CESNUR - center for studies on new religions
vilnius

RELIGION AND DEMOCRACY: AN EXCHANGE OF EXPERIENCES BETWEEN EAST AND WEST

THE CESNUR 2003 INTERNATIONAL CONFERENCE
organized by CESNUR, Center for Religious Studies and Research at Vilnius University, and New Religions Research and Information Center
Vilnius, Lithuania, April 9-12 2003  

De la MILS à La MIVILUDES
La politique envers les sectes en France après la chute du governement socialiste

par Règis Dericquebourg
Communication au colloque CESNUR 2003 à Vilnius (Lithuanie)

Le 21 avril 2002, les Français élisaient une seconde fois Jacques Chirac, représentant la droite modérée à la présidence de la République avec la surprise que l’on sait : le chef du Front National est arrivé en seconde position devant le candidat socialiste Lionel Jospin qui occupait le poste de premier ministre jusqu'à sa candidature à l’élection présidentielle.

Lors des élections législatives qui suivirent l’élection présidentielle, les Français envoyèrent une majorité d’union de la droite républicaine modérée à la Chambre des Députés permettant ainsi à Jacques Chirac de gouverner comme il l’entend. Celui-ci nomma Jean-Pierre Raffarin comme premier ministre, lequel constitua son gouvernement.

La coalition sortante comprenant les socialistes, les verts, le parti communiste et ses apparentés était connue pour son opposition aux sectes et aux groupes qui leur sont assimilés. Les tentatives d’élimination, déniées ou non, de toute forme de religiosité non-conformiste furent critiquées par des organismes internationaux de défense des droits de l’homme, des associations de défense des libertés religeuses, ainsi que des chercheurs et des hommes politiques étrangers. Aussi, les milieux qui s’intéressent à l’acceptation des groupes religieux minoritaires en France et certains groupes eux-mêmes ont attendu les premières mesures que le gouvernement français prendraient vis-à-vis des sectes.

La situation globale en France

En France, la gestion du religieux repose sur le régime de la séparation de l’Etat et les Eglises, qui est fondé en droit par la loi de 1905. Celle-ci traduit au plan légal une conception philosophique des liens entre l’Etat et la société appelée la laïcité, mot impossible à traduire dans d’autres langues. Elle exprime au plan légal le processus social selon lequel la religion perd peu à peu son influence sur l’individu et la société que l’on a appelé la sécularisation.

Selon la loi de 1905, la République ne reconnaît ni ne subventionne aucun culte, elle ne s’immisce pas dans les affaires intérieures des religions. Vis-à-vis des religions, elle n’est concernée que par l’ordre public. Pour des commentateurs de la loi comme le Pr. Jacques Robert, cette loi n’autorise pas la République à établir une distinction entre les Eglises établies et les sectes. Au contraire, elle ouvre la voie au pluralisme religieux puisqu’il ne peut plus exister de religions officielles ou tout au moins de religions privilégiées par l’Etat. Ce pluralisme avait été inauguré par le Concordat napoléonien en 1802 puisqu’il établissait le régime des cultes reconnus limité à l’époque au catholicisme, au protestantisme et en 1808 au judaïsme. Avec le Concordat, l’Eglise catholique cessait d’être la religion de la France. Un pluralisme des grandes confessions était établi ; la loi de 1905 permit d’aller plus loin dans le pluralisme. Toutefois, si les groupes religieux minoritaires peuvent, en principe, pratiquer et se développer librement, il n’obtiennent pas nécessairement la reconnaissance plénière comme association culturelle qui permet comme les Eglises établies de recevoir des dons et des héritages, de visiter les prisonniers et les militaires, d’être exonérés de certaines taxes. Cette pleine reconnaissance est accordée par le Bureau des Cultes du Ministère de l’Intérieur après une étude du dossier et à la demande du mouvement religieux. Aucune secte ne bénéficie de la reconnaissance plénière. En fait, la plupart d’entre elles ne l’ont pas demandée.

