Ils l'ont fait ! Malgré les protestations nationales et internationales (incluant celles des plus hauts responsables des églises catholique romaine et protestante en France), le Parlement français a voté le 30 Mai le texte de la loi anti-sectes déjà approuvée par le Sénat (le texte final a été voté le 12 juin 2001 comme loi 2001-504). Il a suffit d'une discussion étonnamment rapide, lors d'une journée à l'emploi du temps bien rempli (notamment avec un débat sur l'adoption de la nouvelle loi sur l'avortement) pour gravement entamer la liberté de religion de plusieurs milliers de citoyens français.
Les parlementaires anti-sectes professionnels ont fait leur numéro habituel, Mr. Brard sen prenant en particulier aux critiques des autorités Catholiques et Protestantes comme bafouant le principe de séparation de l'Eglise et de l'Etat, et reprochant aux représentants de l'église catholique leurs "relations avec Mr Introvigne, propagandiste zélé du laisser-faire pour les sectes".
Les attaques anti-américaines étaient moins subtiles qu'à l'ordinaire, accusant l'administration américaine d'être infiltrée à la fois par la scientologie et par "Moon". Un parlementaire candide suggérait même que si cette loi avait existé plus tôt, les suicides et meurtres du temple Solaire auraient certainement été évités ! Nous avons examiné avec attention cette loi, qui comporte toujours la notion de lavage de cerveau, quoique maquillée sous un autre nom et introduite par l'amendement d'un paragraphe existant.
La question qui se pose maintenant est : qu'est ce qui peut être fait par les universitaires internationaux des mouvements religieux et les activistes des libertés religieuses ? Voici mes suggestions présentées dans une courte liste:
1. Essayer de comprendre la loi dans le contexte Français. Plutôt que de signer des pétitions proposées par l'un ou l'autre des mouvements religieux, les universitaires devraient d'abord faire leur travail et essayer de comprendre le contexte historique, culturel et légal français. Les travaux d'universitaires français comme Danièle Hervieu-Léger, Émile Poulat et Jean Bauberot pourraient jouer un rôle crucial. Nous avions commencé cette discussion lors de la conférence 2001 à Londres et cela pourrait être un point de départ pour de futurs travaux. Comprendre le contexte pourrait également donner la seule possibilité d'un véritable dialogue avec les éléments les plus modérés parmi ceux qui s'occupent en France du soi-disant "danger des sectes".
2. Faire confiance aux juges français et européens. Nous plaçons nos espoirs les plus immédiats dans les juges français et européen . En effet les juges français ont prouvé qu'ils étaient peu enclins à renforcer les lois anti-sectes, et certaines dispositions du texte de loi pourraientplacer la France en difficulté devant la Cour Européenne des droits de l'homme. Il ne faut pas regarder comme de mauvais goût d'apporter notre soutien aux actions légales qu'un certain nombre de NMR ne manqueront pas d'entreprendre. Au contraire, il faut regarder comme de mauvais goût lemanque de soutien envers ces actions. Là ou tout a échoué, une action légale persévérante pourrait réussir.
3. Torpiller l'application de la loi en la déclarant inapplicable. Alors quele texte de loi parle de "groupes sectaires" et fait allusion au lavage de cerveau ou à la manipulation mentale, expliquer encore et encore que rien de tout cela n'existe. Les "sectes" et la "manipulation mentale" sont des concepts flous, sans signification universitaire ou légale. En tant que tel, toute loi employant ces concepts brumeux est clairement inapplicable. Un certainnombre de juges en France pourraient être assez sensibles à ces arguments, sous réserve qu'ils soient expliqués calmement et logiquement.
4. Ne pas donner à manger aux loups. Les groupes religieux qui enfreignent le droit commun (et non la loi spéciale contre les sectes) devraient bien évidemment être poursuivis. Ne les défendez pas, confondant la liberté religieuse avec une excuse pour des crimes de droit commun. En revanche, les mouvements accusés de délits imaginaires comme de faire du "lavage de cerveau" ou "d'être une secte" devraient être vigoureusement défendus, même pour les moins ragoûtants d'entre eux. Le fait que nous n'apprécions pas certains mouvements n'entre pas en ligne de compte: personne ne peut être rendu coupable d'un crime imaginaire. Nous pourrions avoir la tentation de faire une distinction entre les "bonnes sectes" et les "mauvaises sectes", et de jeter les deuxièmes en pâture aux loups. Cependant, cela ne fera que nourrir les loups, et qui sera le suivant?
5. "Publier ou périr": faire connaître les travaux universitaires internationaux en France. Un certain nombre des meilleurs travaux en sociologie des religions ont été publiés pour la première fois en Français. En revanche, les données de première main sur les mouvements religieux n'ont jamais été systématiquement collectées, et il n'y a aucune encyclopédie complète des groupes religieux actifs en France. Il n'y a pas de travaux universitaires monographiques publiés sur la plupart des mouvements listés comme "sectes", mais seulement de la littérature qui, soit en fait l'apologie- publiée par les mouvements eux-mêmes - soit présente des documents exposant les thèses des anti-sectes. La littérature scientifique de langue anglaise sur les controverses à propos du lavage de cerveau et la guerre des sectes n'a pratiquement pas été traduite. Des arguments qui sont bien connus dans les pays de langue anglaise apparaissent comme plutôt nouveaux en France. La situation est : "publier ou périr". Aussi la traduction en Français de travaux scientifiques sains sur les mouvements religieux et leur diffusion devrait-elle être vue comme absolument prioritaire..
6 Soutenir prudemment les pressions internationales. Les anti-sectes français ont joué sur le sentiment anti-américain en dépeignant les sectes comme "le cheval de Troie des Etats-Unis en Europe" (ce titre ne provient malheureusement pas d'une quelconque feuille de chou mais d'un étrange article dans le respectable Monde Diplomatique). Par ailleurs, les pressions internationales ont nettement réussi à freiner les campagnes anti-sectes dans un certain nombre d'autres pays. Cela réussira finalement aussi en France, si toutefois cette action n'est pas présentée comme uniquement "américaine", et quelle est faite avec tact et dans le respect des traditions nationales françaises. Une action diplomatique tranquille serait plus efficace que des publicités pleine page contre la France dans le Herald Tribune.
7 Ignorer les accusations de faire "l'apologie des sectes". Si vous mettez en uvre les points précédents, vous serez accusés de faire "l'apologie des sectes". Les services secrets français ont été très actifs pour répandre des rumeurs (et développer des sites Internet) visant à discréditer des universitaires internationaux et des activistes de la liberté religieuse, en les présentant comme de simples mercenaires à la solde des sectes. En retour, plutôt que de répondre point par point aux accusations concernant vos sources de revenus ou votre vie privée, ignorez plutôt tous ces mercenaires qui sont, eux, à la solde des services secrets français, quand bien même ils seraient revêtus d'une sorte d'habit universitaire. En effet, non seulement ils sont complètement discrédités sur le plan international, mais ils ont de plus prouvé leur remarquable inefficacité.
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Full text of the law in French
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