet, autre chose. Depuis le XVème siècle également, il existait des documents sur une organisation appelée Fraternité des Chevaliers du Divin Paraclet, dont le nombre de membres nétait pas limité. En 1668, cette organisation, qui florissait particulièrement dans lIle de France, la Beauce, le Maine, lAnjou et le Poitou, se trouvait réduite à un petit nombre de membres qui, pour des raisons qui nous sont inconnues, ne désiraient pas faire de nouveaux initiés. Il se trouvait alors que le Chevalier-Maître de la Fraternité du Paraclet était, en même temps, un des 12 membres de lEstoile Internelle. Il fut décidé que la Fraternité du Paraclet serait mise en sommeil, et ses archives confiées à lEstoile Internelle. Toutefois, pour assurer la continuité de la transmission de cette forme dinitiation, il fut convenu quà chaque génération, plusieurs des membres de lEstoile Internelle recevraient linvestiture de la Chevalerie du Paraclet, afin quon puisse, dans la suite des temps, si on le jugeait opportun, réveiller cette Fraternité, dans laquelle linitiation peut être transmise dhomme à homme, et nest pas collective. Deux siècles passèrent dans cette situation. La Révolution Française faillit amener lextinction de la chaîne par la mort de la plupart des membres de lEstoile Internelle, mais un des survivants, âgé de plus de 80 ans, put quand même, avant de mourir, assurer la transmission des deux organisations. Dans la seconde moitié du XIXème siècle, les chefs de lEstoile Internelle tentèrent, à diverses reprises, de réveiller la Fraternité du Paraclet, mais se heurtèrent, à chaque fois, aux scrupules, dailleurs injustifiés des Catholiques quils avaient pressentis, et qui craignaient de sengager dans une voie qui leur paraissait susceptible de nêtre pas approuvée par les Autorités Ecclésiastiques. Le choses restèrent en létat jusquen 1925, époque où un vieil archiprêtre de la cathédrale de Poitiers, que M. Charbonneau-Lassay connaissait depuis de longues années, lui révéla lexistence des deux organisations dont il était alors le chef et il proposa à M. Charbonneau-Lassay de lui transmettre linitiation du Paraclet, sous lengagement de reconstituer cette organisation sil en apercevait la possibilité. Au moment où M. Charbonneau-Lassay me fit cette confidence, rien navait encore été fait dans ce sens. M. Charbonneau-Lassay sétait bien ouvert à ce sujet à lun de ses amis, qui était, je crois, un homme tout à fait remarquable, le Comte Palud du Bellay, mais la mort de celui-ci, survenue en 1929, était venue tout arrêter. Je dois dire que je trouvais M. Charbonneau-Lassay fort hésitant, et, pour le décider à tenter ce réveil, je dus lui apprendre que certains de ceux qui suivaient René Guénon et qui recherchaient une initiation sétaient décidés à entrer en Islam, faute de trouver quelque chose du côté chrétien. M. Charbonneau me demanda alors si je connaissais des personnes sûres qui seraient intéressées à la reconstitution de cette fraternité. Je lui dis que cétait mon cas et celui dun de mes amis, pour commencer. Cest ainsi quen septembre 1938, je reçus linvestiture du Paraclet, et présentai à M. Charbonneau-Lassay celui qui devait devenir son successeur. Javais reçu également de M. Charbonneau-Lassay le pouvoir de transmettre à mon tour, et nous fîmes quelques initiations au cours de lannée 1939. |
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