En France , les ressources mobilisées pour la lutte contre les sectes sont disproportionnées par rapport a la taille du non-conformisme religieux. En effet, le phénomène des minorités religieuses est numériquement peu important. Les principaux mouvements sont : les Témoins de Jéhovah (130 000 fidèles + 70 000 sympathisants), les Adventistes, les Evangélistes (Assemblées de Dieu, Porte ouverte chrétienne, Evangélistes tziganes), les Mormons (31 000 fidèles) les Scientologues (4000), la Soka Gakkaï. Beaucoup de groupes se situent aux environs de 1000 fidèles (Antoinistes, Science Chrétienne, Ivi, Raëliens, Aumisme, Hare Krishna), La Famille (ex-Enfants de Dieu) disparue. Il ne reste que 400 moonistes. Enfin, il existe de multiples cercles parfois éphémères d’adeptes du New Age. Le nombre total de ces fidèles ne doit pas dépasser 400 000. Parmi les Eglises établies, la plus importante est le catholicisme, suivi par l’islam, le protestantisme et le judaïsme.

Est-ce que l’on constate une évolution de la politique vis-à-vis des groupes religieux minoritaires en France ?

En France la gestion du religieux relève en principe du Bureau des cultes du ministère de l’Intérieur. Il a une fonction juridique et il se charge d’instruire les demandes de reconnaissance. Il est aussi la police des cultes. Toutefois, sous la pression des associations anti-sectes, les parlementaires se sont penchés sur le phénomène des sectes.

Un premier rapport établi sous la direction de M. Alain Vivien (parti socialiste) a été déposé en 1983. Un second rapport confié à Jacques Guyard (parti socialiste) intitulé « Les sectes en France » a été remis au gouvernement le 22 décembre 1995. Il est inutile de revenir sur la méthodologie de cette enquête. Elle a été suffisamment critiquée et discréditée par de nombreux chercheurs étrangers et français.[i] Toutefois, les conclusions alarmantes auxquelles il aboutissait incitèrent le premier ministre de la droite revenue au gouvernement, M. Juppé, à créer un observatoire des sectes placé sous la direction de M. Guerrier de Dumast en 1996.

De nouveau au pouvoir, le gouvernement socialiste a créé, en 1998, à côté du Bureau central des Cultes (mais sans lien officiel avec lui), un organisme chargé de lutter contre le sectes, placé sous la direction du premier ministre et appelé Mission interministérielle de lutte contre les sectes, dont le responsable fut Alain Vivien, ancien dirigeant d’un mouvement anti-sectes, le Centre contre les manipulations mentales (CCMM), fondé par l’écrivain rationaliste Roger Ikor. Les pouvoirs de cette mission étaient mal définis. En principe, elle coordonne la lutte contre les sectes, ce qui signifie que le premier ministre de l’époque, Lionel Jospin, officialisait un combat contre les sectes. Cette mission était composée de quarante personnes. Elle entretenait des liens étroits avec les groupes anti-sectes, dont elle était le relais officiel. Elle eut un rôle de conseil auprès des ministères pour établir un maillage d’agents chargés de contrer les sectes par le biais de cellules anti-sectes dans les administrations de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, des affaires sociales.

Le 10 juin 1999, le député Jean-Pierre Brard livra un rapport intitulé « Les sectes et l’argent », le fruit du travail d’une commission d’enquête sur les finances des groupes religieux minoritaires.

La Mission interministérielle de lutte contre les sectes a favorisé la rédaction de la loi About-Picard (12 juin 2001), qui a été jugée sévèrement par des juristes, des universitaires, tant en France qu’à l’étranger, comme en témoigne cette formule du spécialiste en droit, Patrice Rolland : « Au total, la loi du 12 juin 2001 n’est qu’une loi médiocre qui reflète passivement les perplexités de l’opinion publique française à l’égard de ce qu’on appelle les sectes. Faute de comprendre son objet et le sens de ces transformations du religieux, elle risque soit de porter atteinte à la liberté fondamentale soit, peut-être à cause du risque, de rester lettre morte. C’est probablement ce qu’on peut souhaiter de mieux[ii]. » Le 18 juin 2003, après la chute du gouvernement socialiste, Alain Vivien a démissionné de la MILS et celle-ci a été dissoute.

Confronté à l’héritage de la gestion des sectes par les socialistes, le gouvernement de la droite modérée se trouvait devant plusieurs choix : ne rien faire et confier la gestion des groupes religieux minoritaires au Bureau des Cultes du Ministère de l’Intérieur, renouer avec l’observatoire des sectes mis en place par M. Alain Juppé , créer une nouvelle commission. Le nouveau premier ministre adopta cette dernière possibilité. Il avait le choix entre la placer sous la direction du ministre de l’Intérieur, chargé des cultes, ou la conserver sous la responsabilité du premier ministre. Il adopta cette dernière solution. Par un décret daté du 28 novembre 2002, il institua « Une mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires ».

Dans son objet, la MIVILUDES a un rôle d’observatoire « du phénomène des mouvements à caractère sectaire dont les agissements sont attentatoires aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales ou sont une menace pour l’ordre public ou sont contraires aux lois et aux règlements » ; de favoriser la prévention et la répression de ces agissements » ; de réunir de l’information sur ces mouvements, d’informer le public sur les risques de dérives sectaires.

Un président a été nommé : Jean-Louis Langlais, haut fonctionnaire du ministère de l’Intérieur. La MIVILUDES est dotée d’un comité (Président et secrétaire d’un comité exécutif de pilotage qui comprend des membres des divers ministères, chargés de mission et sous-directeurs) ainsi que d’un conseil d’orientation composé de personnalités diverses choisies en raison de leur compétence. Le conseil d’orientation comporte trois catégories de membres : les parlementaires (8), les associations (8), les personnalités qualifiées (14). La mission est nommée pour trois ans.

La MIVILUDES s’est donné un premier programme d’action. Toutefois, on peut faire quelques réflexions à son propos.

1)    La MIVILUDES concerne les dérives sectaires et non les sectes. M. Langlais affirme que le changement d’appellation marque la volonté de rassurer les sectes qui craignaient pour la liberté religieuse. L’intention mérite d’être signalée mais très vite, la MIVILUDES sera confrontée à un problème de taille : comment définir les « dérives sectaires ». Si les sociologues peuvent définir les traits sectaires qui constituent les éléments du type-idéal de la secte, s’ils constatent qu’il y a des traits sectaires dans les Eglises et qu’il y a des traits ecclésiaux dans les sectes, comment les juristes traiteront-ils cette expression ? Le droit français ignore la notion de « secte » ; alors, peut-il connaître la « dérive sectaire »  et lui donner une définition juridique ? On le voit, le problème est repoussé mais non résolu et la commission risque de discuter sur le sexe des anges. D’autre part, si la référence religieuse disparaît, certains demanderont que l’on s’occupe des « dérives sectaires » dans tous les mouvements, y compris dans les partis politiques. Dans un entretien accordé à Willy Fautré, Président de Human Rights Without Frontiers International, M. Langlais montre qu’il est conscient de ce problème et il affirme qu’il vise plutôt les groupes qui ont un comportement délictueux ou qui placent les « victimes » dans un état de sujétion et d’emprise. Mais comment prouver ces choses en justice ? M. Langlais en reconnaît lui-même la difficulté.

2)    La composition de la MIVILUDES diffère-t-elle réellement de celle de la MILS ? Elle inclut des personnes déjà présentes dans cette dernière. S’y ajoutent des personnes connues pour leurs réserves ou tout simplement pour leur hostilité envers les sectes. Les personnalités qui étaient chargées de la question des sectes dans les divers ministères entrent dans le comité de pilotage. Les parlementaires nommés au comité d’orientation se sont illustrés par des interventions publiques négatives envers les sectes. On y retrouve notamment : Jean-Pierre Brard, Alain Gest et Nicolas About, qui est l’un des auteurs de la loi About-Picard. Les associations anti-sectes sont représentées aux côtés d’associations de parents d’élèves qui ont manifesté leur hostilité envers les groupes religieux minoritaires. On trouve parmi les personnalités qualifiées plusieurs personnes proches de l’Association pour la Défense de la Famille et de l’Individu (ADFI), qui s’opposent fortement aux sectes, ainsi que des proches du Centre contre les manipulations mentales. Dans son entretien avec Willy Fautré (le 3 mars 2003), M. Langlais justifie leur présence en affirmant « qu’il n’y aura pas d’attitude sectaire à l’égard de ces mouvements ». D’après sa composition, la MIVILUDES devrait avoir un préjugé négatif vis-à-vis des sectes. Toutefois, il convient d’éviter les procès d’intention. Les mêmes personnes peuvent reprendre le problème autrement en fonction du programme qu’on leur donnera et de la méthode de travail qu’elles adopteront. Mais, de leur côté, les groupes religieux minoritaires peuvent craindre le retour des vieux réflexes.

3)    Les déclarations d’intention. Dans la presse, le président de la MIVILUDES a aussitôt annoncé que la nouvelle mission s’attacherait à la protection des mineurs et qu’elle n’aurait pas une vigilance inférieure à celle de la MILS (La Croix, 14/01/02), Vingt Minutes (même date), Libération (même date). Dans un entretien accordé au magazine La Vie (N°2996, 30 janvier 2003), le président de la MIVILUDES affirme que le changement de nom de la mission signifie que les objectifs ont changé : il ne s’agit pas de lutter contre les groupes eux-mêmes mais contre les dérives auxquelles ils pourraient se laisser aller. Il annonce deux chantiers : la protection des mineurs et l’aide aux victimes. Le commentateur de La Vie trouve en ceci une nouvelle orientation : il ne s’agit plus de réprimer mais d’aider. Le président de la MIVILUDES est présenté comme un homme qui ne fait pas partie du « sérail anti-sectes ». D’autre part, M. Langlais affirme que la MIVILUDES continuera à sensibiliser les chefs d’établissements, les magistrats, et que l’on formera des formateurs à l’intérieur de l’éducation nationale.

Le 4 avril 2003, nous avons été informés par Le Figaro d’une autre prise de position. Lors de la première réunion du conseil d’orientation de la MIVILUDES, M. Pierre Steinmetz, directeur du cabinet du premier ministre, aurait affirmé : « Le premier ministre a souhaité que la tâche entreprise depuis des années sous l’impulsion de plusieurs parlementaires (…) soit poursuivie et, si possible, développée ». Il a ajouté que les pouvoirs publics ne devaient pas se contenter de sanctionner les atteintes aux libertés, mais devaient « aussi identifier et dénoncer les comportements qui, en amont de la violation d’une liberté, en menacent l’exercice ». Pour la journaliste qui rapporte ces faits, « cela risque de faire grincer les dents des responsables des grandes confessions et des sociologues du fait religieux qui considèrent la lutte contre les sectes comme une atteinte à la liberté de croire ». D’un autre côté, en novembre 2002, le premier ministre aurait affirmé que « l’Etat n’a pas vocation à lutter contre les sectes » et le ministre de l’Intérieur aurait de son côté affirmé que « le problème des sectes ne doit pas devenir une obsession ». On peut conclure de ces prises de position diverses qu’avec le phénomène des non-conformistes religieux, le gouvernement est confronté à un exercice délicat.

4)    Le décret instituant la MIVILUDES a été contesté en justice par l’Eglise de Scientologie.

Les réactions de quelques personnes concernées

Nous avons essayé de faire des pointages auprès de personnes concernées par les libertés religieuses. Le site Internet de « Liberté Spirituelle » a reproduit un article sur les limites des actions de relations publiques, assez pessimiste sur les rapports entre les groupes religieux et les médias pour lancer un débat. Un correspondant (qui signe Capfrance1) répond que ce texte traduit le climat qui régnait à la fin des années 2000-2001 mais que la situation a changé « Pendant toute cette année, les médias ont arrêté de recopier bêtement les dossiers de presse que leur glissaient l’ADFI, le CCMM et la MILS, et ont commencé à publier le pour et le contre, presque systématiquement. On note dans les rédactions une certaine lassitude contre l’extrémisme anti-sectes. Les journalistes n’y croient plus, même si on les incite fortement à noircir le trait. Certains avouent même en privé qu’ils arrivent à passer d’autres points de vue lorsque le rédacteur en chef n’est plus là (authentique !) ». Il ajoute comme preuve d’une évolution que la MIVILUDES « prend une direction assez différente » (de celle de la MILS). L’auteur de ce message ajoute aussi qu’il possède des témoignages détaillés sur le changement (sauf erreur de ma part, le signataire parle au nom d’une association engagée dans la lutte pour la liberté religieuse). Un groupe religieux m’a envoyé comme preuve d’une volonté de transparence, des lettres et des circulaires le concernant confiées à sa demande par les administrations.

D’autre part, nous avons réalisé un petit sondage auprès de 15 porte-parole de groupes religieux minoritaires, présents en France, à propos d’un changement éventuel de politique du gouvernement de la droite modérée vis-à-vis des groupes religieux minoritaires. Il s’agit en fait plutôt du relevé de quelques positions établi d’après un bref questionnaire auquel ces personnes ont aimablement répondu au téléphone ou à l’occasion d’une rencontre. Cette enquête est poursuivie pour atteindre un effectif plus représentatif. En l’état, il faut le considérer comme provisoire.

Dans un premier sondage de 15 groupes religieux minoritaires, présents en France (Mormons, Raëliens, Hare Krishna, Horus, Antakharana, Rose-Croix, Mandarom, Eglise Evangélique de Besançon, Science Chrétienne, Invitation à la Vie, Scientologie, Reiki, Eglise de l’Unification, Soka Gakkaï, Alliance), une nette majorité de mouvements (11/15) attendaient un changement de politique à l’égard des sectes.

A la question, « Si oui, pourquoi ? », nous avions demandé de choisir au maximum deux des motifs suivants :

1) parce que la droite n’a pas d’idéologie anti-sectes ;

2) parce que la droite est plus tolérante que la gauche ;

3) parce que la droite n’a pas d’idéologie anti-religieuse ;

4) parce que la droite s’occupera de questions plus importantes ;

5) parce que la droite voudra se démarquer de la gauche ;

6) parce que la droite est moins liée aux obédiences maçonniques antireligieuses.

Les choix se portent sur tous les motifs avec une répartition majeure presque égale sur les trois derniers (5,4,4). Ceux qui ont répondu « non » justifient leurs réponses par le fait que les mentalités sont imprégnées par l’anti-sectarisme et parce que la droite voudra satisfaire l’opinion publique ou les électeurs. Nous avons ensuite demandé aux porte-parole de ces groupes s’ils avaient constaté un changement d’attitude du « gouvernement » à l’égard de leur propre mouvement. Aucune tendance ne se dessine : 6 « oui », 6 « non » et 3 « ne sais pas ». La réponse affirmative est motivée principalement par les meilleurs contacts avec les administrations (on répond à nos courriers, quelques décisions ont été favorables). Certains NSP sont accompagnés de « oui, en général ». On suppose qu’ils n’ont pas d’ennuis ou qu’ils n’ont pas tenté de démarches en faveur de leur mouvement. Une réponse négative est justifiée par l’attitude des services fiscaux, qui reste la même.

Quand nous interrogeons les mouvements sur un changement du discours sur les sectes dans les médias, nous obtenons 6 « oui » contre 9 « non ». Certains notent le silence, une ouverture timide. Un autre dit que « ça s’est dégonflé ».

Treize groupes contre deux ont entendu parler de la MIVILUDES : 6/13 connaissent son organisation mais peu connaissent les premières nominations (3/12 et une non-réponse).

A la question ouverte « Que pensez-vous de la MIVILUDES ? », les réponses sont négatives, comme celles-ci :

«  on efface tout et on recommence »

«  je m’interroge sur la liste des décideurs »

«  le conseil d’orientation est un rassemblement des plus extrémistes anti-sectes qui existent en France »

« le lobby anti-sectes a agi, Raffarin l’a continué ».

Un seul salue la nomination d’un haut fonctionnaire à sa direction et trouve en la MIVILUDES un « rétrécissement par rapport à la MILS ». Un autre se limite à citer son but : « protéger les enfants mais pas attaquer les groupes ».

Quand on demande si la nouvelle majorité va être plus tolérante vis-à-vis des sectes que la gauche, moins tolérante ou pareille, les avis sont généralement partagés entre « plus tolérante et pareille » (7-5-1 NSP, 2 « autres »). D’autre part,

4 choix se portent sur la proposition « la MIVILUDES sera une copie de la MILS »

7 choix sur « la MIVILUDES sera plus libérale que la MILS »

1 choix sur « la MIVILUDES sera plus dure que la MILS »

11 choix sur la proposition « elle est maintenue pour satisfaire un certain public »[iii].

Cette dernière proposition est adoptée à la fois par ceux qui pensent que la MIVILUDES sera la copie de la MILS et par ceux qui pensent que la MIVILUDES sera plus libérale. Cela tient à l’ambiguïté des questions. On peut penser que le gouvernement a maintenu une commission pour satisfaire le public, ceux qui ont un préjugé négatif envers les sectes, mais qu’il tentera d’être plus ouvert ; d’autres peuvent penser que ce sera le statu quo (même intransigeance que la MILS afin de satisfaire le public anti-sectes)[iv].

Enfin, j’ai proposé six attentes vis-à-vis du gouvernement à propos des groupes religieux minoritaires :

- l’abrogation de la loi About-Picard l’emporte (8) à égalité avec

- la garantie du pluralisme religieux (8)

- la création d’une représentation des groupes religieux minoritaires en France (5)

- la reconnaissance de tous les mouvements religieux minoritaires comme associations cultuelles (4)

- une sélection des sectes dangereuses et autres (2)

- la création d’une commission pour discuter de leurs problèmes avec le gouvernement (3)[v] 

Conclusions 

Après la chute de la majorité de gauche, les groupes religieux minoritaires attendaient un changement d’attitude de la droite modérée à leur égard. Globalement, ils supposaient qu’il y aurait une ouverture. La création d’une nouvelle mission sur les sectes ou du moins sur les dérives sectaires les a surpris et sa composition les a irrités. Ils continuent néanmoins globalement à accorder un crédit de confiance à la droite, bien que certains aient déjà renoncé à attendre quelque chose de positif. L’abrogation de la loi About-Picard et la garantie du pluralisme religieux symboliseraient sans doute, à leurs yeux, un changement. En aparté, les groupes religieux minoritaires confient qu’ils restent néanmoins vigilants et toujours prêts à continuer la lutte contre les conduites qu’ils estiment menaçantes envers eux. Il semble qu’on est vigilant des deux côtés.

 

Règis Dericquebourg

Groupe de sociologie des religions

Université Charles De Gaulle – Lille 3



[i] Cf Massimo Introvigne ed. Pour en finir avec les sectes, Paris, Dervy, 1996. Françoise Champion et Martine Cohen, ed : Sectes et démocratie, Paris, Seuil, 1999.

[ii] Patrice Rolland : « La loi du 12 juin 2001 contre les mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme ; Anatomie d’un débat législatif ». Archives de Sciences sociales des religions, 2003, 121 janvier-mars, pp 149-166.

[iii] Il y a plus de choix que de groupes car je laissais deux choix maximum.

[iv] Idem.

[v] Idem.

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